HP vient de publier l’édition 2025 de son Work Relationship Index (https://reinvent.hp.com/WorkRelationshipIndex). L’année dernière, l’étude révélait déjà que l'utilisation de l’intelligence artificielle avait bondi de +20% chez les travailleurs français du savoir (French Knowledge Workers).
Qu’en est-il cette année ? Comment est perçue l’IA ? Continue-t-elle de générer de la méfiance ou au contraire les employés sont-ils convaincus de ses bénéfices ? Pour Cédric Coutat, Président de HP France, le rôle de la technologie, et notamment de l’IA, « se confirme comme un multiplicateur d’impact : la probabilité d’entretenir une bonne relation avec le travail est doublée quand les collaborateurs disposent des bons outils, et elle est multipliée par 5 quand ils perçoivent un investissement clair de leur entreprise en leur faveur en matière d’équipements et d’innovations technologiques, telles que les applications IA. »
IA au travail : vers la confiance
Les besoins exprimés par les collaborateurs sont forts, ajoute Cédric Coutat : il s’agit de redonner du sens à leurs missions, valoriser leurs compétences et créer les conditions d’un environnement technologique réellement porteur. « Le débat public autour de l’intelligence artificielle a souvent été teinté de crainte : peur du remplacement, de la déshumanisation, du contrôle. Pourtant, le WRI raconte une tout autre histoire : dans les faits, les collaborateurs perçoivent surtout l’IA comme un levier d’efficacité et de “confort professionnel”. L’IA s’impose d’abord parce qu’elle répond à des besoins très concrets dans le quotidien des employés. Qu’il s’agisse d’automatiser les tâches répétitives, de rechercher des informations, de rédiger, de traduire ou encore de planifier, elle apporte un gain d’efficacité immédiat. Cette valeur d’usage revêt une dimension pragmatique : lorsqu’un outil apporte une aide tangible, son adoption s’impose d’elle-même. »
Mais il faut noter aussi que l’accompagnement joue un rôle central dans la perception des collaborateurs, et en particulier, la transparence. « Dans les organisations qui expliquent leurs choix technologiques, qui forment et qui sécurisent les usages, la méfiance recule nettement. Ce n’est pas la technologie qui inquiète, c’est le flou autour des règles qui l’entourent. »
À noter que d’après l’étude, pour les jeunes actifs et notamment la Génération Z, l’IA ne représente pas une rupture, mais une évolution naturelle des outils de travail.
BCG a publié de son côté la troisième édition d’une étude complète sur les questions de l’IA au travail, intitulée « AI@Work » (https://www.bcg.com/press/1july2025-ia-generative-au-travail-un-utilisateur-sur-deux-gagne-plus-dune-heure-par-jour) qui fait écho au Work Relationship Index de HP.
Sylvain Duranton, directeur Monde de BCG X, l’entité tech de BCG, s’intéresse de près à la tension entre méfiance et appétence envers l’IA. « L’IA générative est porteuse d’ambivalence. Parmi nos répondants au niveau mondial, la moitié (47 %) des salariés disent qu’ils gagnent au moins une heure par jour grâce à l’IA : la notion de confort est bien là. Mais 41 % nous disent aussi qu’ils ont peur de perdre leur emploi. A noter cependant que les “optimistes » sont de plus en plus nombreux : ils sont passés de 35 % il y a trois ans, à 52 % aujourd’hui. Et l'angoisse est beaucoup plus forte dans les pays occidentaux que dans le Sud global, où l’IA est perçue comme un levier d’amélioration des conditions de vie. »
Manager à l’ère de l’IA
Le Work Relationship Index de HP envoie cette année un autre signal clair : il faut préserver nos managers et dirigeants. Pour Cédric Coutat, cette édition confirme que « la relation des Français à leur travail traverse une zone de turbulences. » Seuls 17 % des travailleurs du savoir déclarent avoir une relation systématiquement bonne avec leur emploi, soit une baisse de 4 points par rapport à l’édition de 2024. Plus de la moitié ont confié ressentir une hausse des exigences de leur entreprise.
« Et l’un des points de vigilance les plus importants, reprend Cédric Coutat, est la forte baisse de satisfaction chez les dirigeants eux-mêmes, dont le score chute de 15 points en un an. Cela en dit long sur la tension subie au sommet des organisations. Cette situation interroge et invite à réinvestir également dans la formation managériale, à renforcer l’écoute et la clarté des priorités. Le manager reste un garant d’équilibre pour ses équipes… ! »
Chez BCG X, Sylvain Duranton rappelle que les managers - près de 8 millions en France - sont les plus exposés à l’IA : « dans notre pays, 37 % d'entre eux déclarent ainsi avoir peur pour leur emploi, contre 28 % pour le reste des salariés. »
Or, il faut vraiment que le manager s’équilibre, pour assurer la satisfaction et le bien-être de ses équipes. 85 % des axes d’amélioration demeurent en effet dans les mains des dirigeants, comme le souligne Cédric Coutat : ils ont un impact direct sur « le sens, la reconnaissance, l’autonomie, la collaboration, la croissance et la technologie. Le Work Relationship Index le montre clairement : les entreprises où la relation au travail est bonne sont aussi celles qui affichent les meilleurs résultats. Développement de l’entreprise et bien-être des collaborateurs se renforcent mutuellement. »
« Deux tendances se dégagent à court terme, reprend Sylvain Duranton. D’abord, l’entreprise “AI first” sera plus horizontale, avec moins de managers et de niveaux hiérarchiques. D'autre part, chaque collaborateur « managera » un ou plusieurs assistants IA. Voit-on pour autant arriver la fin des managers ? Certainement pas. Aujourd'hui, 70 % du niveau d'engagement d'un salarié dépend de son interaction avec son manager. Le manager de demain va se recentrer sur les fondamentaux du leadership: porter une vision, inspirer et motiver les salariés, assurer une dynamique d'équipe. Et puis, nos répondants gagnent peut-être une heure par jour grâce à l’IA, mais seul un tiers reçoit des conseils sur la manière de réallouer ce temps, ce qui en atténue l'impact. Ce sujet incombe là encore aux managers. »
Accompagnement et formation : des disparités à combler
Selon HP, l’année dernière en France, un tiers (36 %) des knowledge workers utilisateurs d'IA affirmaient que leur entreprise ne proposait pas de formation adéquate sur le sujet. Cette année, ce n’est guère mieux. « L’urgence est bien plus palpable en 2025, souligne Cédric Coutat. Si cette nouvelle édition montre que 70 % des knowledge workers français utilisent aujourd’hui l’IA dans leur activité professionnelle (contre seulement 43 % en 2024), cette progression cache pourtant un usage encore superficiel : seuls 2 sur 10 en font un usage quotidien, 1 sur 3 n’a reçu aucune formation et apprend seul, et à peine 17% estiment bien comprendre l’IA et s’en servir. »
Accompagner à l’IA ne se limite pas à des sessions techniques, c’est un apprentissage collectif nourri d’expérimentations. « Il s’agit de rassurer et d’aider chacun à comprendre ce que cette technologie change dans ses propres missions. Il faut aussi démocratiser l’accès aux outils et solutions IA. Aujourd’hui, l’écart d’usage est encore trop marqué entre dirigeants et collaborateurs. Ce fossé technologique crée de la frustration, mais aussi des inégalités. Former à tous les niveaux de l’organisation, du management de proximité aux équipes terrain, est la condition pour que l’IA devienne réellement un facteur d’équité et de performance collective. »
Sylvain Duranton (BCG X) fait lui aussi de la formation une urgence : « Pour que l’IA soit efficace, 10 % du travail consiste à réaliser les algorithmes, 20 % à les brancher dans les SI, et 70 % à repenser la façon dont les gens travaillent. D’après notre étude, les salariés demandent des formations plus nombreuses, en présentiel, avec des entraînements, du coaching. Le support de la hiérarchie autour de l’IA est le tout premier facteur de gain de performance. »
