Il ne se passe plus une semaine sans qu’un grand groupe n’annonce la signature d’un partenariat stratégique en matière d’intelligence artificielle. Cette course est vitale : il serait irresponsable de ne pas investir dans une technologie qui redéfinit les règles de la performance, de l’innovation et de la compétitivité au niveau mondial. Ce qu’on observe moins, en revanche, ce sont les entreprises qui anticipent ce grand basculement vers l’IA, et notamment le contrôle de la qualité des données sur lesquelles elles comptent entraîner ces modèles d’intelligence artificielle.

Selon Gartner, la mauvaise qualité des données coûte en moyenne 15 millions de dollars par an aux grandes et moyennes entreprises. L’évaluation reste complexe, car 9 fois sur 10, l’entreprise n’a même pas pu identifier qu’un dysfonctionnement provenait d’un défaut de qualité de ses données. Pourtant, l’impact est majeur et s’apparente à un défaut de fabrication systémique dans les processus de décision de l’entreprise. Les problèmes de qualité de données agissent comme un lent poison qui dérègle l’entreprise à différents niveaux : mauvaise gestion des opportunités, risques de non-conformité, inefficacité dans les processus, surcharge de travail à chercher des données exactes et, bien sûr, mauvaises décisions stratégiques sur la base de données faussées. Dans tous les cas, ce défaut de qualité impacte négativement la trajectoire d’une entreprise.

 Des pertes importantes pour les entreprises

Dans une économie digitalisée où les relais de croissance sont propulsés par l’exploitation des data, la qualité de la donnée devrait faire l’objet de la même rigueur que le contrôle qualité dans le secteur aéronautique et pharmaceutique ! On imagine mal un pilote s’appuyer en plein vol sur des données erronées, ou un médecin établir un protocole sur des diagnostics non à jour. C’est pourtant la réalité pour bon nombre de décideurs face à des datas dont la fiabilité n’a pas été vérifiée. Les entreprises veulent des algorithmes puissants, mais avec quelles données les nourrissent-elles ? Comment peuvent-elles garantir leur fiabilité ou la fraîcheur des informations qui circulent dans leurs systèmes ? Trop souvent, ces questions sont reléguées au second plan, considérées comme des problèmes techniques, que l’on traitera au gré des mauvaises surprises.

Les problèmes de qualité de données agissent comme un lent poison qui dérègle l’entreprise

C’est le second écueil que je rencontre souvent : considérer que la qualité de la donnée est un problème technique, géré par des équipes IT. La qualité des données n’est pas un enjeu IT, c’est un enjeu business. Lorsqu’un modèle d’IA repose sur des données erronées, redondantes ou obsolètes, les conséquences se traduisent immédiatement dans les résultats de l’entreprise : prévisions biaisées, inefficacités opérationnelles, pertes de revenus.

D’après une analyse de Deloitte de 2024, 60 % des entreprises signalent que leurs initiatives d’IA sont limitées par des lacunes dans la gestion des données. Ce constat révèle un enjeu fondamental : la qualité de la donnée est donc un levier de productivité. Une donnée fiable, bien structurée et gouvernée permet de réduire les erreurs, d’automatiser les processus et de libérer le temps des équipes pour des tâches à plus forte valeur ajoutée. À l’inverse, une donnée défaillante peut devenir un facteur de risque majeur, comme l’a tragiquement illustré l’affaire Equifax. L’agence de notation américaine, victime d’une erreur de gestion de ses données, a vu des milliers de demandes de prêts injustement rejetées et n’a jamais totalement surmonté la perte de confiance qui en a résulté.

Investir dans la qualité de la donnée, c’est comprendre que derrière chaque algorithme se cache un actif invisible, souvent négligé, mais toujours stratégique : l’information brute sur laquelle il s’appuie. Trop souvent, la donnée est perçue comme un simple flux technique, un sous-produit des systèmes d’information. Or, dans un environnement où l’IA devient un levier structurant pour piloter la performance, anticiper la demande ou ajuster les opérations, la donnée devient un véritable actif. Sa fiabilité, sa cohérence et sa traçabilité conditionnent directement la pertinence des modèles et, in fine, la qualité des décisions prises.