Keynote XXL, bain de foule, conférence de presse digne de celle d’un chef d’État… Jensen Huang est définitivement la rockstar de la semaine à Taïwan à l’occasion du Computex. Né dans le sud de l’île à Taïnan, le patron de Nvidia, est véritablement prophète en son pays d’origine. Il faut dire que son entreprise est actuellement l’une des plus puissantes au monde avec ses puces dédiées à l’intelligence artificielle que le monde entier s’arrache.
Dès lundi, pour lancer la semaine du Computex, le dirigeant a fait le show pendant 1h30 au Taipei Music Center dans le cadre d’une keynote pour présenter les avancées de Nvidia, exposer sa vision sur les prochaines étapes de la révolution de l’IA (l’IA physique avec des robots plus intelligents que jamais arrive !) et séduire son audience locale.
Pour cela, il a annoncé la construction du premier superordinateur d’IA de Taïwan, l’extension des partenariats avec les entreprises locales comme TSMC et Foxconn, et la création d’un nouveau campus XXL, qui sera situé au cœur du Beitou-Shilin Technology Park à Taipei. Une manière d’envoyer un message au monde entier pour rassurer les Occidentaux qui craignent une invasion de ce territoire clé pour la tech mondiale alors que l’armée chinoise multiplie les manœuvres militaires autour de l’île ces dernières années.
Une keynote de star et une conférence de presse aux allures de stand-up
Après cette keynote qui a eu un fort retentissement à Taïwan, Jensen Huang s’est offert un bain de foule au premier jour du Computex, quelques heures après la venue du président taïwanais Lai Ching-te à cet événement qui fait office de vitrine mondiale du savoir-faire local dans le hardware. Le lendemain, il a convié une horde de journalistes internationaux à son hôtel, le Mandarin Oriental, pour une conférence de presse XXL à laquelle Maddyness a pris part. Très décontracté, le dirigeant taïwanais-américain est arrivé avec sa fameuse veste noire brillante et une tasse de café à la main.
Pas de guitare électrique à l’horizon avec ce look de rock mais un nouveau show d’1h30, durant lequel il n’hésite à faire de l’humour tout en discutant de sujets très sérieux. Touché au premier degré par la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump, Jensen Huang n’a pas éludé le sujet. «Je ne suis pas en colère avec la politique de Trump, mais je pense que c’est une mauvaise politique. Et c’est assez facile à prouver. Il y a quatre ans, au début de l'administration Biden, la part de marché de Nvidia en Chine était de 95 %. Aujourd'hui, elle est seulement 50 %. Le reste est à la main de la Chine», a-t-il expliqué.
«Les mesures américaines contre la Chine n’ont rien changé, elles nous ont juste fait perdre beaucoup d’argent»
La guerre commerciale actuelle n’est pas le seul coupable. Depuis 2021, sous la présidence de Joe Biden, Washington avait multiplié les restrictions sur les ventes de puces avancées à la Chine, notamment celles destinées à l’intelligence artificielle. Une manière de freiner les ardeurs de Pékin dans des secteurs clés pour la sécurité nationale. «Ces mesures n’ont rien changé, elles nous ont juste fait perdre beaucoup d’argent», a-t-il souligné.
Surtout, Jensen Huang n’entend en aucun cas renoncer à la Chine, dont il salue la vitalité de son écosytème d’IA. «En Chine se trouvent 50 % des chercheurs d’IA du monde entier. Et nous voulons que ces chercheurs développent de nouvelles innovations avec Nvidia. DeepSeek a été construit sur Nvidia par exemple. C'est un cadeau pour nous et un cadeau pour le monde. L’an prochain, le marché chinois de l’IA pèsera probablement 50 milliards de dollars. Et cette opportunité est assez importante pour Nvidia. Ce serait une honte de ne pas pouvoir profiter de celle-ci», a-t-il indiqué. Avant de mettre en garde contre de nouvelles mesures américaines : «Les chercheurs d’IA sont toujours en train de faire des recherches en Chine. Ils ont beaucoup de technologies locales qu'ils utiliseront. S'ils n'ont pas assez de produits Nvidia, ils utiliseront les leurs. Les restrictions américaines à l’exportation leur ont donné l’esprit, l'énergie et le soutien du gouvernement pour accélérer leur développement. A mes yeux, ces mesures étaient une erreur et les faits le suggèrent.» Il conseille plutôt aux dirigeants américains de se concentrer sur autre chose : «Je crois que les États-Unis devraient accélérer la vitesse de diffusion de l’IA. Sinon, la concurrence prendra les devants.»
«Il y aura des trillions de dollars d'infrastructures IA à construire dans les prochaines années»
Le patron de Nvidia a également exposé sa vision sur l’avenir de son entreprise alors que la révolution de l’intelligence artificielle bat tous les records de vitesse de changement de paradigme technologique. Dans ce cadre, il souhaite que Nvidia soit le point névralgique de l’infrastructure mondiale de l’IA. «Nvidia n’est plus seulement une entreprise tech majeure, c’est une infrastructure centrale», avait-il d’ailleurs martelé lors de sa keynote à Taipei ce lundi.
«Cette infrastructure est en train de se construire. C'est l'une des raisons pour lesquelles je voyage dans le monde. Chaque région réalise qu'elle doit construire sa propre infrastructure IA. Le monde va avoir besoin d’infrastructures d’IA partout. Elles vont couvrir toute la planète. Juste comme l'infrastructure internet a couvert le planète. Éventuellement, les infrastructures d'AI seront partout», a-t-il assuré. Et de poursuivre : «Nous sommes au début de la révolution de l’IA et nous sommes donc au début de l'infrastructure d'IA qui est construite dans le monde entier. Nous sommes au début de cette technologie qui est maintenant intégrée et qui transforme toute l'industrie. Nous sommes au début, juste au début. Il y aura des trillions de dollars d'infrastructures IA à construire dans les prochaines années.»
Si Jensen Huang est aussi confiant, c’est parce qu’il pense déjà à la prochaine vague d’innovation dans les communications, à commencer par la 6G. «Rappelez-vous, l’IA est aussi la base de la 6G. Donc l'infrastructure des communications dans le futur sera également affectée. Donc nous devons mettre la technologie américaine de l’IA dans le plus de lieux possibles, et travailler avec les développeurs et les chercheurs de l’IA à travers le monde pour les aider à construire leur écosystème et leur permettre de prendre part à cette incroyable révolution de l’IA», a estimé le patron de Nvidia.
«L’IA et la robotique vont transformer tout ce que nous faisons»
Dans cette révolution, le dirigeant pense déjà à la prochaine étape après la phase de l’IA argentique. Il en avait déjà présenté les prémices au CES de Las Vegas en évoquant l’essor des robots humanoïdes. «La prochaine étape, c’est l’IA physique qui sera la base de la révolution robotique», a-t-il confirmé lors de sa keynote taïwanaise. «Les robots ouvrent la voie à la prochaine industrie à 1 000 milliards de dollars. L’IA et la robotique vont transformer tout ce que nous faisons», a-t-il ajouté. Dans cette perspective, cet ingénieur, devenu l’une des stars mondiales de la tech, a annoncé le lancement d’Isaac GR00T N1, un modèle de fondation open source pour favoriser le développement de robots humanoïdes.
Cette approche visionnaire ne devrait pas faire retomber l’effervescence autour de ce personnage qui déclenche des scènes de liesse à chaque fois qu’il retourne à Taïwan. Dans l’hôtel de Taipei qui accueille Nvidia GTC, la conférence mondiale du groupe américain dédiée à l’IA, il était même possible d’acheter des t-shirts à son effigie. Les organisateurs de VivaTech sont prévenus : la Jensen Mania s’apprête à déferler sur Paris dans trois semaines !