L'annonce d'une levée de fonds ou d'une acquisition est souvent vécue comme un moment de consécration. Les gros titres pleuvent, la machine à rêves se met en marche, et pour les fondateurs, c’est souvent un passage vers une nouvelle ère de croissance. On parle souvent de l’avant. Moins de l’après. Une fois l’annonce faite, l’euphorie laisse place à une toute autre réalité. Le véritable test commence après le closing, quand la promesse devient pression. Quand le rêve d’accélération devient un équilibre instable entre roadmap, staffing, structuration produit et résultats tangibles.
“Après la levée, on va recruter." C’est la phrase que j’entends le plus souvent depuis dix ans. Et tant qu’ancien CTO de deux scaleups, je l’ai moi-même vécu. Ce que je partage ici, ce ne sont pas des constats abstraits : ce sont des mécanismes que j’ai traversés, observés et que j’accompagne aujourd’hui aux côtés d’acteurs clés de l’écosystème tech français.
L’euphorie du closing... suivie par les premiers blocages
L'euphorie initiale laisse souvent place, quelques mois après, à des constats plus nuancés. Entre 6, 12 ou 18 mois, des symptômes récurrents commencent à apparaître. Signes d'un scaling plus douloureux que prévu. Les retards de roadmap s'accumulent, le turn-over au sein des équipes techniques s'accélère, et la machine s'essouffle.
Comme l’a résumé un CEO de scaleup B2C que j’accompagne depuis 4 ans : « Après notre levée, on a continué de vendre une promesse... mais on n’avait plus les bras pour la livrer. » L'ambition produit, nourrie par les capitaux levés, se heurte aux limites du réel. Les équipes - déjà sous pression avant l'opération - jonglent entre nouvelles fonctionnalités, intégrations, urgences quotidiennes, avec peu de renforts et une pression constante. Résultat, une fatigue palpable qui freine le tempo, une démotivation des équipes, et parfois, la perte de talents clés.
La capacité à exécuter à grande échelle et à structurer une équipe devient le défi n°1. Alors, comment tenir la promesse faite aux investisseurs ?
Structurer l’exécution : un enjeu business, pas une variable d’ajustement
Le marché 2024-2025 marque un tournant stratégique où la pression sur l’organisation Tech monte :
- Trouver les bons profils en CDI - ceux qui seront les piliers de votre organisation - prend du temps ;
- Les freelances sont de plus en plus volatils, sur-sollicités, parfois indisponibles aux moments critiques ;
- Quand aux RPO et ESN généralistes, leur surcharge opérationnelle s’accompagne souvent d’un manque de spécialisation tech.
Dans ce contexte, l’inertie est risquée. Le vrai levier, ce n’est pas de trouver “plus de bras” en urgence. Les meilleures organisations modélisent, anticipent, structurent intelligemment leur delivery. Elles activent des taskforces hybrides tech expérimentées, intégrées à leur stack, capables d’avancer vite, sans onboard long ni rupture de cadence. Et surtout : avec une exigence partagée sur le résultat.
Ce modèle de renfort maîtrisé - ni “offshore”, ni “précipité” - ce n’est pas de l’externalisation par défaut. C’est un partenariat stratégique, avec des profils seniors capables de comprendre le contexte, d’absorber la complexité métier, et de débloquer ce qui bloque.
Rester lucide après la victoire : staffer, ce n’est pas « cocher une case »
Il y a toujours un moment où la réalité vous rattrape. Cette phase « post-victoire » est aussi celle qui exige le plus de lucidié. La quête du graal (médiatique ou business) ne doit pas faire perdre de vue l’essentiel : l’alignement entre la proposition de valeur business et la capacité Tech à délivrer.
Les scaleups qui échouent ne sont pas toujours celles qui manquent d’ambition, mais celles qui oublient ce triptyque stratégique : Qualité – Délai – Budget. La cohérence entre commercialisation, production et relation client devient alors essentielle. Et ce “triangle impossible” n’a rien d’impossible… si on le structure à temps.
L’été, moment stratégique pour prendre une longueur d’avance
L'été, avec son rythme apparemment plus lent, est souvent perçu comme une période de pause. Mais pour les dirigeants qui pilotent l’exécution avec exigence, c’est une opportunité discrète mais puissante.
Je le répète chaque année : "Les équipes prennent des vacances. Votre roadmap, elle, non.". Alors pourquoi attendre la rentrée pour combler les retards, staffer à la hâte ou subir les urgences ? C’est maintenant que se joue le S2 pour préparer sereinement la prochaine phase d'accélération.
La vraie question n’est donc pas : « Comment recruter plus vite ? » ; mais bien : « Comment assurer la continuité de mon delivery sans épuiser mes équipes ? » Structurer son exécution comme un levier business, ce n’est pas un luxe. C’est une condition de scalabilité. Et c’est ce qui différencie, très concrètement, les scaleups qui livrent… de celles qui piétinent.
sujet reste trop peu abordé. Et pourtant, il détermine la réussite produit et la trajectoire business des 6, 12, 18 mois post-opération.