Que ce soit Google qui combat le diabète avec des lentilles connectéesIBM qui combat le cancer avec Dr Watson ou Facebook qui facilite la description d’images pour aveugles grâce au deep learning, tous se mobilisent et investissent massivement dans l’IA pour améliorer notre condition de vie. On parle même d’un business mondial de 11 milliards de dollars en 2024Eytan Messika, cofondateur du courrier international de la tech Tech Crush, fait le point sur les startups françaises à suivre dans le domaine. 

Le marché mondial de l’IA est donc en hyper croissance. Un autre marché, bien plus gros, grossit lui aussi à une allure phénoménale : c’est le marché mondial de la e-santé, qui lui, atteindra près de 400 milliards de dollars en 2022. En France, et en comparaison avec les États-Unis, non seulement le niveau d’investissement dans la e-santé et l’IA est infiniment plus faible, mais en outre, le niveau de maturité des projets est beaucoup plus jeune. Nous sommes encore loin de l’acquisition de Merge Healthcare par IBM pour plus d’1 milliards de dollars.

Cet handicap signifie également qu’en France, il y a des places à prendre et que de nouveaux acteurs peuvent avoir une carte à jouer contre les pures players. Le marché de la e-santé est seulement évalué en France à 3 milliards d'euros et évolue de 4 à 7% par an. L’IA peut donc insuffler un renouveau autour de l’écosystème e-santé, en permettant l’émergence de flux de capitaux étrangers certes, comme le montre l’investissement de 50 millions d'euros de Fujitsu pour un centre de recherche dédié à L’IA au sein de polytechnique, mais surtout en terme d’innovation technologique pure. En voici quelques exemples et applications :

Les outils d’aide au diagnostic 

  • Dreamquark : cette startup experte du deep learning utilise son intelligence artificielle pour analyser différents types de données (structurées ou non) et oriente les médecins dans leurs décisions. Avec une première application dans l’ophtalmologie, son spinoff DreamupVision, permet de dépister des rétinopathies diabétiques en reconnaissant des biomarqueurs sur des radios d’images de fond de l’oeil. Le deep learning s’est fait sur plus de 90 000 images de patients atteint de la maladie. L’IA a ensuite été capable de d’établir des caractéristiques propre à la maladie.
  • Cardiologs : cette startup experte du machine learning, développe une solution d’interprétation automatique des électrocardiogrammes (ECG) fonctionnant en temps réel grâce à une intelligence artificielle.
  • Implicity : startup à destinations des cardiologues, qui développe une plateforme capable de récolter les données issues des pacemakers, couplée à une IA qui analyse ces données pour caractériser l’importance des alertes remontées. L’idée est de réduire le nombre d’alertes non pertinentes (faux positifs) tout en améliorant la productivité des médecins.

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La connexion des différents acteurs de la santé 

  • Honesticacette startup crée par Franck Le Ouay, ancien cofondateur de Critéo, développe une plateforme globale de gestion des données de santé, capable de faciliter la collaboration entre praticiens et de permettre le partage et l’analyse des données grace à une IA, tout en protégeant les droits des patients.

La médecine interventionnelle, le geste thérapeutique ou chirurgical assisté par robotique 

  • Robocath : une startup rouennaise qui s’illustre sur la scène biotechnologique à travers le développement d’un robot destiné à la radioprotection contre les rayons X et à la téléassistance. Elle leva dernièrement 5M€ pour aider à la commercialisation de son produit.

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Les dispositifs médicaux et connectés qui permettent un suivi permanent du patient 

  • Feetme : Gagnant du CES las Vegas 2015, cette startup développe des semelles connectées simples et des interfaces intuitives qui permettent de faciliter la collecte de données et les analyses en situation réelle pour prévenir notamment le diabète.
  • Bioserenity : Installée dans l’incubateur de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, cette startup conçoit des vêtements connectés permettant notamment de surveiller les personnes épileptiques avec plus d’efficacité. Elle travaille d’ailleurs avec Cardiologs pour la brique d’analyse d’IA.
  • Data for life : Ce tout jeune projet, Spinoff de Mac-lloyd Sports, le spécialiste des vêtements connectés pour athletes conçoit un tee shirt capable de mesurer les signes physiologiques et une IA qui filtre les alertes en cas d’anomalies.
  • Pkvitality : Prix de l’innovation au CES 2017, cette startup conçoit une montre connectée capable de mesurer le taux de glycémie dans le sang de façon non invasive. Des biocapteurs prélèvent le liquide interstitiel comportant les traces de glucose de façon indolore.
  • Bodycap : Prix de l’entrepreneur 2015, cette startup développe et commercialise des capteurs électroniques miniaturisés et communicants pour le monitoring en continu de variables physiologiques. Elle développe notamment un patch (e-tact) capable de mesurer et contrôler la température du corps.

L’extraction d’informations à partir de comptes rendus médicaux et la rédaction de contenu

  • Clustaar : Experte sémantique, cette startup permet d’analyser les mots clés dans les requêtes pour déceler l’intention de l’utilisateur ou améliorer le langage des assistants virtuels . On peut imaginer son application à la compréhension de rapports médicaux, des symptômes recherchés sur des plateformes en libres services tels que doctissimo ou encore l’amélioration du diagnostic par bot.
  • Syllabs : Incubée à NUMA, cette startup propose de rédiger certains documents à votre place grâce à une AI. Son application permettrait de rédiger des fiches produits de médicaments ou des comptes rendus médicaux, voir même des ordonnances.

La formation des médecins et plus généralement des personnes impliquées dans les parcours de soin

  • Silkke : Cette startup spécialisée dans la robotique médicale, conçoit des avatars animés dans la réalité virtuelle et augmentée. Son application est gigantesque dans le domaine de la santé car elle permet de simuler différentes situations : changements d’apparence (régimes, chirurgie esthétique) mais aussi formation des personnels pour leur inculquer la façon d’interagir avec les patients, simulations d’opérations...

Silver economy

  • Deci dela : Ce projet est porté par des étudiants de l’ENSCI, c’est une montre directionnelle pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Associant deux interfaces cette montre permet de pallier la perte des repères spatio-temporels et ainsi de sécuriser l’errance grâce à une IA.
  • Lifeplus : Cette startup confectionne une montre connectée pour les seniors qui mesure la santé et l’activité de la personne ainsi que des capteurs intelligents placés dans le lieu d’habitation qui analysent l’environnement de vie.

La formation thérapeutique des patients notamment à l’aide de jeux sérieux et de mondes virtuels

  • Tilak Healthcare : Jeune pousse de l’incubateur Ibionext spécialisé dans la e-santé, cette startup propose de suivre la rétinopathie diabétique ou les maladies de la maculopathie grâce à des jeux sur smartphones et tablettes. Leur IA décèle une irrégularité dans le comportement de jeu pour aider aux diagnostics.

Un frein à l’innovation

Le plus gros frein que connait l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé reste aujourd’hui celui de la confidentialité et donc de l’accès aux données. Pour que le machine learning soit pertinent, il faut un amas de données pour entraîner l’algorithme. Cependant du fait du secret médical, il est impossible de divulguer en toute sécurité certaines de ces données. Si ce thème est largement mentionné depuis plusieurs années, il n’existe pas à ce jour de solution satisfaisante pour répondre aux besoins croissants d’accès, de partage, de protection, d’annotation, de garantie de fiabilité et d’absence de biais, en particulier pour la réutilisation de données dans des contextes différents de ceux où elles ont été collectées. Par exemple il serait encore impossible de nos jours de certifier CE ou FDA une IA du fait de son apprentissage en continu.

Mais récemment, Rythm, startup soutenue par Xavier Niel et Laurent Alexandre, qui commercialise le bandeau connecté Dreem pour améliorer la qualité du sommeil en stimulant votre période de sommeil profond grâce à une IA, a dévoilé Morpheo, la première plateforme open source qui allie blockchain et IA, pour permettre aux professionnels de prédire les nouvelles pathologies liées au sommeil. Son fonctionnement est unique : La blockchain permet d’uploader de la donnée en toute confidentialité et traçabilité grâce à son infrastructure et l’IA prédictif ajuste son algorithme de machine learning au fur et à mesure que des professionnels uploadent leurs données. Son utilité est parfaitement adapté au monde de la santé. Quelques autres initiatives larges voient le jour, mais la plupart des autres projets restent cantonnés à un petit périmètre d’équipes et d’applications..

La France doit donc assouplir sa politique d’ouverture et de confidentialité ou bien trouver des moyens de réduire le risque lié à la violation du secret médical pour permettre le développement de ces solutions.