De l’Élysée au Grand Palais, il n’y a quelques centaines de mètres. Et quand il s’agit de parler d’IA, Emmanuel Macron ne rate jamais une occasion d’y faire un crochet. Après avoir fait le show au Grand Palais en début d’année lors du Sommet pour l’Action sur l’IA, durant lequel il a lancé son fameux «plug, baby, plug» pour contrer le «drill, baby, drill» de Donald Trump, le président de la République était de retour sous la verrière du lieu majestueux pour livrer un plaidoyer en faveur de la stratégie française de l’IA, mais aussi pour tirer la sonnette d’alarme en Europe, à l'occasion de l'événement Adopt AI.
Ainsi, le chef de l’État, qui s’exprimait en anglais devant 500 personnes triées sur le volet (il fallait recevoir une invitation par mail), a fait l’éloge de la stratégie française dans l’IA, initiée avec un plan de 1,5 milliard d’euros en 2018 suite au rapport du mathématicien Cédric Villani. Dans ce cadre, Emmanuel Macron s’est félicité des 109 milliards d’euros d’investissements annoncés durant le Sommet pour l’Action sur l’IA.
«S’il vous plaît, regardez l’Europe comme un écosystème global !»
Il s’est aussi réjoui de la vitalité de l’écosystème tricolore en citant des acteurs comme Mistral AI, Alan, Shift ou encore Artefact, qui organise l’événement Adopt AI. Dans un clin d’œil à l’actualité, le président de la République a également souligné le départ de Yann LeCun de Meta pour créer sa propre startup dans l’IA. Et le locataire de l’Élysée espère bien qu’il l’installera en France ! «Gardez en tête que ce n’est pas juste l’écosystème français, c’est l’écosystème européen, avec notamment l’Allemagne et l’Italie à nos côtés. S’il vous plaît, regardez l’Europe comme un écosystème global !», a ainsi lancé Emmanuel Macron.
En effet, le chef de l’État a rappelé l’urgence pour l’Europe de s’armer rapidement dans l’IA pour ne pas se laisser distancer par les autres pays. «Nous devons aller beaucoup plus vite. La France peut devenir l’une des grandes nations de l’IA si nous faisons les bons choix dès maintenant», a-t-il estimé sous la verrière du Grand Palais. «Pour être honnête et lucide, les États-Unis et la Chine font la course en tête. Mais si on accélère l’adoption de l’IA en Europe, on aidera les champions européens à rivaliser», a ajouté le président de la République.
Ce dernier a rappelé que l’Hexagone disposait de nombreux atouts, à commencer par un «réservoir croissant de talents» ainsi qu’une forte capacité à produire de l’énergie décarbonée. «Nous produisons une énergie bas carbone pilotable, grâce à nos capacités nucléaires. L'année dernière, nous avons exporté 90 tWh. Ce qui signifie que nous avons clairement la capacité de produire davantage pour l’IA», a estimé Emmanuel Macron. Dans ce contexte, le chef de l’État s’est réjoui de voir la cadence s’accélérer ces derniers mois pour faire sortir de terre des «usines IA», avec 23 sites déjà validés. Il a notamment mis en avant celui de Dunkerque, qui sera doté d’une capacité de 700 mégawatts. «On ne déploie des technologies avec une mauvaise énergie», a-t-il rappelé comme un clin d’œil à l’appétit de Donald Trump pour les énergies fossiles.
3 piliers pour accélérer le développement de l’IA en France
Pour passer la vitesse supérieure en France, Emmanuel insiste sur trois piliers, à commencer par la simplification. A ses yeux, cela passe par une meilleure formation des agents de la Fonction publique. «D’ici fin 2026, nous aurons formé environ 50 000 fonctionnaires», a-t-il assuré. Dans ce cadre, les startups vont être mises à contribution, puisque des partenariats ont été noués par l’État avec Mistral AI, Alan ou plus récemment Doctrine.
A noter que le gouvernement a aussi lancé cet été le plan «Osez l’IA» pour accélérer l’adoption de l’IA dans les entreprises tricolores. L’objectif est de faire en sorte que 100 % des grands groupes utilisent l’IA d’ici 2030, contre 53 % à l'heure actuelle. A cette même échéance, 80 % des ETI et PME, ainsi que 50 % des TPE, devront également être montées dans le wagon de cette révolution technologique et industrielle sans précédent.
Mais comme la bataille se joue à l’échelle européenne, Emmanuel Macron a plaidé en faveur de l’introduction du fameux 28e régime, sur laquelle la Commission européenne devrait enfin se pencher début 2026. «La simplification dépend d’un marché unique», a insisté le président de la République. En effet, la fragmentation du marché européenne demeure pour l’heure l’un des principaux freins au développement des startups du Vieux Continent. Il est en effet plus aisé pour une startup française de déployer ses ailes aux États-Unis qu’aux Pays-Bas ou en Italie. Il est donc plus qu’urgent que les choses évoluent à ce niveau et Emmanuel a tenu à le souligner devant un parterre d’entrepreneurs, d’investisseurs et d’acteurs de l’écosystème IA au Grand Palais.
Autre pilier, celui de l’innovation évidemment pour accélérer sur le développement d’innovations de rupture, principalement dans la deeptech et l’informatique quantique. «Pour mener à bien cet agenda, nous pousserons à davantage d’investissements européens, adaptés à nos budgets. Mais il faudra aussi beaucoup plus d’investissements privés, et c’est pourquoi l’Union des marchés de capitaux est indispensable», a souligné Emmanuel Macron.
«Nous devons préférer les solutions européennes»
Dans le prolongement de cette pensée, le président de la République a plaidé en faveur d’une «préférence européenne» alors que les solutions américaines sont encore bien trop souvent privilégiées par les entreprises et l’administration publique. «En Chine, il y a l’exclusivité chinoise. Aux États-Unis, il y a la préférence américaine. L’Europe est le seul endroit au monde où vous avez de facto une non-préférence européenne», a ainsi observé Emmanuel Macron. «Nous devons préférer les solutions européennes. Par conséquent, nous achèterons des solutions d’IA conçues et inventées par le secteur privé en France», a-t-il ajouté.
Le chef de l’État estime qu’il s’agit d’un enjeu de souveraineté et de compétitivité pour le Vieux Continent. Il estime que le sommet franco-allemand sur la souveraineté numérique européenne, qui s’est tenu la semaine passée à Berlin, a montré la voie pour les prochaines années. Le président de la République en veut pour preuve l’alliance qui lie la France et l'Allemagne avec Mistral AI et SAP pour lancer une IA souveraine destinée à l'administration publique. «C’est l’illustration parfaite de la préférence européenne avec une jeune licorne et une entreprise bien établie dans le software. C’est exactement ce qu’on veut répliquer !», a lancé Emmanuel Macron.
Macron veut imposer Adopt AI dans le calendrier de la tech
Reste désormais à voir si ce cri du cœur sera entendu alors que la course à l’IA ne cesse de s’accélérer avec des montants toujours plus vertigineux, faisant planer le spectre d’une bulle prête à exploser. Dans un coin de sa tête, le locataire de l’Élysée espère sans doute que l’Europe ne revivra pas le fiasco du cloud, marché aujourd’hui outrageusement dominé par les ogres américains Amazon Web Services, Google Cloud et Microsoft Azure.
En attendant, Emmanuel Macron espère imposer Adopt AI comme un rendez-vous majeur chaque année. Le salon ayant des allures de «VivaTech» dédié à l’IA, le chef de l’État espère donc que celui-ci deviendra aussi incontournable que son grand-frère de la Porte de Versailles. Avec le cadre majestueux du Grand Palais, les organisateurs se sont dotés d’un atout naturel pour donner envie aux grands groupes mondiaux d’y poser leurs valises, à l’image du poids lourd mondial de la production de pétrole Aramco. «Faisons-en un grand rendez-vous international !», a conclu Emmanuel Macron. Après ce gros temps fort, l’événement se poursuit ce mercredi 26 novembre pour une deuxième et dernière journée avec l’espoir d’accélérer l’adoption de l’IA par les entreprises.