Ce n’est plus le temps des pitchs. C’est le temps des preuves. L’IA n’est pas un passe-droit pour lever, ni un alibi pour séduire. Elle ne compensera jamais un produit bancal, un usage flou, une entreprise mal construite. Pire : elle accélère les défauts. La prochaine génération d’acteurs IA ne brillera pas par la magie de sa démo — mais par la robustesse de ce qui tourne en production. 

Depuis deux ans, l’écosystème technologique vit au rythme des levées spectaculaires et des promesses “IA-powered” sur toutes les slides. Comme à chaque vague d’innovation, l’euphorie a précédé la maturité. Mais ce cycle touche à sa fin. Derrière les effets d’annonce, les limites commencent à apparaître. Les clients posent des questions concrètes. Les usages réels deviennent la seule métrique pertinente. Et le vernis craque quand la livraison ne suit pas. 

Mais l’intelligence artificielle n’est pas un effet de mode. Ce n’est pas une simple vague technologique de plus. C’est un changement structurel, profond. Et c’est précisément pour cela qu’elle ne pardonne pas l’improvisation et j’en sais quelque chose après avoir fondé et revendu trois entreprises dans l’IA. 

L’IA ne compense pas une absence de valeur 

Trop d’acteurs ont cru qu’ajouter une couche d’IA suffisait à rendre un produit innovant. Mais une technologie puissante, plaquée sur un modèle bancal, reste une mauvaise solution. L’IA ne doit pas être une opération cosmétique. Elle doit être intégrée au cœur du modèle, pensée nativement, construite autour de l’usage. Cela suppose une exigence que l’écosystème tech a parfois mis de côté : celle du temps long, de la rigueur produit, et de la preuve par les faits. 

Construire, pas impressionner 

Depuis trop longtemps, une partie du secteur a confondu croissance et crédibilité. On célèbre des tours de table comme des victoires business. On confond nombre d’employés avec solidité. On préfère les vanity metrics aux indicateurs réels : taux de rétention, usage quotidien, adoption en production. 

Mais une levée de fonds n’a jamais remplacé un client satisfait. Une série B ne vaut rien si le produit n’est pas utilisé. Ce qui compte aujourd’hui, ce n’est pas de faire rêver un investisseur, c’est de répondre à un besoin avec fiabilité, sobriété et précision. 

Il est temps d’élever le niveau 

Pour restaurer la confiance, l’IA B2B doit se doter de standards plus exigeants : 

  • Des métriques publiques et vérifiables : ARR, churn, taux d’usage réel. 
  • Une traçabilité des références clients, validées par les entreprises citées.
  • Une transparence sur les limites des outils — pas seulement sur leurs promesses. 

Ce sont aussi les investisseurs qui doivent revoir leur grille de lecture. La prochaine génération d’entreprises IA ne se distinguera pas par l’effet waouh de sa démo, mais par la robustesse de son produit au jour 100, pas au jour 1. 

Une IA post-hype, ancrée dans le réel 

L’intelligence artificielle n’a pas besoin de storytelling. Elle transforme déjà, discrètement, des pans entiers de l’économie : prospection, relation client, logistique, planification, analyse de risques… Ces transformations ne font pas la une, mais elles changent profondément la façon de produire, vendre, décider. 

Ce sont ces usages réels, mesurables, parfois peu visibles, qui feront la valeur de l’IA dans la durée. Pas les promesses de remplacement magique, pas les projections mirobolantes. 

Dans les années à venir, le secteur va se diviser en deux camps : ceux qui racontent. Et ceux qui livrent. Ceux qui poursuivent la mise en scène. Et ceux qui préfèrent l’impact. 

Ce n’est pas une question de cynisme ou d’idéologie. C’est une question de crédibilité. De responsabilité. Et, très vite, de survie. 

L’IA ne sauvera pas les mauvaises entreprises. Elle les précipitera. Elle accélère tout — y compris l’échec, quand il est inévitable. 

Le moment est venu de prendre cette technologie au sérieux. Plus comme un effet d’annonce, mais comme une infrastructure critique. Plus comme un levier de valorisation, mais comme un outil de transformation réelle. 

La fin des illusions ? Espérons que ce soit aussi le début de la maturité.