Le Hack Jam, concours de pitch étudiant dont Maddyness est partenaire, débarque en juillet à Nice. Son fondateur, Jean-Edouard André, espère que des équipes d'entrepreneurs aux profils plus variés rassurera les investisseurs pour les amener petit à petit à s'intéresser de plus près aux entreprises early stage.

La France est-elle déjà une "startup nation" ?

Le Total early-stage Entrepreneurial Activity (TEA) Rate (un taux qui mesure la part d’entreprises créées sur les trois années précédentes par rapport à la population adulte totale), calculé par le Global Entrepreneurship Monitor (GEM), montre une France clairement à la traîne par rapport à d’autres pays : elle se classe au 60ème rang sur 64 pays notés ! La France possède l’un des taux les moins élevés des pays de l’OCDE.

Et pourtant, il faut tout de suite tempérer ce constat. Selon le GEM 2016, la France se distingue aussi des autres pays par le dynamisme de ses politiques publiques (2ème sur 66), la qualité de ses programmes de transfert de technologies permettant de sortir les innovations des laboratoires de recherche (4ème sur 66) et l'enseignement de l'entrepreneuriat qui est fait dans le supérieur (6ème sur 66). La Franc est donc globalement "en marche". Reste le problème de l'early-stage...

L'early stage est-il vraiment le maillon faible du système de développement des startups françaises ?

On dit que l’early stage demeure un maillon fragile de notre système d’innovation. Et, en disant ça, on souligne aussi que la plupart des business angels n’investissent que sur le prévisionnel, au détriment du potentiel. Les VCs ont également développé des capacités de pre-screening et de monitoring des projets pour diminuer les risques de sélection. Ils préfèrent investir dans des sociétés qui ont déjà un certain track record, plutôt que dans des jeunes pousses. Ils se dirigent donc vers des investissements plus late stage. Les fonds privés sollicitent plus souvent les sociétés déjà investies pour réaliser de l’assessment technologique. C’est toujours la même histoire : les fonds les plus importants et non contraints à de l’investissement en seed et early stage ne sont naturellement tentés de ne financer que des sociétés en late stage, créant à cette occasion ce qu’on appelle un "equity gap".

Plante

La problématique de l’equity gap apparaît lorsque la chaîne de financement s'interrompt, soit entre 100 000 et 1 million d'euros.  L’equity gap se situe après l'intervention des business angels et avant celle du capital-risque. Pour faire simple, les 3F (pour Friends, Family and Fools, soit les amis, la famille et les fous), soutiennent l’initiative prise au départ, souvent par un de leurs proches. Ensuite, les business angels investissent leur propre argent, puis d’autres sources sont sollicitées, notamment les fonds d’investissement de type Venture Capital (VC) ou les pouvoirs subsidiants.

Cette situation est-elle irrémédiable ?

Il y a de nouvelles solutions qui apparaissent, je pense surtout à l’equity crowdfunding, qui apporte une nouvelle solution à l’equity gap et une réponse progressive aux besoins en capital social des startups. Clairement, depuis le 1er octobre 2014 (date de son entrée en vigueur), l’equity crowdfunding est un puissant levier qui permet aux entreprises en amorçage ou en développement de lever des fonds en évitant ce fameux "trou de financement".

Faut-il forcer les fonds à changer de cap sur l’early stage ?

Non, pas sous la contrainte. De toute façon, en raison de la nature exceptionnelle des sociétés qu’ils recherchent, les VCs ne financent qu’une partie minime des entreprises actives dans les nouvelles technologies. Les probabilités de recevoir du funding en early-stage de la part de cette classe d’investisseurs sont comprises entre 0.1% et 2%. Par contre, le financement public peut servir de "bridge funding" et faciliter l’intervention du privé dans des firmes en early stage, et c’est ce qui se passe en France… Et puis, on ne peut pas nier l’existence d’acteurs privés de soutien à l’early-stage en France .. Depuis 2010, le fonds Kima Ventures, fondé par Xavier Niel, fait du seed capital, ISAI Gestion est là aussi ou encore 360 Capital Partners qui élargissent leur domaine d'intervention depuis plusieurs années.

La fragilité de l'early stage ne vient-elle que du financement ?

Non, la notion même d'early stage dissimule des préjugés négatifs : trop jeunes, pas prêts, pas assez compétents… Il y a plusieurs phases de financement auxquelles sont confrontées les startups en early stage : le pre-seed (démarrage), le seed (amorçage) et le développement (growth ou croissance). Mais, ce n’est pas qu’une histoire de financement et je pense qu’on se trompe de priorité dans ce vaste sujet. Avant de trouver son "product market fit" et son modèle économique, il faut que l’équipe transmette une conviction forte. En fait, ce qui compte en early stage, c’est la qualité de l’équipe, sa capacité à écrire une belle histoire…

Or, si l'on veut renforcer la qualité des équipes, il faut avancer concrètement sur le networking étudiant. La Conférence des grandes écoles (CGE) a présenté en avril dernier une étude sur les incubateurs de l’enseignement supérieur. Le résultat souligne que la part des étudiants de grandes écoles qui créent une startup à la fin de leur cursus est actuellement de 5,3% en France, contre environ 14% aux Etats-Unis. Et pourtant, 65% des grandes écoles françaises ont un incubateur (en propre ou en partage), donc quelque chose ne fonctionne pas. Il y a une mentalité qui tarde à se mettre en place chez les étudiants.

C'est à cette problématique que souhaite répondre le Hack Jam ?

Avec le Hack Jam et Yes Please (la startup qui porte le Hack Jam, NDLR), on se dirige vers un entrepreneur tribal, une nouvelle forme de regroupement étudiant, facilité par une stratégie d’accompagnement forte ante-incubation. Le Hack Jam part ouvre une brèche qui permet aux early-birds de networker au-delà des écoles et de se rencontrer en fonction de leur domaine d’innovation. L’idée, c’est de s’identifier et de se rapprocher entre étudiants d’écoles différentes pour renforcer la diversité des équipes early-stage. On fait tout ça pour renforcer les étapes qui mènent au POC commercial.

Le Challenge Hack Jam met le cap sur Nice

Le Challenge Hack Jam est ouvert à tous les étudiants, à toutes les Ecoles de Nice et de sa région. Il cherche à favoriser les projets pluridisciplinaires et la création d’équipes mixtes. Plusieurs prix sont remis aux lauréats, en conclusion d’un concours en ligne. Vingt lauréats sont attendus et seront accélérés, en vue de la création de leur startup.

Pourquoi vous lancer à Nice ?

L’écosystème niçois est un atout unique pour des startups en amorçage. Le cluster étudiant est l’un des plus intégrés de France. La Métropole de Nice, des acteurs locaux de l’innovation mais aussi des collectifs de startuppers font le reste en insufflant un dynamisme régional de très haut niveau.

De plus, le Hack Jam cherche à démontrer qu’il n’y a pas de modèle unique de l’innovation. Et qu’il n'y a pas besoin de renforcer l’inflation du numérique à Paris. Pour faciliter le travail des incubateurs et l’appréciation de la chaîne de financement, il faut surtout doper les économies de l’innovation en régions, en allant chercher les étudiants sur les campus. Une association réussie entre jeunes entreprises, grands groupes pour du corporate venture, la recherche publique, l'enseignement supérieur et les investisseurs, c’est le bon chemin à prendre. Mais, à la source de tout, il y a les étudiants dont dépend la vitalité de l’innovation.

 Nice

Et ces étudiants se trouvent plus facilement en régions qu'à Paris ?

Pour nous, tout passe par le développement local et territorial. Le renforcement d’une masse critique de startups ne peut que favoriser un nombre plus important d'opérations avec des fonds. Des fonds qui agissent d’autant plus que la peur de passer à côté d'une pépite se développe. Il faut donc créer plus de startups en régions si on veut renforcer l’aide des fonds. C’est de ce constat que le Hack Jam tire sa force.

Comment espérez-vous concrètement faire avancer les choses ?

On a besoin en France d’investisseurs qui prennent rapidement des décisions quant à un go/no go. Le besoin d'innovation et d’early stage oblige à intégrer une certaine dose de risque dans notre culture de l’investissement. Maintenant, il faut tout faire pour que ce risque devienne rationnel et quantifiable. Or, le seul outil d'appréciation valable, c’est la force de l’équipe et sa complémentarité.

Car c'est bien là l'enjeu : sous l'effet de contraintes fortes, toute startup doit être prête à pivoter, à tout moment. 95% des business plans ne sont pas respectés. Contrairement au business plan, où on tente de tout prévoir à l’avance, le monde des startups est truffé d’incertitudes… Avec une équipe aux profils variés, on apprend à pivoter dès l’early stage, et cette souplesse est de nature à rassurer les investisseurs.