A la croisée de la chimie moléculaire, de l’intelligence artificielle et du quantique… Qubit Pharmaceuticals est l’une des deeptech françaises à suivre dans le secteur de la santé. Elle utilise en effet la simulation pour accélérer la découverte de nouveaux candidats-médicaments. Dirigée par Robert Marino, la société réunit aujourd’hui plus de 60 experts entre Paris, Boston et Chicago. Elle s’appuie sur une plateforme propriétaire, ATLAS, issue de 30 ans de recherche académique, capable de modéliser avec une très grande précision des maladies cibles jusqu’ici jugées "indruggables". 

Qubit Pharmaceuticals, qui pilote sept programmes de découverte de médicaments, ambitionne de passer à une nouvelle étape de son développement. Elle entend, notamment, prochainement concéder son premier programme à un laboratoire pharmaceutique sous licence. "On fait synthétiser les molécules, on les teste dans les différents types de validation in vitro, puis in vivo. Une fois qu'elles sont suffisamment dérisquées, nous voulons les concéder en licence", nous explique Robert Marino. 

Maddyness : Comment le quantique peut-il aider à la découverte de nouveaux médicaments ?

Robert Marino : Pour concevoir des médicaments, nous utilisons des logiciels de simulation qui permettent de faire deux choses. Dans un premier temps, reproduire l'ensemble des interactions entre les molécules. Et dans un deuxième temps, montrer l'évolution de l'interaction dans le temps pour voir comment le système va réagir aux médicaments. Et avec ces deux informations, nous allons être en capacité d'optimiser le candidat médicament au mieux. Le faire par calcul évite de réaliser des tests biologiques, notamment sur des molécules qui ne marchent pas. Donc en gros, grâce au calcul, on se plante, mais on se plante sur l'ordinateur, ce qui est plus rapide et moins coûteux. 

Pour faire cela, il faut réaliser beaucoup de types de calculs très compliqués. Certains sont des calculs de chimie quantique, qui vont permettre de donner les énergies, les interactions entre les molécules. On a les moyens aujourd'hui de faire ces calculs extrêmement précis sur les GPU. Mais on travaille aussi à développer des algorithmes qui, en tournant sur les ordinateurs quantiques, nous permettront d'améliorer encore plus la qualité de ces calculs.

Nous allons également utiliser l'informatique quantique pour les calculs d'évolution temporelle, de simulation de temps long et d'échantillonnage statistique. Là encore, les ordinateurs quantiques peuvent améliorer la performance des calculs. On développe aussi nous-mêmes plusieurs algorithmes qui vont permettre d'accélérer encore plus les résultats grâce à des ordinateurs quantiques. 

L'idée, ce n'est pas de dire que demain, avec l'ordinateur quantique, on mettra tous nos ordinateurs classiques à la poubelle, mais c'est plutôt de les utiliser comme des co-accélérateurs, soit pour améliorer la qualité des calculs, notamment des données d'entrée, soit pour accélérer les calculs, grâce à des nouveaux algorithmes plus efficaces, ou encore pour réduire le coût du calcul.

Sur quelles maladies avez-vous décidé de vous concentrer et pourquoi ? 

Nous avons décidé de nous concentrer sur certaines maladies liées à des cibles, des protéines, de l'ARN, pour lesquelles les techniques de simulation actuelles ne permettaient pas d'avoir de bons résultats. Et il s'avère que l’on a plutôt orienté nos programmes dans le domaine du cancer et des maladies chroniques inflammatoires. 

Selon vous, à quoi ressemblera l'industrie pharmaceutique dans 5 à 10 ans ?

Je pense que l’on va assister à l’émergence d'un meilleur dépistage, d'un meilleur diagnostic, avec beaucoup plus de données accessibles qui pourront être traitées par IA pour mieux identifier les causes des maladies et donc mieux découvrir des médicaments. Ces données vont permettre un profilage du patient dans le bon sens du terme, à savoir vraiment comprendre quelles sont ses spécificités, comment est-ce qu'il va réagir versus la population générale, quels sont le type de médicaments qu'on doit lui donner pour éviter des résistances. En parallèle, la recherche en découverte de médicaments sera plus efficace, parce qu'elle sera nourrie de ces informations-là, et donc elle pourra délivrer des candidats médicaments beaucoup plus ciblés pour les différents phénotypes de patients.