On savait que le Private Equity (PE) s’intéressait de plus en plus à la French Tech, mais la réciproque est aussi vraie ! D’après l’étude de l’Institut Choiseul et du cabinet de chasseur de têtes Sonnar, portant sur les talents de la tech, plus d’un quart des répondants souhaitent envisager à moyen terme de passer du monde du Venture Capital (VC) à celui du Private Equity. Selon l'étude, ce chiffre s’explique par le fait que les talents de la tech cherchent à avoir des trajectoires qui ont plus de sens. Dans une large majorité, ils veulent avoir un impact plus tangible sur l’économie réelle, avec la création d’emplois, une transformation industrielle et de potentielles relocalisations.
« Je vois un vrai basculement, pour deux raisons. D’un côté, l’écosystème VC est devenu mature. Beaucoup de talents y évoluent depuis 5 à 10 ans, dans un environnement d’une exigence extrême — et pour certains, ça ne leur convient plus. Et puis il y a aussi un effet de mode de la startup qui s’essouffle. C’est la combinaison des deux qui fait qu’on sent un vrai changement » explique Thibaut Dousset, co-fondateur de Sonnar. Dans l’échantillon composé de plusieurs centaines de personnes, 85 % des profils ont effectivement plus de 5 ans d’expérience professionnelle et 71 % occupent aujourd’hui des postes de direction, de management ou d’expertise stratégique en VC.
Des différences de culture
Pourtant, et malgré cet intérêt marqué pour le Private Equity, seuls 6 % des talents interrogés ont effectivement effectué une transition du Venture Capital vers le Private Equity. Plusieurs raisons expliquent ce décalage entre l’envie et la réalité.
L’étude précise d’abord une différence de culture forte entre les deux mondes. « Il y a un vrai gap culturel entre les environnements VC et ceux du Private Equity. Côté startup, on trouve des équipes plus jeunes, des méthodes de travail très digitalisées, avec des décisions prises à l’échelle de la semaine ou du mois. Dans le monde du PE, l’âge moyen est plus élevé, les stratégies se pensent en années, et les organisations sont plus structurées. Il y a aussi un écart territorial : les talents du VC sont très concentrés à Paris, alors que les PME et ETI soutenues par du Private Equity sont, elles, réparties sur tout le territoire », affirme Thibaut Dousset.
De plus, les cycles de temps varient aussi entre le VC et le PE.. Ainsi, chez l’un, il faut structurer vite, prioriser, pivoter rapidement et maximiser l’impact avec des ressources contraintes. Chez l’autre au contraire, les cycles de décision prennent plus de temps et les marges de manœuvres sont parfois plus étroites. Enfin, les profils en VC sont parfois perçus par le Private Equity comme trop jeunes, trop spécialisés, ou difficilement adaptables à des modèles d’entreprise plus conventionnels, selon l’étude.
Plusieurs remèdes pour créer des passerelles
Pour remédier à cela, l'étude préconise de « repenser les pratiques de recrutement ». « Les talents de la tech sont souvent mis, presque par réflexe, dans des cases "startup" ou "VC". Pourtant, leurs compétences sont largement transférables. Chez Sonnar, on défend une lecture beaucoup plus agnostique des parcours : sens du résultat, exécution rapide, agilité… tout ça a une vraie valeur aussi dans des boîtes soutenues par du Private Equity. On a vu des dizaines de transitions réussies de profils startup vers des PME, et c'est une tendance qui s'accélère » expose Thibaut Dousset.
Le dirigeant conseille aussi des immersions temporaires de six à douze mois qui permettraient à des profils issus du VC ou de la tech de s’engager dans des projets de PE et inversement. Enfin, il considère que les talents en VC doivent pouvoir suivre des formations par les fonds de quatre à six semaines, sans interrompre leur carrière pour apprendre les fondamentaux du Private Equity. Celle-ci peuvent porter par exemple sur la structuration financière, la logique LBO ou la gouvernance consolidée.