Eric Charpentier, fondateur de Payname explique sa vision de la banque du futur. Plus proche des besoins du consommateur, plus transparente, plus agile, la néobanque selon Payname ne se résume pas à quelques briques technologiques recouvertes d’un joli vernis marketing. Interview.

Le puissant essor des FinTech a-t-il ouvert la voie aux néobanques, ces banques 100% mobile qui partent des besoins du consommateur ?

Il y a deux ou trois ans, créer une néobanque n’aurait pas été possible. Les banques en ligne ont ouvert la voie, et les banques traditionnelles aussi poussent vers la banque en ligne. Aujourd’hui si les banques ne ferment pas leurs agences c’est juste parce qu’elles ont peur d’annoncer des plans sociaux. C’est quelque part l’un des derniers secteurs qui n’a pas été désintermédié. Mais il y a des nouveaux acteurs comme nous qui nous posons des questions sur la  manière dont est gérée la banque. Il faudrait d’ailleurs presque cesser d’utiliser le mot banque pour ces nouveaux services mais la seule manière de dire précisément ce que l’on fait est malheureusement d’utiliser ce terme, alors serions-nous des « néobanque » ?

Pourquoi ne pas utiliser le terme « banque », parce qu’il véhicule-t-il trop d’images négatives ?

Il y a un paradoxe avec les banques. Alors qu’elles souffrent d’une mauvaise image, qui prend de nouveaux coups à chaque nouvelle affaire comme les Panama Papers, elles ont toujours résisté aux différentes crises. En fait, elles sont juste indispensables car en face il n’y a pas d’alternative. Mais si aujourd’hui chez Payname nous n’avons pas de discours militant, nous pensons que les gens ont envie d’un autre type de banque plus transparente sur l’usage de l’argent, plus simple sur la tarification, plus authentique dans la relation. Une banque qui replace l’utilisateur au centre de l’expérience bancaire.

Quel est l’objectif d’une néobanque ?

Le message que l’on veut faire passer c’est que ce sont les utilisateurs qui reprennent le contrôle de leur argent. Aujourd’hui, l’argent est séquestré sur un compte avec des moyens d’utiliser et de gérer son argent très limités et aujourd’hui souvent inadaptés aux nouveaux modes de consommation. Au quotidien, la banque nous fournit un compte avec des moyens de paiement avec des chéquiers et des cartes de paiement. Mais comment faire quand la plupart des commerces refusent les paiements par chèque, que dans les échanges entre particuliers on n’a aucune garantie transactionnelle, que par défaut notre carte est utilisable en ligne ou sans contact ? C’est pour répondre à des usages du quotidien que Payname veut proposer une plateforme de banque entièrement pilotable et permettant des usages avec des professionnels, comme entre particuliers.

On se demande souvent si les FinTechs vont faire sauter la banque, est-ce que les néobanques seront celles qui atomiseront les banques traditionnelles ?

Là encore, les banques ont résisté a pas mal de choses et elles ont des moyens importants de racheter ce qui est innovant. Quand on a vu arriver Free on s’est dit que ça allait faire tomber Orange. Or il y a un équilibre qui s’est créé entre des acteurs qui ont trouvé leur place et les existants. Free a reformaté la façon dont on conçoit la téléphonie, nous voulons amener les consommateurs à repenser la manière dont ils gèrent leur argent. Le but est d’offrir une relation très simple, et que l’utilisateur puisse avoir un contrôle sur les fonctionnalités. Et si l’on regarde plus loin c’est la première néobanque Française que l’on veut construire pour rayonner plus tard sur un territoire Européen élargi.

Vous venez du secteur des services à la personne, et il n’y a pas d’ancien banquier dans l’équipe, en quoi est-ce une force pour développer une autre vision de la banque ?

J’ai commencé à travailler sur le projet Payname en avril 2013, sur le paiement de services à la personne. Je voulais créer une solution simple pour envoyer de l’argent. Pour une heure de bricolage, tant d’euros étaient remis à l’Urssaf et tant d’euros à l’employé. Il y a eu un vrai besoin au moment où se sont développés les sites de jobbing mais ça, ce n’était que le projet initial. L’équipe s’est étoffée et c’est en 2014 que le projet a vraiment démarré : nous avons commencé à élargir les types de paiements : sécuriser des achats entre particuliers avec le paiement grâce au suivi de colis, paiement en 3 fois, paiement entre amis, facilité de paiement, on a ajouté fin 2014 la cagnotte et la collecte d’argent. En faisant cette extension d’activité nous sommes tombés dans le spectre des agréments bancaires et des établissements de paiement. À l’été 2015, soit neuf mois après, ce qui est très long, voire infini par rapport à notre échelle, le régulateur a joué le jeu, avec ses propres règles, et nous avons obtenu l’agrément. Aujourd’hui nous avons tout ce qu’il faut pour créer une néobanque et notre point de différenciation est justement que l’on ne s’est fait accompagné d’aucune banque et que nous ne comptons aucun ancien banquier. 

Cela signifie aussi que vous souhaitez rester indépendants ?

La plupart des FinTechs choisissent ou sont contraintes de s’adosser à des infrastructures bancaires classiques pour construire leur offre, et ne peuvent ambitionner que le rachat par un autre acteur, ce qui n’a pas de sens lorsqu’on veut changer les choses. Celui qui vous fournit l’infrastructure crée de la dépendance et finit inéluctablement par vous absorber. Nous avons repéré de nouveaux usages, nous avons ciblé de nouvelles communautés, nous voulons creuser notre sillon et non pas seulement faire un outil Fintech qui se fera racheter. Au-delà d’affirmer notre ambition au travers de nos valeurs, il y a un sujet central autour des systèmes d’information, et nous sommes beaucoup plus agiles avec les systèmes d’information que l’on a développé intégralement pour maitriser toute la chaine de production d’une offre bancaire (de l’émission de carte jusqu’à la tenue de comptes). Et si l’on parle de confiance, nos investisseurs, comme la MAIF et La dépêche du midi, nous accompagnent pour installer la confiance auprès de nos utilisateurs.

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Maddyness, partenaire média de Payname