En janvier dernier, Bruno Le Maire annonçait lors de ses voeux à la presse qu'il comptait étendre le décret Montebourg aux secteurs du stockage de données numérique et de l'intelligence artificielle. Une information confirmée ce vendredi par le premier ministre Édouard Philippe, qui annonce même un élargissement à d'autres secteurs. 

Le spectre du ministre du Redressement productif plane encore sur Bercy. Alors que le départ d'Arnaud Montebourg avait provoqué un "ouf" de soulagement dans le milieu Tech français qui voyait d'un mauvais oeil ce fervent défenseur de l'industrie et de l'ancienne économie, l'actuel locataire de Bercy remet ses idées au goût du jour. Bruno Le Maire annonçait ainsi en janvier dernier qu'il comptait étendre le décret Montebourg qui permet à l'État d'avoir un droit de regard sur les prises de participation d'investisseurs étrangers dans des sociétés françaises appartenant à certains secteurs sensibles, comme l'énergie, les transports ou les télécoms. Le ministre de l'Économie a indiqué que cette extension s'appliquerait bientôt aux entreprises du stockage de données numériques et de l'intelligence artificielle.

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"Beaucoup de pays se sont dotés de tels dispositifs, rappelle Jean-David Chamboredon, président de France Digitale. Il n'est donc pas illogique que la France se pose la question de la souveraineté technologique. Et si le dispositif fonctionne comme aux États-Unis ou en Israël, ce sera clairement un non événement." Mais l'investisseur souligne la "prudence" et la "vigilance" dont feront preuve les acteurs du secteur en attendant de découvrir les modalités pratiques qui se cacheront derrière cette annonce. "Notre priorité est d'attirer les acquéreurs internationaux", rappelle-t-il.

Le risque d'un blocage

"Les investisseurs européens non français devront, en cas de prise de contrôle du capital, déclarer l'investissement auprès du ministère de l'Économie et attendre son feu vert pour que l'opération se concrétise, explique Maître Alexis Marchand, avocat spécialiste en droit financier, associé du cabinet Cornet Vincent Ségurel. Pour les investisseurs non européens, cette obligation est valable pour tout investissement significatif." L'État pourrait également, comme dans le dossier Alstom-General Electric, poser certaines conditions à l'opération.

Conséquence à prévoir : des négociations plus longues avec les investisseurs potentiels. "Il faut compter environ deux mois pour obtenir une réponse de l'État, précise Maître Marchand. Ce qui peut paraître très long... alors même que les négociations pour une levée de fonds prennent plusieurs mois. Il faudra donc que les investisseurs comme les entrepreneurs anticipent ce nouveau délai et l'intègrent au temps des négociations." En espérant que cette formalité supplémentaire ne les dissuade pas d'investir dans l'Hexagone.

Crédit photo : AFP