"Il ne faut jamais faire confiance à la technologie", a débuté Mounir Mahjoubi en souriant, agacé par un problème de micro. Après avoir passé six mois à rencontrer des entrepreneurs de diverses industries, le secrétaire d'État au Numérique a présenté son bilan ce jeudi, à VivaTech. Partant du principe que la France est aujourd'hui "plutôt mature dans le rapport qu'elle a avec les startups", il assume avoir cherché à faire "dans la dentelle, dans le détail". "L'idée est que les entrepreneurs puissent dire 'on a pu le faire parce que c'est la France'", a martelé le secrétaire d'État.

L'objectif est clairement annoncé : "simplifier la vie des entrepreneurs". Fort d'une quinzaine de déplacements en région, d'une consultation en ligne qui a rassemblé 1500 contributions mais aussi de quelque 200 entretiens individuels avec des startuppers, Mounir Mahjoubi a déroulé - aussi vite que le développement d'une startup en hypercroissance - les dix mesures phares qui structureront l'action de son cabinet dans les prochains mois, articulées autour de quatre grandes thématiques : simplification, financement, recrutement des talents et développement à l'international. Mais ce sont une centaine de mesures qui sont présentées sur le site du secrétariat d'État au Numérique.

Moins de blocages administratifs...

Plusieurs mesures ont vocation à renforcer les liens entre entrepreneurs et administration. Mounir Mahjoubi a notamment annoncé la nomination d'un "correspondant startups" dans chacun des quinze ministères. "Son nom, son adresse de contact et son numéro de téléphone seront publics sur le site de chaque ministère", a-t-il promis. Cela doit aider les innovateurs à mieux "circuler dans l'écosystème de leur secteur, trouver le bon interlocuteur pour avancer".

Dans le sillage de l'expérimentation lancée par le précédent gouvernement, le secrétaire d'État a également annoncé la relance et la pérennisation de France Expérimentation, qui est en quelque sorte "un tour des startups mais qui dure toute l'année". L'institution sera un interlocuteur privilégié pour les startups qui identifient des freins réglementaire à leur développement et sera à même de permettre des entorses à la réglementation pour certaines startups.

En parallèle, Mounir Mahjoubi a également officialisé le relèvement du seuil permettant de recourir à un marché public sans publicité ni mise en concurrence, de 25 000 à "environ 100 000 euros", le nouveau seuil devant encore être affiné. "Il faut donner la possibilité à l'État et aux collectivités d'acheter l'innovation, notamment dans des secteurs comme l'éducation", a-t-il souligné.

... pour une croissance plus rapide

Pour faciliter le développement des startups, le secrétaire d'État a évoqué un très vague "gel des effets de seuil" qui doit être intégré à la loi PACTE portée par Bruno Le Maire. Mais c'est surtout sur le financement qu'ont porté les principales innovations, avec notamment la création d'un nouvel outil expérimenté sous l'égide de bpifrance : les venture loans. Il s'agirait pour la banque publique de pouvoir prêter de l'argent à long terme à des startups pour accompagner une levée de fonds.

Toujours dans l'optique de multiplier les sources de financement des entrepreneurs, le gouvernement a annoncé vouloir relever à 8 millions d'euros le montant autorisé pour l'investissement dans le cadre du financement participatif, contre 2,5 millions actuellement. Il veut également ouvrir le bénéfice du PEA-PME aux titres financés via des plateformes de financement participatif, a indiqué Mounir Mahjoubi.

Autre annonce attendue par les entrepreneurs : celle de labels pour les ICO, permettant de différencier les projets avec les reins solides des châteaux en Espagne. "Les ICO peuvent être bénéfiques à l'écosystème si on apporte de la confiance", a estimé Mounir Mahjoubi, confirmant vouloir faire de la France "un territoire attractif pour les ICO". Pas de précisions en revanche sur la fiscalité associée aux ICO, une thématique dont les députés doivent se saisir dans les semaines à venir.

Mieux former pour mieux recruter

Sujets phares pour les entrepreneurs, la formation et le recrutement n'ont pas été oubliés. En plus d'un assouplissement des conditions d'obtention du French Tech Visa pour les talents étrangers, Mounir Mahjoubi a également évoqué "une mission sur les métiers du numérique", qui doit notamment aboutir à "une nomenclature commune des métiers de startups". De quoi permettre aux préfectures mais aussi à Pôle Emploi et aux différentes filières de formation de mieux identifier les métiers en tension et les compétences recherchées. Après les 10 000 formations créées dans le cadre de la Grande école du numérique, le secrétaire d'État s'est engagé à ce que de nouvelles soient ouvertes dans des filières classiques, DUT et BTS notamment.

Enfin, dans l'optique de pouvoir faire rayonner la French Tech à l'international, un indice Next 40 sera créé, sur le modèle du CAC 40. Il ne sera pourtant pas un indice boursier et ne devrait pas s'embarrasser des mêmes contraintes pour l'intégrer (ou en sortir). Une dizaine de référents de la French Tech et du monde de l'investissement devraient ainsi se réunir "tous les six mois ou tous les ans" pour désigner ces quarante champions du numérique, "plus vraiment des startups". Si l'idée est de faire grandir toutes les entreprises françaises "très vite" et les faire partir "très loin", ce club de happy few aux contours pour l'instant très flous risque bien de multiplier les désillusions dans les rangs des entrepreneurs, en plus de froisser quelques egos.