Jeudi 28 mars, lors de la Maddy Keynote, Etienne Portais, cofondateur de Maddyness, recevait dans l’auditorium du Palais Brongniart Damien Morin, fondateur de Save puis de Mobile Club, Guillaume Pepy, aux commandes d’Initiative France et Maya Noël, DG de France Digitale et cofondatrice de YBorder.
Quel parcours, quelle posture, quelles motivations, quel syndrome de l’imposteur parfois aussi, peuvent bien partager les entrepreneurs français ?
Les trois invités ont évoqué d’abord la volonté d’indépendance et la quête de sens. « Nous avons réalisé l’an dernier une étude auprès de 2.000 startups, a indiqué Guillaume Pepy (Initiative France). Il en ressort que l’entrepreneuriat est un choix par conviction : on nous a répondu indépendance, challenge personnel, sens… Près de 40 % de nos répondants sortent de leur zone de confort et vont entreprendre dans un secteur d’activité qu’ils ne connaissaient pas, comme la jeune femme qui a créé Ombrea, Julie Davico-Pavin, une ancienne journaliste. »
Le quotidien est fait de… contraintes !
« En effet, on cherche de l’indépendance, de la création de valeur, du sens…. Mais ce qu’on trouve est souvent à l’opposé ! », s’est exclamé Damien Morin, témoignant de sa première expérience de startupper avec Save. « Une fois qu’on a entrepris, il n’est plus possible de changer de poste, de job, de pays, comme le ferait un salarié. Quant à la quête de sens, certes on a des rêves, mais les contraintes arrivent très vite aussi…. Et puis certains créent beaucoup de valeur, mais les entrepreneurs ne sont pas ceux qui gagnent le plus d’argent - c’est encore un autre mythe. Alors, pourquoi j’ai créé une seconde entreprise, me direz-vous ? Parce que j’ai tiré les leçons de Save. Je l’ai lancé en 2013, j’avais 22 ans, c’était l’époque des premiers accélérateurs à Paris, avec 10 fonds sur la place. Trois ans plus tard, on comptait 500 employés. On est allé très vite, on n’a pas été assez financés, j’ai fait plein d’erreurs et j’ai revendu à la casse en 2017. En quatre ans, j’ai vécu toutes les phases possibles d’une boîte, dont la restructuration. Aujourd’hui, j’ai dix ans de plus et un réseau bien plus vaste. Cette nouvelle création d’entreprise est beaucoup plus teintée de gestion. »
À ses côtés sur scène, Maya Noël, directrice de France Digitale, a validé le termes de « montagnes russes » : « Et en plus, elles sont quotidiennes. Il faut garder le cap, tout en embarquant des gens avec soi. L’entrepreneur doit emmener les autres dans sa folie, contrairement au freelance. Ce n’est pas facile quand il y a encore un écart entre ce que tu affiches et la réalité. Le leader ne peut pas être négatif, son job c’est de chercher des solutions, personne ne le fera à sa place. C’est fatigant - et c’est le critère commun à tous les leaders, même si ce n’est pas glamour. »
Dans la Tech, pas assez de patronnes
Guillaume Pepy et Maya Noël ont rappelé aussi que dans la Tech, les patronnes sont encore bien trop rares. « A peine 10 % des projets sont portés par les femmes, a souligné Guillaume Pepy. Et en termes de projets financés, on tombe à 2 ou 3 %. La France n’est pas bonne en la matière, contrairement aux Etats-Unis. Nous avons un problème de role models et de positionnement des banquiers. »
Le problème se pose à tous les niveaux, y compris chez les investisseurs. « J’ai fait plusieurs tours de table pour Mobile Club, a raconté Damien Morin, uniquement auprès de Business Angels, j’ai levé 10 millions d’euros avec 150 Business Angels. Trois sont des femmes. Et pourtant, croyez-moi, j’ai cherché ! »
Le CEO change de job à chaque étape de la vie de l’entreprise
Parmi les nouvelles attentes des citoyens, investisseurs et salariés : l’impact sociétal et environnemental de l’entreprise. Les exigences de la CSRD en témoignent. Un nouveau défi pour le dirigeant ?
« Attention, a souligné Maya Noël, beaucoup de CEO se sont “cramés” à vouloir être partout, tout le temps, sur tous les fronts. C’est impossible : il faut l’accepter et savoir s’entourer. »
« En effet, le travail du patron change au fil de l’évolution de l’entreprise, a confirmé Damien Morin. J’en vois beaucoup qui restent bloqués dans la première phase. Je tiens vraiment à leur dire que oui, au début, on est le “Doer In Chief”, on est le plus gros faiseur de sa boîte. On prend des tickets du support client s’il le faut, on est le premier sales pour comprendre les besoins du client, on est le Head of Product... Et ainsi de suite ! Il faut vraiment mettre les mains dedans. Mais dès qu’on a un peu de moyens, il faut absolument sortir de là et devenir un “Company Builder”. Supprimez de votre agenda toutes les tâches d’exécution, déléguez-les. On ne peut pas être CEO quand on passe la moitié de son temps en Sales ou autre. Il faut écrire parfaitement les fiches de poste de ses grands managers et les incentiver, pour s’assurer qu’ils soient moteurs. »
Troisième phase, les capitaines d’industrie : « travailler avec les banques d’affaires, les fonds, utiliser les ressources du premier business pour construire de nouvelles verticales. »
« L’entreprise est notre bébé, mais on n’est pas toujours la bonne personne pour gérer ce bébé ! », a conclu Maya Noël. « Tout le monde n’a pas de quoi tenir face au niveau de charge mentale de l’entrepreneur, a confirmé Guillaume Pepy. Cela peut aboutir à des comportements de fuite ou d’addiction, d’isolement ou de dépression. Je m’occupe de la Business School de Lyon, nous avons ouvert une Chaire avec Malakoff Médéric sur la santé mentale des dirigeants de startups. Nous allons travailler sur le fait de déléguer, sur la manière de faire tomber la pression. »