Pour la première fois, une étude s’est penchée exclusivement sur le marché de la Creator Economy en France. En 2024, cette économie pèse 7 milliards de dollars, soit 0,16 % du PIB national. À horizon 2031, elle pourrait atteindre 31 milliards de dollars, avec un taux de croissance estimé à 25 % par an. La France se positionne déjà comme le troisième marché européen, derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Derrière ces chiffres : 300 000 créateurs de contenus actifs dans l’Hexagone, dont une majorité sont des nano-créateurs (moins de 10 000 abonnés). Une dynamique qui repose à la fois sur des figures médiatiques visibles, mais surtout sur un vivier de talents plus discrets, spécialisés et fidèles à leurs communautés.

Un basculement entrepreneurial

La principale évolution, c’est la manière dont ces créateurs envisagent leur activité : moins comme un levier de visibilité, plus comme un socle économique. Le modèle publicitaire ne suffit plus. Il est instable, dépendant des plateformes et peu pérenne.

Désormais, les créateurs développent leurs propres lignes de produits, lancent des formations en ligne, organisent des événements, vendent des services, s’engagent dans des partenariats de long terme. Ils construisent des marques, pas seulement des audiences. Et cela change tout.

Une économie complète, pas un simple canal marketing

Ce que révèle aussi l’étude, c’est la richesse de cet écosystème. 28,7 % des emplois du secteur sont directement liés à la création de contenu (vidéos, podcasts, textes, livestreams…), tandis que 71,3 % relèvent d’emplois indirects : production, logistique, agences, régies, outils, plateformes… C’est toute une chaîne de valeur qui se consolide autour des créateurs.

Et les leviers technologiques accélèrent cette mutation : l’intelligence artificielle simplifie les tâches chronophages (montage, rédaction, analyse d’audience), rendant l’activité plus accessible et scalable. L’e-commerce, lui, permet aux créateurs de vendre en direct à leurs communautés, sans passer par des intermédiaires.

De nouveaux enjeux pour un secteur encore jeune

Reste que cette économie reste jeune et doit encore se structurer. Les défis sont multiples : encadrement juridique, propriété intellectuelle, compréhension des règles publicitaires, reconnaissance statutaire… L’étude montre que 75 % des créateurs ont désormais conscience des obligations légales liées à leur activité, un chiffre encourageant, mais qui rappelle aussi l’importance de l’accompagnement.

Autre défi : l’intensité concurrentielle. À mesure que le nombre de créateurs augmente, il devient plus difficile de se démarquer. Ceux qui réussiront ne seront pas les plus visibles, mais les plus cohérents, les plus structurés et les plus connectés à leur communauté.

Ce que l’on appelle encore trop souvent “influence” est en réalité une économie culturelle, sociale et commerciale en pleine construction. Les créateurs ne cherchent plus seulement à exister en ligne : ils veulent bâtir des entreprises, stabiliser leurs revenus, transmettre un savoir-faire, incarner des valeurs.