Il y a dix ans, l’open-space puis le coworking promettaient de révolutionner notre rapport au travail. Finis les bureaux gris et cloisonnés, place aux espaces ouverts, aux baby-foot, aux bières du vendredi soir. Le message était clair : travailler devait devenir une expérience sociale, conviviale, stimulante. Et pendant quelques années, ça a marché.
Mais quelque chose a changé.
Les espaces de coworking se sont multipliés avec des concepts toujours plus audacieux : coworking dans des châteaux, dans des fermes, avec piscine, avec chef étoilé, avec cours de yoga intégré. Chaque acteur a tenté de se différencier par plus d'originalité, plus d'animations, plus de « communauté ». De même dans les grandes entreprises pour attirer les talents et travailler la marque employeur.
Sauf que les travailleurs indépendants et les télétravailleurs ne cherchent pas tous une communauté. Idem pour les collaborateurs. Ils ne veulent pas forcément networker pendant leur pause-café ou participer à une master class improvisée. Ce qu'ils veulent, c'est travailler. Efficacement. Sereinement. Parfois pendant des heures d'affilée, sans interruption.
Alors que de nombreuses entreprises plaident pour un retour au bureau, la généralisation du télétravail a révélé une vérité inconfortable : beaucoup de professionnels sont plus productifs chez eux que dans un open-space, même « cool ». Pourquoi ? Parce qu'ils contrôlent leur environnement. Parce qu'ils peuvent passer un appel confidentiel sans chercher une cabine « insonorisée » disponible. Parce que personne ne les interrompt pour leur poser une question. Parce qu’ils maitrisent leur organisation.
Certaines contraintes existantes
Mais travailler de chez soi a aussi ses limites. L'isolement. La promiscuité avec la vie familiale. L'absence de séparation physique entre vie pro et vie perso. Le canapé qui devient bureau, la chambre qui devient salle de réunion. Et pour ceux qui enchaînent les rendez-vous dans différents coins de la ville, l'impossibilité de disposer d'un espace de travail adapté entre deux adresses.
Si le monde du travail ne cesse d’évoluer, aujourd’hui un constat s'impose : les attentes ont changé. Ce que recherchent les travailleurs aujourd'hui, ce n'est pas un énième espace partagé avec du mobilier design ou des activités propices à leur développement personnel.
Ce qu’ils attendent, c'est un mélange entre retours aux fondamentaux et conservation des acquis récents : un espace vraiment privé, où ils peuvent passer leurs appels sans que tout l'open-space ne profite de leur stratégie commerciale ou des subtilités de leur pacte d’associés. Une infrastructure professionnelle complète : connexion fibre, écran, ergonomie pensée pour de longues sessions de travail. La flexibilité horaire totale, parce que la concentration ne se décide pas entre 9h et 18h. La possibilité de se reposer sur place, parce qu'entre deux rendez-vous éloignés, en déplacement, avant un départ matinal, rentrer chez soi n'a parfois aucun sens.
Et si la nouvelle tendance était au deep working ? À une aspiration pour des conditions de travail permettant une concentration absolue. Après le coworking, la nouvelle innovation pourrait être la mise à disposition de « bulles de productivité » individualisées : des espaces privés, totalement équipés, insonorisés, où chacun dispose de son propre environnement de travail, sans compromis.
Cela ne signifie pas que les coworkings traditionnels vont disparaître. Certains apprécient sincèrement l'effervescence collective, l’émulation du groupe et les rencontres fortuites. Mais ce modèle ne peut plus être l'unique réponse aux besoins des travailleurs modernes.
L'avenir du travail ne sera pas collectif ou individuel. Il sera hybride et sur-mesure. Certains jours, certains projets appellent l'échange et la collaboration. D'autres exigent la concentration absolue et la confidentialité.
Il est temps d'offrir aux travailleurs ce dont on les a parfois dépouillés au nom de la modernité : le droit au calme, à l'intimité et à la concentration. Sans culpabilité. Sans avoir à se justifier de ne pas vouloir « faire communauté ».
Le monde du travail évolue. Évoluons avec lui, mais dans la bonne direction.