Pourquoi ce livre ? De quel constat est-il né ?

Publier en 2019 "Les défis de la transformation digitale", alors que la transformation numérique des entreprises a déjà été abondamment traitée ces dernières années, ça peut surprendre. Mais en fait, le plus souvent, le sujet a été traité sous l'angle des grands groupes du CAC 40, en mettant l'accent sur l'univers des services. Quant aux discours sur la digitalisation de l'industrie, ils tournent principalement autour de l'industrie 4.0 ou de l'usine de demain, ils ont tendance à se focaliser uniquement  sur la production, mais beaucoup moins sur la deuxième partie qui concerne les modèles de ventes : le client final, l’expérience qu’on lui apporte dans son parcours de vente…

Nous avons interrogé des grands groupes, comme Saint-Gobain, Eramet, Renault ou Michelin, mais aussi et surtout des PME, ETI et startups. Car il y a toute une partie de l'économie française dont on parle peu, qui est aussi en transformation, ou du moins, qui vit au quotidien les effets de la digitalisation sur ses modèles économiques. Ces entreprises de trouvent partout en France, et dans tous les secteurs, de l'industrie lourde au textile, en passant par le BTP ou les biens de grande consommation. C'est donc sur ces acteurs, en région, que nous avons voulu mettre un accent particulier, à travers des témoignages et des retours d'expérience très concrets.

Les témoignages que nous avons recueillis décrivent tous le moment le bascule que l'industrie est en train de vivre. C'est aussi un moment clé pour la transformation digitale : après les grands discours, vient le temps de la confrontation à la réalité, avec tout ce que ce cela peut représenter pour les entreprises qui se sont mises en mouvement. De la difficulté à faire émerger des idées, à les tenir dans le temps, à les confronter à un écosystème de partenaires, à des enjeux économiques de court terme...

Si vous deviez faire des prédictions dans ce secteur, lesquelles seraient-elles ?

Les approches DTC (Direct-to-consumer) vont se multiplier, dans tous les domaines. À la fois grâce à des startups qui font la chasse aux intermédiaires, comme Sensee ou Joone, mais aussi sous l'effet de groupes industriels, traditionnellement intermédiés, qui se convertissent au e-commerce en direct, investissent les places de marché, se mettent à parler directement à leurs clients finaux.

Il y a trois raisons principales à ce mouvement, dans lequel les startups sont largement en avance, même si beaucoup des groupes plus traditionnels que nous avons interrogé s'y convertissent progressivement : protéger et retrouver de la marge en réduisant le nombre d’intermédiaires dans la chaîne de valeur, toucher de nouvelles cibles grâce à de nouveaux canaux de vente et accéder à de la donnée client.

Autre constat : la collaboration entre startups et entreprises industrielles se rationalise rapidement. Alors que les grands groupes ont eu tendance à avancer tous azimuts sur ce sujet, les entreprises plus petites adoptent des logiques plus pragmatiques, en privilégiant des collaborations avec d'autres entreprises de leur taille, des centres de recherche, ou en développant des logiques d'intrapreneuriat. C'est d'autant plus vrai dans le domaine industriel. Dans le livre, plusieurs dirigeants reviennent sur les collaborations qu'ils ont mises en place, sur ce qui n'a pas fonctionné, ou au contraire bien fonctionné. Avec des informations sur ce qui aide à mieux travailler ensemble, ou sur ce qui bloque.

Qu’est ce que vous espérez apporter au lecteur avec cet ouvrage ?

Nous souhaitions absolument éviter d’écrire un livre donneur de leçons. Des leçons qui ne seraient, de toute façon pas applicables aux spécificités de l’entreprise du lecteur. D’où l’idée de rencontrer des dirigeants que nous savions inspirants, parce que nous les connaissions, parce que l’agence de Quentin travaillait avec eux, ou tout simplement parce que, de fil en aiguille, nous recevions des recommandations. Nous avons rencontré près d’une cinquantaine d’entre eux, pour garder un peu moins de 30 témoignages.

L'idée était d'apporter un aperçu, sans filtre, de la réalité de la transformation digitale dans 27 entreprises à différents stades et de toutes tailles, en donnant la parole à ceux qui sont réellement à la manœuvre. Et, à travers ces témoignages, le but est d'offrir des sources d'inspirations pour l’expérience personnelle du lecteur.

Pour un lecteur ou une lectrice qui travaille dans une start-up, par exemple, il y a au moins deux façons de gagner du temps en lisant ce livre : mieux comprendre les problématiques d’interlocuteurs qui travaillent dans une entreprise industrielle et donc y trouver des nouvelles opportunités, ou s’inspirer du chemin parcouru par les startups que nous avons rencontrées...

Quels sont les grands enseignements de ce livre ?

Le premier enseignement est qu’il n'y a pas un seul secteur dans lequel le numérique n'a aucun d'impact. Les entreprises qui pensent le contraire et ne saisissent pas les enjeux sont à risque, demain ou après-demain. Nous observons cette prise de conscience partout, même dans l'industrie lourde.

  • Nous avons interrogé le groupe minier Eramet par exemple : l'extraction des matières premières et la fabrication des métaux ne changent pas fondamentalement avec le digital. Mais les évolutions du marché et les clients, grands comptes comme PME/ETI poussent dans le sens d'une transformation des process, de la supply chain, de la production. Dans ces chantiers, les collaborateurs, avec leurs habitudes, peuvent être des freins, mais ce sont aussi des moteurs de changement.

Les entreprises les plus avancées sont celles qui ont le plus fait évoluer leur organisation, pour mieux prendre en compte le "client" et les différentes parties prenantes de leur écosystème, distributeurs, revendeurs, prescripteurs ou clients finaux.

  • Parmi l’ensemble des exemples, nous pouvons par exemple citer la création d’une Direction Expérience Client chez CETIH, fabricant de portes et de fenêtres. Dans ce type de secteur, c’est une révolution.

Deuxième enseignement : il n’y a pas un modèle unique pour la transformation. II y a des ingrédients communs, mais chacun fait sa propre cuisine, avec sa propre recette. L’important étant de s’inspirer des histoires des autres, pour les adapter à son histoire personnelle.

Parmi ces ingrédients :

  • la prise en compte d’un monde en pleine évolution : “un système où on achète et on jette au bout de trois utilisations est arrivé au bout de son chemin” constate par exemple Denis Marchant, dirigeant d'Union Textile de Tourcoing

  • le passage d’une approche produit à une approche client : “le marketing ne trompe plus personne” explique notamment Eric Ducournau, le DG de Pierre Fabre

  • le bon usage de la data

  • … et au moins 7 autres défis à retrouver dans le livre !

Troisième enseignement : il n’y a pas de fin à la transformation. C’est une culture de changement, plutôt qu’un changement de culture.