« Chaque entreprise fonctionne selon sa propre équation : la rémunération résulte d’un ensemble de variables bien précises, et non d’un simple titre », introduit Clément Martin, fondateur de Rocket4sales, un cabinet de recrutement spécialisé pour les commerciaux de la Tech. Plutôt que de se fier à des standards figés, il préconise d’analyser la réalité du terrain en s’appuyant sur des indicateurs objectifs. Pour lui, le cycle de vente, le montant moyen par transaction, la localisation du siège et la phase de croissance de l’entreprise sont les clés pour comprendre et déterminer les écarts salariaux dans la tech. 

Cycle de vente, panier moyen et typologie commerciale

Au sein d’une même entreprise, le profil commercial et l’expérience auront bien sûr une influence sur le salaire. Mais ils sont loin d’être les seuls critères. « Ce n’est pas la hiérarchie qui fixe le salaire, mais la mécanique commerciale », insiste Clément Martin. « Plus le cycle de vente et le panier moyen augmentent, plus le salaire est important. C’est une logique mathématique qui permet de lever le voile sur des écarts parfois perçus comme arbitraires », souligne-t-il.

Dans les entreprises à cycle de vente court, typiques du modèle hyper transactionnel, le panier moyen reste modeste, généralement entre 1000 et 3000 euros par an, et la fréquence élevée des transactions conduit naturellement à des packages salariaux plus mesurés. Des sociétés comme Doctolib ou Meilleurs Agents illustrent parfaitement ce segment : le volume des ventes compense la faiblesse du ticket moyen, de sorte que les rémunérations, quoi qu'attractives, restent calibrées sur ces réalités économiques. 

À l’inverse, dans les secteurs où le cycle de vente s’allonge (pouvant s’étaler entre 3 à 18 mois sur les segments mid-market et entreprises) et le panier moyen grimpe (de 20 000 euros à plus d’un million d’euros), la donne change radicalement. « Dans des environnements transactionnels ou orientés vers les grands comptes, à l’image de Salesforce ou Spendesk, le processus de vente se complexifie, impliquant plusieurs interlocuteurs et un cycle de vente plus long. Résultat ? Même si le commercial occupe un poste similaire en termes de fonction, sa rémunération, elle, évolue proportionnellement aux enjeux économiques de la vente », explique Clément Martin. Au sein des sociétés les plus exigeantes commercialement du marché, les packages salariaux pour des fonctions d’Account Executive peuvent atteindre par exemple 270 000 euros là où le package pour un même poste dans une société de type transactionnelle ne dépassera pas les 110 000 euros.

Phase de croissance et localisation

Au-delà des paramètres inhérents au business model, deux autres facteurs viennent affiner cette lecture, et influer sur la structuration des packages salariaux. Tout d’abord, la phase de croissance de l’entreprise  : les startups en amorçage et scale-up favorisent souvent un variable agressif ou des éléments de rémunération à long terme (BSPCE) afin d’attirer des talents clés et de consolider rapidement leurs parts de marché. À l’inverse, les structures plus matures tendent à privilégier une rémunération plus stable afin de favoriser la rétention de leurs talents. « Dès que l’effectif dépasse les 30 ou 40 collaborateurs, les écarts de salaire deviennent tangibles. Il est alors crucial de positionner précisément son entreprise sur la grille de rémunération, pour ne pas se retrouver hors norme par rapport aux autres acteurs », conseille Clément Martin.

La siège social joue aussi un rôle décisif. « Dans une entreprise américaine, les packages sont plus élevés et composés d’une forte part en variable, alors qu’en Europe, le modèle se structure autour d’un fixe renforcé pour compenser une variable plus mesuré », partage Clément Martin. Ainsi, une entreprise basée à Londres ou aux États-Unis ne sera pas comparable, en termes de politique salariale, à une société française ou allemande, même si les fonctions semblent similaires. Un directeur commercial dans une entreprise américaine qui a un portefeuille de “grands comptes”, peut par exemple percevoir entre autour de 320 000 euros. Dans le même type d'entreprise en France, il ne percevra qu’autour de 200 000 euros.

Tous ces critères sont essentiels à prendre en compte pour rester attractif et proposer des modèles salariaux qui correspondent aux standards du marché. « Malgré une contraction des embauches, on observe que les salaires des commerciaux dans le SaaS n’ont pas baissé. Les entreprises continuent de verser des rémunérations attractives pour attirer les meilleurs profils », rappelle Clément Martin.