Mais au-delà du rebranding, c’est toute une dynamique de fond qui s’accélère. Celle d’une hybridation entre recherche, formation et innovation, où les campus deviennent des terrains d’expérimentation à part entière pour les startups. À Nantes, ce modèle prend corps avec KIVO. Et il reflète une mutation plus large, à l’échelle nationale.

Une coopération de longue date qui se renouvelle

KIVO ne surgit pas de nulle part. L’incubateur commun a vu le jour dès 2013, à l’initiative de Centrale Nantes et Audencia, deux écoles aux approches complémentaires permettant un accompagnement hybride unique aux startups : l’une ancrée dans l’ingénierie, l’autre dans la culture business et managériale. Très vite, l’école d’architecture de Nantes (ensa nantes) a rejoint le dispositif. Objectif : mutualiser les ressources, structurer l’accompagnement à l’innovation et ancrer les projets dans le réel.

Depuis, l’écosystème a prouvé sa solidité : plus de 140 entreprises créées, 1600 emplois générés, 90 millions d’euros levés. En 2023, l’arrivée de Nantes Université dans le trio fondateur a permis d’ouvrir un nouveau champ de synergies, notamment sur la deeptech et la recherche universitaire. “Ça nous permet d’ouvrir un écosystème beaucoup plus grand à nos entrepreneurs, notamment via l’accès aux laboratoires et aux chercheurs” souligne Pierre Durand.

Une mutation nationale bien engagée

À l’échelle du pays, cette montée en puissance des incubateurs dans les établissements d’enseignement supérieur est loin d’être anecdotique. “Une école sur deux dispose aujourd’hui d’une initiative dédiée à l’entrepreneuriat et 80% des écoles de commerce” observe Arthur Nègre, CRO chez France Digitale, qui pilote la communauté La Boussole, rassemblant plus d’une centaine de structures d’accompagnement. Selon lui, ces incubateurs jouent un rôle de plus en plus stratégique. “Ils permettent de rapprocher la recherche, la formation et l’entrepreneuriat. On passe de l’idée, souvent théorique, à quelque chose de concret.

Une tendance est aussi portée par l’évolution des aspirations étudiantes. L’époque où la finance ou le conseil représentaient la voie royale semble révolue. “Aujourd’hui, reconstruire l’industrie, travailler sur la transition énergétique ou la souveraineté technologique, ce sont aussi des parcours valorisés” explique Arthur Nègre. Il y voit une forme d’engagement, de plus en plus assumée par les jeunes générations. “Ce sont des profils agiles, connectés à la réalité économique et politique.

Un incubateur académique, ancré et singulier

Ce qui distingue KIVO, c’est sa capacité à mobiliser les actifs stratégiques des établissements fondateurs. Recherche, expertise, réseaux : tout est mis au service des projets accompagnés. “Ce que nous proposons, c’est une richesse académique au service de l’entrepreneuriat” insiste Pierre Durand. Le dispositif repose sur quatre piliers : les liens avec les laboratoires, l’implication d’étudiants dans les projets, le réseau d’alumni, et les ressources techniques à disposition (FabLabs, supercalculateurs, bassins d’essai…).

La sélection se fait en plusieurs étapes : appels à projets, bootcamp, comité d’experts. La force de ce modèle réside aussi dans l’hybridation des profils. “Dans un même lieu, on crée une rencontre naturelle entre ingénieur, manager, chercheur, entrepreneur. C’est une richesse exceptionnelle que peu d’incubateurs offrent” ajoute-t-il. D’où la baseline choisie : énergies plurielles pour projet singulier.

Une montée en puissance de la deeptech… et des territoires

En se dotant d’incubateurs solides, les établissements d’enseignement supérieur ne se contentent plus de former : ils deviennent des pôles d’excellence pour l’innovation. Une dynamique portée par la montée des startups deeptech, issues directement des laboratoires. “Nos grandes écoles et laboratoires génèrent des projets avec une excellence scientifique rare en Europe” souligne Arthur Nègre, CRO chez France Digitale. Et lorsque ces projets s’appuient sur un accompagnement structuré, le passage de la recherche à l’entreprise devient possible. “On voit apparaître de très belles boîtes à impact, nées sur les campus. Ce sont des startups qui allient ambition économique et mission sociétale” explique-t-il en citant le cas d’Alice & Bob, dans l’informatique quantique.

Avec KIVO, Nantes se positionne comme un laboratoire de cette transformation. Un modèle d’incubation hybride et original qui pourrait bien inspirer d'autres territoires, à l'heure où l'innovation ne se décrète plus depuis Paris, mais s'incube au plus près des campus et des laboratoires.