On l'attendait, mais c'est désormais officiel. Mistral AI, la pépite française de l'IA générative vient d'annoncer qu'elle levait en série C 1,7 milliards d'euros. Un montant historique pour une startup française. Elle est désormais valorisée 11,7 milliards d'euros, ce qui en fait la première décacorne de l'histoire de la French Tech, soit une entreprise technologique valorisée plus de 10 milliards d'euros. Elle devient aussi au passage la startup d'IA la plus valorisée en Europe.
Ce tour de table a été mené par ASML, le géant néerlandais des semi-conducteurs qui injecte dans la startup 1,3 milliard d'euros, comme le révélait hier Reuters. Avec cet apport, le groupe industriel, dirigé par le français Christophe Fouquet, prend 11% des parts, selon une source proche du dossier. Ce qui en fera le premier actionnaire de la startup après chacun des fondateurs, qui contrôlent encore majoritairement la société. Le groupe néerlandais aura le droit à un siège au conseil de surveillance.
L'alliance entre les deux entreprises "a pour objectif de générer une forte plus-value pour les clients d'ASML grâce à des produits et solutions innovants dopés à l'IA et offrira des pistes de recherche commune", souligne Christophe Fouquet. Avec ce nouveau partenaire financier et industriel, aux poches profondes, Mistral trouve un acteur complémentaire à ses activités dans la chaîne de valeur de l'IA. Quand ASML crée et fabrique les équipements qui permettent de graver les semi-conducteurs dans l'IA, Mistral elle conçoit des grands modèles de langage. "Nous avons l'ambition d'aider ASML et ses nombreux partenaires à relever les défis techniques actuels et futurs grâce à l'IA, et, à terme, de faire progresser l'ensemble de la chaîne de valeur des semi-conducteurs et de l'IA" précise Arthur Mensch, PDG et cofondateur de Mistral AI
Parmi les autres investisseurs déjà présents au capital de Mistral, et qui remettent au pot, on retrouve Andreessen Horowitz, DST Global, Bpifrance, General Catalyst, Index Ventures, Lightspeed et le géant américain des puces Nvidia.
Garder une souveraineté européenne
Cette nouvelle enveloppe est une bonne nouvelle pour Mistral AI. Elle lui permet de rester dans la course à l'IA et de continuer à rivaliser avec les géants américains ou chinois. Cependant, ses capacités financières restent modestes face à ses principaux concurrents américains. Anthropic, par exemple, dont le modèle Claude est l'un des principaux rivaux du ChatGPT, revendique une valorisation de 183 milliards de dollars après un tour de table de 13 milliards de dollars en septembre. OpenAI serait lui en pourparlers pour permettre à ses employés d'encaisser leurs actions, ce qui valoriserait l'entreprise à environ 500 milliards de dollars, selon plusieurs médias.
Cette nouvelle levée de fonds permet surtout à Mistral de "réaffirmer son indépendance", selon son communiqué, et d'éviter de passer sous le contrôle de géants de la tech américains ou chinois, après un été marqué par une rumeur de rachat par Apple. Étant donné les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis et du besoin de souveraineté technologique en Europe, "Mistral peut s'imposer comme un acteur européen incontournable, une véritable alternative aux modèles non-européens", estime Franck Sebag, associé chez EY. Elle a multiplié cette année multiplié les annonces retentissantes de partenariats notamment avec Nvidia pour créer une plateforme de cloud (informatique à distance) ou encore avec le fonds émirati MGX pour fonder un gigantesque campus IA en région parisienne.
"En réunissant un industriel de rang mondial et une start-up française de pointe, l'Europe démontre sa capacité à bâtir sa souveraineté numérique forte", a réagi la ministre déléguée au Numérique Clara Chappaz, dont le gouvernement a chuté hier.
Mistral AI, qui compte plus de 350 employés répartis entre six bureaux de Londres à Singapour travaille déjà avec la moitié du CAC 40. Elle s'attend à générer plus de 100 millions de dollars de revenus par an.