La promesse est séduisante : l’intelligence artificielle pourrait nous libérer du travail. Moins de tâches répétitives, moins d’heures passées devant l’écran, peut-être même... une semaine de quatre heures. Mais derrière ce fantasme se cache une réalité plus complexe, et surtout un choix de société.

Car si l’IA peut alléger certaines charges, elle ne garantit en rien un meilleur partage de la valeur. Au contraire, les gains de productivité qu’elle génère, lorsqu’ils sont captés par quelques grandes plateformes – souvent américaines, peu fiscalisées en Europe – risquent d’aggraver les fractures sociales et de renforcer une dépendance technologique déjà problématique.

L’IA doit être un amplificateur de savoir-faire

À l’inverse, penser l’IA comme un outil de maîtrise d’ouvrage permet d’imaginer un futur du travail plus équilibré et plus qualifié. Travailler mieux, c’est cultiver l’expertise, la finesse, la compréhension des systèmes complexes. C’est outiller nos ingénieurs, nos techniciens, nos artisans numériques pour qu’ils comprennent ce qu’ils construisent – plutôt que de dépendre de boîtes noires venues d’ailleurs.

Dans cette vision, l’IA n’est pas un substitut, mais un amplificateur de savoir-faire. Elle nous permet de rester dans une zone de travail raisonnable, celle que la France a su inventer avec ses 35-40 heures hebdomadaires. Ni surexploités comme dans certains modèles asiatiques, ni remplacés par des algorithmes pensés à des milliers de kilomètres.

Enfin, il ne faut pas oublier que le travail remplit aussi une fonction sociale essentielle. Il structure nos journées, nos relations, nos territoires. Remplacer massivement le travail humain sans un vrai projet de redistribution, c’est prendre le risque d’une déchirure sociale.

Alors non, l’IA ne doit pas nous faire travailler moins. Elle doit nous aider à travailler mieux. Et surtout, à rester aux commandes.

De la nécessité d’ouvrir la boîte noire de l’IA

Mais pour que l’IA nous aide réellement à mieux travailler, encore faut-il la comprendre, la maîtriser, l’orienter. Cela suppose une reconquête de l’ingénierie elle-même : déconstruire les systèmes opaques, accéder aux modèles, aux données, aux logiques de fonctionnement. Cela passe nécessairement par une politique active d’open science, d’open source, d’open data, voire d’open weights dans le cas des modèles d’IA.

Ce n’est qu’en ouvrant la boîte noire que nous pourrons nous assurer que les outils que nous utilisons servent bien l’intérêt général. Former nos ingénieurs, nos décideurs et nos citoyens à cette maîtrise d’ouvrage numérique, c’est garantir un avenir où l’IA enrichit le travail humain, sans le remplacer, ni l’appauvrir.

Pour en savoir plus sur la vision de Yann Lechelle au sujet de l’intelligence artificielle, retrouvez-le lors de notre événement, la MKIA, le 29 avril à la salle Gaveau à Paris.