Si le moral des fintechs françaises est en berne, celui des poids lourds européens du secteur est à son zénith ! Alors que Revolut continue d’amasser des clients et de faire bondir sa valorisation vers de nouveaux sommets (75 milliards de dollars), la fintech allemande Trade Republic continue également de tracer sa route.

En cette fin d’année, le néocourtier annonce avoir bouclé une opération secondaire de 1,2 milliard d’euros. Celle-ci vise à faire sortir la plupart de ses actionnaires historiques du capital, dont les parts ont été reprises par les investisseurs existants, à savoir notamment le Founders Fund de Peter Thie, Sequoia, Accel, TCV et Thrive. Dans le même temps, de nouveaux investisseurs rentrent au capital, à l’image d’Aglaé Ventures, le bras financier armé de la famille Arnault pour miser sur les startups. Lingotto, le family office de la famille Agnelli (Stellantis, Ferrari, Juventus de Turin…), Fidelity, Wellington, Khosla Ventures et le fonds souverain singapourien GIC sont également de la partie.

Avec cette opération qui permet à Trade Republic de renouveler son actionnariat, et non de lever de nouveaux capitaux, la valorisation de la fintech allemande ressort à 12,5 milliards d’euros. La société devient ainsi une décacorne, alors que sa précédente valorisation s’établissait à 5,3 milliards de dollars après une méga-levée de 900 millions de dollars en série C bouclée en 2021 avec Sequoia à la baguette.

10 millions de clients en Europe, dont 1 en France

Pour Trade Republic, cette opération constitue un gage de reconnaissance de la part des investisseurs dans le paysage ultra-concurrentiel de la fintech européenne. Fondée en 2015 dans un incubateur de la Commerzbank par Christian Hecker, ancien banquier de Merrill Lynch, avec Thomas Pischke et Marco Cancellieri, la fintech allemande s’attèle à proposer des services de courtage depuis 2019.

A ce jour, elle revendique 10 millions de clients sur 18 marchés en Europe, dont plus d’un million en France. «On a doublé la taille de la société en 18 mois», se réjouit Vincent Grard, Country Manager France de Trade Republic depuis novembre 2023. Par ailleurs, l’entreprise indique être rentable depuis trois ans.

Présente depuis 2021 en France, où elle dispose d’une licence bancaire, la fintech allemande veut faire de l’Hexagone l’un de ses piliers européens. Dans ce sens, Christian Hecker, cofondateur et CEO de Trade Republic, a annoncé en début d’année son intention de créer un hub technologique à Paris, qui sera le quatrième centre d’innovation du groupe en Europe après Londres, Berlin et Stockholm. «C’est une partie toujours en cours de travail. En France, nous avons les meilleurs talents dans le domaine de l’IA. C’est vraiment un super endroit pour nous afin de créer un hub technologique», estime Vincent Grard.

«La situation politique actuelle a favorisé la croissance de Trade Republic»

Pour séduire les Français, Trade Republic a annoncé en début d’année la possibilité d’ouvrir un compte courant, avec un IBAN français, sans frais et rémunéré aux taux de la Banque centrale européenne (BCE), sans conditions et sans limite de montant. Elle propose aussi un plan d’épargne en actions (PEA). Ces deux produits ont une bonne traction selon le patron de la filiale française, qui se refuse cependant à donner un chiffre précis. «La moyenne d’âge de nos clients s’élève à 32 ans. Ce sont des gens qui compris qu’il fallait du temps pour préparer du capital», ajoute-t-il. Depuis septembre, Trade Republic propose aussi à ses clients français d'investir dans des entreprises non-cotées, et notamment dans des startups.

Surtout, Vincent Grard estime qua la situation politique européenne, surtout en France, incite les citoyens à se tourner vers les offres des fintechs pour épargner. «Les deux startups les plus valorisées d’Europe, Revolut et nous, sont deux sociétés qui s’occupent de l’argent des gens, aussi bien pour être une banque du quotidien que pour les plans d’épargne. Ça me donne l’impression d’être en avance sur nos politiques. Les gens ont arrêté d’attendre des réformes et se prennent en main eux-mêmes», observe le dirigeant. Avant d’ajouter : «L’incertitude politique ne fait que renforcer l’anxiété des gens. L’étape d’après, c’est le passage à l’action. Donc clairement, la situation politique actuelle a favorisé la croissance de Trade Republic.» Et avec l’instabilité politique de la France, où la survie de Sébastien Lecornu à Matignon ne tient qu’à un fil, qui devrait se poursuivre en 2026, il est fort probable que l’année à venir s’inscrire dans la même dynamique que celle qui vient de s’écouler.