Hugo Meunier, fondateur de Merci Raymond, une startup qui rassemble des jardiniers et des créatifs afin de revégétaliser les villes et développer l’agriculture urbaine, s’est prêté à l’exercice.

Combattre le caractère anxiogène de nos villes grâce à l’écologie

" L’homme doit avoir le double avantage d’accéder aux plaisirs de la ville, avec ses solidarités de pensées et d’intérêts, les possibilités qu’elle offre d’étudier, de pratiquer les arts, et en même temps, il doit jouir de la liberté qui existe dans la liberté de la nature et se déploie dans le champ de son vaste horizon. " C’est avec ces mots qu’Élisée Reclus, un grand géographe du XIXe siècle, résume le dilemme qui habite chacun d’entre nous : ville ou campagne ? Des raisons économiques, culturelles ou sociales nous forcent la plupart du temps à choisir d’habiter la première aux dépens d’une campagne dont le modèle disparaît peu à peu... Nous faisons ce choix malgré des désavantages de plus en plus nombreux. 

En effet, la pollution croissante rend l’air irrespirable et s’exiler à la campagne le temps d’un week-end pour un bol d’air frais devient le rêve de tout citadin. Le réchauffement climatique transforme les villes en chaudrons pendant la période estivale comme nous avons pu le constater durant les étés récents avec des températures records. Sans compter l’artificialisation des sols et leur imperméabilisation qui font disparaître les oiseaux et les insectes de nos villes. À cela s’ajoute une concentration humaine qui entraîne une distension des liens sociaux… Autant d’exemples qui témoignent du caractère anxiogène de nos villes.

Malgré cela, celles-ci demeurent toujours aussi attractives. Selon l’ONU, 70% de la population mondiale vivra en zone urbaine en 2050, soit environ 6,9 milliards d’individus. Cette mutation démographique, phénomène inéluctable, va aggraver les problématiques qui se posent déjà à nous si rien n’est entrepris. C’est donc au sein même de nos " cités " qu’une partie de la bataille écologique est en train de se jouer.

Une mutation “verte” grâce à la réintroduction du végétal dans les villes                                     

Face à ce constat, il est impératif de repenser entièrement nos villes. Chez Merci Raymond, c’est à cet immense défi que nous tentons de répondre chaque jour à travers nos actions depuis maintenant plus de quatre ans. Notre collectif a un objectif simple : mener la révolution verte dans nos villes ! Nous sommes convaincus que la réintroduction du végétal dans celles-ci, à travers différents domaines (agriculture, santé, architecture, etc.), constitue une solution durable et nécessaire non seulement d’un point de vue écologique, mais aussi social et économique.                                           

Heureusement cette mutation, verte est d’ores et déjà en cours à travers l’éveil progressif d’une conscience collective. Lorsque nous avons lancé notre mouvement, un peu avant la COP21, beaucoup considéraient que cette volonté de transformer nos villes en y intégrant massivement le végétal n’était qu’une simple tendance, un effet de mode. Pour certains, être jardinier et citadin semblait même contradictoire. 

Aujourd’hui, ces derniers commencent à réaliser que notre projet va bien au-delà, qu’il répond à un besoin de fond. Au départ, nos actions se déroulaient à micro-échelle : nous tentions de nous ré-approprier la ville par des actions de " green guérilla " et cherchions à sensibiliser la population. Après quatre années d’efforts de pédagogie, le message commence à entrer dans les esprits et à imprégner les consciences. Mais ce n’est pas fini. Il faut sans cesse continuer d’expliquer que davantage de nature en ville nous permettrait de lutter simultanément contre la pollution, le réchauffement climatique, l’érosion de la biodiversité et des sols, et l’effritement du lien social. Cette révolution verte représente une des clés pour notre futur, nous en sommes convaincus.

Une mutation possible grâce aux savoirs des anciens

Mais mutation n’est pas toujours synonyme d’innovations. Notre expérience de jardiniers urbains nous a appris que beaucoup de réponses à nos questions se trouvent dans des exemples tirés d’un passé pas si lointain et de concepts déjà appliqués dans nos campagnes, qui ne demandent qu’à être importés dans nos villes. Nous nous sommes donc beaucoup intéressés aux maraîchers de Paris au XIXe siècle, aux jardins ouvriers qui sont apparus à la fin du même siècle, aux guérillas jardinières ou encore au concept de permaculture pour nous inspirer et inventer des moyens d’action au sein de nos métropoles.

Enfin, la mutation est au cœur de notre collectif. J’aime parler de l’aventure de Merci Raymond comme d’un jardin en permaculture. Dans ce type de jardin, l’objectif est d’inventer la meilleure association possible entre les cultures pour que chaque légume ou fruit planté puisse avoir un effet positif maximal sur ce qui l’entoure. C’est exactement ce que nous avons cherché à faire tout au long de notre expérience. Nous nous sommes entourés de créatifs compétents (architectes, designers, paysagistes, etc.) pour créer un système vertueux. Nous avons alors pu mettre en œuvre des projets de plus en plus importants tels que la Cité Universelle du Handicap (un parcours agrothérapique bénéfique aux personnes handicapées grâce à ses plantes), ou encore Innovapark, le futur quartier productif de Mantes.