Dans l’escalier d’honneur, l’immense salle des fêtes ou encore la salle du conseil du siège de la municipalité parisienne, les visages sont familiers : startups, équipes municipales, investisseurs, chercheurs, incubateurs et curieux viennent sonder la température de l’écosystème. Cette nouvelle édition du Paris de l’innovation, plus ramassée et nerveuse, reflète le moment charnière traversé par l’innovation. “La coordination entre tous les acteurs – publics, privés, start-up, grands groupes – est essentielle pour transformer la ville. Quand chacun apporte ses modes de fonctionnement, on améliore vraiment les pratiques urbaines”, pose Anne Gousset, directrice générale de Paris&Co, qui évoque “un contexte d’investissement plus contraint, mobilisant les énergies sur l’impact concret plutôt que sur la promesse”.
Dans les allées du Demospace, le panorama est aussi foisonnant qu’éclectique : emballages comestibles (Mâche & Maché), kit de prélèvement pour mesurer l’état de santé des sols (PourYère), réemploi (Recycl’ace), mobilité douce, digitalisation des services publics (Quartiers d’Accessibilité Augmentée, OrientIA), ou, côté municipal, solutions conçues par les agents pour “répondre à l’usager autrement”. “Ce brassage entre solutions privées et innovations de la Ville, c’est ce qui donne sa saveur à l’événement”, confirme Alice Rousset, responsable attractivité territoriale à la Ville de Paris. L’écosystème des incubateurs joue les têtes de pont : 104factory, Willa, PSL, Paris Biotech Santé…et la grande salle qui les accueille affiche complet.
Le meetup fait carton plein, la salle bruisse de plusieurs centaines de rendez-vous qualifiés. “Ce format, c’est la centrale de connexions du Paris de l’innovation, là où se redessinent les coalitions, où des directions de la Ville rencontrent les acteurs émergents”, observe Audrey Brichet, cheffe de bureau de l’innovation à la Ville de Paris. Quant aux désormais fameux pitchs inversés, ils installent la commande publique comme moteur d’innovation : “Repenser le parcours usagers des cours pour adultes de Paris grâce à de nouveaux outils, c’est typique de la façon dont la Ville s’appuie sur l’écosystème pour co-construire ses politiques”, éclaire Alice Rousset.
Les financements, un enjeu stratégique
Si l’édition 2025 a confirmé la place des dispositifs historiques, plusieurs nouveautés méritent d’être soulignées. D’abord, l’intégration d’une session dédiée aux investisseurs : le Pitch Day, où une vingtaine de jeunes pousses ont pu défendre leurs projets devant près de 90 investisseurs. “C’est une belle opportunité. Dans un contexte économique compliqué, donner à une vingtaine de start-up la possibilité d’être face à tant d’investisseurs, c’est une vitrine précieuse que le Paris&Co assume pleinement", souligne Anne Gousset. Parmi les startups en quête d’investisseurs, Go Fusion dont la proposition de valeur repose sur la transformation des priorités stratégiques des entreprises (RSE, climat, QVT, inclusion, innovation, formation, etc.) en défis ludiques et personnalisés pour renforcer l'engagement et le bien-être des collaborateurs, ou encore Wattsy qui présentait sa technologie de points de recharge électriques, deux illustrations d’innovations à fort impact.
Autre moment clé : la présentation du baromètre de la santé financière des startups par la Banque de France. Au-delà de son aspect statistique, la présentation de ce baromètre a apporté “une vision objective et souvent moins alarmiste qu’on pourrait le croire sur la situation réelle des jeunes entreprises”, relève Anne Gousset. La présence de la Banque de France atteste du besoin de mieux comprendre les tendances économiques qui affectent l’ensemble de l’écosystème, alors que la croissance des startups s’aligne sur 13% sur la moyenne nationale mais reste fortement tributaire des soutiens publics et privés.
Incertitudes et résilience
La structuration du Paris de l’innovation témoigne de la résilience et des ambitions de la capitale. Pourtant, les interrogations sur la pérennité des dispositifs persistent à l’approche des élections municipales et métropolitaines. “Sur les trois dernières années, près de 75 expérimentations ont été déployées dans dix communes avec 80 % de start-up impliquées. C’est une action concrète : la ville de Paris et la Métropole du Grand Paris servent de véritables laboratoires d’innovation. La pérennité de ces expérimentations dépendra beaucoup du prochain cycle municipal. C’est un moment crucial : il faut tout donner pour préserver cet esprit d’innovation et, plus largement, la continuité des politiques publiques engagées”, rappelle Anne Gousset.
Mais cette vitalité repose autant sur la capacité de la Ville à accueillir des initiatives externes que sur l’engagement de ses propres agents, véritables relais de l’innovation au quotidien.
Audrey Brichet insiste sur la dimension d’innovation interne de la Ville : « Pour porter l’innovation au quotidien, il faut s’appuyer sur des collaborateurs capables d’expérimenter et d’initier des solutions nouvelles. Nous avons ainsi structuré un réseau de référents dans chaque direction afin d’encourager, de soutenir et de valoriser l’innovation municipale, qui rivalise désormais avec celle de l’écosystème entrepreneurial. »
Cette dynamique s’est traduite, cette année encore, par la remise des Prix de l’Innovation, qui distinguent aussi bien des projets portés par les équipes de la Ville que ceux d’entreprises parisiennes. Quatre catégories célèbrent l’audace et l’impact : le Prix de l’innovation publique, le Prix de l’innovation entrepreneuriale, le Prix Coup de Pouce et le Prix Coup de Cœur.
Dernier exemple en date : le réemploi de feux tricolores ou la création de massifs fleuris ne nécessitant pas d’arrosage, primés cette année, témoignent que la créativité ne connaît décidément pas de frontières administratives. Pilotée par un jury associant élus et experts de l’impact, cette édition a fait émerger des innovations qui allient intérêt public, viabilité et bénéfices économiques, sociaux ou environnementaux et déjà les habitués se languissent de découvrir celles de l’année prochaine.