On a oublié ce qu'était le vrai service. Celui où l'on appelait son banquier, on expliquait un problème, et il s'occupait du reste. Une routine simple : un besoin, une demande, une résolution. Pas de formulaires, pas de navigation, pas de charge mentale.
Puis le numérique est arrivé. Et avec lui, le grand paradoxe du "self-service". Des interfaces, des portails, des chatbots. En théorie : plus d'autonomie pour le client. En pratique : c'est nous qui travaillons gratuitement pour notre banque, notre opérateur, notre fournisseur d'énergie.
C'est à nous de comprendre comment fonctionne le système, de trouver le bon formulaire, le bon menu, la bonne phrase-clé. L'entreprise, elle, s'est effacée derrière ses interfaces. Le service client est devenu un parcours du combattant où la promesse d'efficacité masque une forme d'abandon.
Le paradoxe du self-service
Le digital a longtemps été perçu comme une solution miracle : réduire les coûts, accélérer les réponses, automatiser les flux. Mais il a surtout déplacé la complexité vers l'utilisateur.
Selon McKinsey, près de 80 % des interactions digitales nécessitent encore une intervention humaine. Autrement dit : malgré deux décennies d'investissement, la majorité des clients finissent toujours par contacter quelqu'un. Sauf qu'entre temps, ils ont perdu 30 minutes à tenter de se débrouiller seul.
Le mantra de la Silicon Valley — "The best customer support is no customer support" — a mené à une absurdité : l'expérience client repose désormais sur notre capacité à nous débrouiller seuls. Nous ne sommes plus des clients, nous sommes devenus les stagiaires non payés de toutes les entreprises avec qui nous interagissons. Ce n'est plus du service : c'est un transfert de charge déguisé en autonomie.
L'IA remet le service à sa place : du côté de l'entreprise
Pour la première fois depuis l'invention du web, une technologie ne cherche pas à nous faire travailler plus, mais à reprendre le travail à sa charge.
Les nouveaux agents IA ne se contentent pas de répondre : ils agissent. Ils comprennent la demande, exécutent les étapes nécessaires, mettent à jour les systèmes internes, et confirment la résolution — sans intervention humaine, ni navigation imposée.
Concrètement : vous envoyez un message "J'ai été débité deux fois pour ma commande". L'agent comprend, vérifie, rembourse, met à jour votre dossier, vous confirme. Terminé. Pas de ticket, pas de numéro de dossier, pas de "nous reviendrons vers vous sous 48h ouvrées".
C'est le retour du vrai service : celui qu'on ne voit pas, mais qui agit vraiment.
La mort programmée des applications
Gartner prévoit une baisse de 25 % de l'usage des applications mobiles d'ici 2027, remplacées par des assistants IA capables de centraliser tous les services. Pourquoi passer d'un onglet à l'autre, d'une app à une autre, si une seule conversation suffit ?
Imaginez : plus d'app bancaire avec ses 12 menus et 47 sous-menus. Juste une conversation : "Transfère 500€ à Paul.", "Bloque ma carte, j'ai un doute.", "C'est quoi ce prélèvement bizarre de mardi ?" L'agent IA s'occupe de tout, via API, sans qu'on ait à comprendre la mécanique interne.
Le client ne "navigue" plus dans le système : c'est le système qui s'organise autour de lui.
Une révolution culturelle, pas seulement technologique
Cette bascule dépasse la technique. C’est un changement de paradigme : l’entreprise ne se définit plus par ses interfaces, mais par sa capacité d’exécution.
Demain, le succès ne se mesurera plus au nombre de fonctionnalités dans une application, mais à la rapidité et la qualité d’exécution de son agent IA.
Le produit ne sera plus ce qu’on consulte, mais ce qu’on commande, naturellement, par la voix ou le texte.
La nouvelle porte d'entrée
En 2000, il fallait un site web pour exister. En 2010, une application mobile. En 2026, ce sera un agent IA : la nouvelle porte d’entrée vers l'entreprise.
Ce n'est pas la fin du service client, c'est la fin du self-service. L'IA redonne à la relation client ce qu'elle avait perdu : la simplicité, la continuité, la confiance. Elle remet l'intelligence du côté de celui qui sert, pas de celui qui subit.
Les entreprises qui comprennent ça maintenant auront 18 mois d'avance. Les autres découvriront que leurs clients sont partis chez ceux qui ont arrêté de les faire travailler gratuitement. Ce sera un vrai facteur de compétitivité.
L'IA ne remplacera pas le service client, elle remplacera la complexité qui l'étouffe.
Le vrai progrès n'est pas de faire moins d'humain — c'est de lui rendre le temps de faire ce qui compte.