D’après McKinsey (2023), 40 % des heures travaillées en France pourraient être automatisées par l’IA d’ici 2030. Dans l’industrie, 30 % des processus seraient directement optimisables (Roland Berger, 2023). Le constat est clair : l’IA générative n’est plus un simple sujet technologique ou RH. Elle est une lame de fond qui redéfinit les modèles d’affaires, bouleverse les chaînes de valeur… et s’impose désormais comme un facteur déterminant de valorisation.
Tandis que les départements juridiques s’inquiètent des dérives, que les équipes innovation testent des prompts, l’IA, elle, redessine déjà les process, les métiers, les produits. Ce n’est pas un outil parmi d’autres, c’est une onde de choc systémique.
En conséquence, les approches fragmentées portées par les seuls métiers (avançant chacun avec leur schéma de lecture), ne suffisent plus.
Il faut développer une vision panoramique que peu d'entreprises possèdent aujourd'hui. Ou dit autrement, il faut se constituer un cockpit de pilotage permettant de détecter les zones d’impacts, la force de l’impact et les réponses apportées ou à prévoir. Et ce, sous différents angles : l'efficience opérationnelle, l'expérience client, la montée en compétence des collaborateurs ou encore la création de valeur.
Le défi de l’évaluation systémique
Appréhender globalement les choses, c’est une nécessité, mais cela reste une difficulté majeure. En effet aujourd’hui, le constat est alarmant, 63% des dirigeants craignent de faire les mauvais choix quand il s’agit d’IA (Source : Étude KPMG "Global AI Survey 2023"), tandis que seulement 23% d'entre eux disent disposer d'une feuille de route précise et activable (source : baromètre Bpifrance Le Lab 2023).
Et pourtant, casser les silos métier et hybrider les expertises pour développer cette vision 360 degré, c’est possible. Pour amorcer une évaluation sérieuse de l’impact de l’IA dans l’entreprise, encore faut-il se poser les bonnes questions.
Il s’agit d’abord d’analyser la chaîne de valeur : quels maillons de l’activité pourraient être automatisés ? Quelles nouvelles opportunités pourraient émerger ? Ensuite, se pencher sur la maturité des données est essentiel : dispose-t-on de données suffisamment structurées pour alimenter efficacement des systèmes d’IA ? Vient ensuite la question des compétences et de la culture interne : l’organisation possède-t-elle les savoir-faire techniques et l’agilité nécessaire pour intégrer l’IA de manière pertinente ? Il faut également évaluer l’exposition concurrentielle : les concurrents directs ou les nouveaux entrants tirent-ils déjà parti de l’IA, et dans quelle mesure le secteur est-il sensible à ces évolutions ? Enfin, un point souvent sous-estimé mais crucial : le cadre de gouvernance. L’entreprise a-t-elle défini un socle éthique et opérationnel solide pour encadrer le déploiement de l’IA de manière responsable et sécurisée ?
Ce diagnostic ne vaut pas seulement pour les équipes techniques. Il doit être pris en main par la direction générale, car ce qui est en jeu, c’est la capacité de l’entreprise à anticiper, s’adapter… et rester valorisable.
L’IA, nouveau critère de confiance pour les investisseurs
À l’image de la transition écologique, la maturité IA devient un indicateur de performance et de résilience. Elle en dit long sur la capacité de l’entreprise à piloter l’innovation, mais aussi à encadrer les risques.
Les investisseurs et parties prenantes auront bientôt les mêmes exigences qu’en matière RSE : un rapport de maturité IA, structuré autour d’indicateurs tangibles. On parlera gouvernance dédiée, formation des équipes, sécurisation des données, tests documentés, intégration métier…
Un nouveau réflexe d’analyse est en train de naître : “montrez-moi votre politique IA, je vous dirai si vous êtes prêts pour demain.”
Et si la vraie innovation, c’était la lucidité ?
Tant que l’IA restera cantonnée aux laboratoires d’innovation ou aux équipes marketing, on passera à côté de l’essentiel. Ce n’est pas une question de performance à court terme. C’est une question de valeur à long terme. Intégrer l’IA, c’est déjà transformer sa capacité à créer, protéger et faire croître ses actifs immatériels.
Demain, à côté du rapport RSE, le rapport IA figurera naturellement dans chaque document de référence, comme un nouveau critère de transparence et de maturité stratégique.