Republication du 13 février 2020
Voilà plus de dix ans qu’Henri Deshays est installé aux États-Unis. Arrivé en tant qu’étudiant à Stanford, l’investisseur a créé l’accélérateur de la prestigieuse université avant de devenir associé du fonds français Newfund à Palo Alto, au coeur de la Silicon Valley. Depuis, il écume le pays pour dénicher les pépites qui bousculeront l’économie demain. L’occasion de constater à quel point les marchés français et américain restent profondément différents, bien qu’en constante évolution.
« L’idée d’implanter Newfund aux États-Unis était au départ de pouvoir importer les bonnes pratiques américaines en France, souligne ainsi Henri Deshays. D’abord, la rapidité. En France, il y a quelques années, les fonds qui investissaient dans les startups étaient les fonds ISF. Ils étaient structurellement très lents. Aux États-Unis, les investisseurs respectent le temps de l’entrepreneur et le valorisent à sa juste valeur. Il y a une forme de transparence qui n’existe pas encore en France. »
Très vite, François Véron, cofondateur de Newfund, a « anticipé la sur-offre de capital » qu’on constate aujourd’hui, ce qui aboutit à une concurrence accrue entre les fonds pour déceler les futures licornes. Le but ? Identifier les « profils exceptionnels« , capables de porter une entreprise au firmament ; un processus dont Newfund s’est fait une spécialité, notamment grâce à son expérience dans la Valley. « L’écosystème de la Silicon Valley est darwiniste : une startup qui ne génère pas de revenus ne peut pas survivre, contrairement à la France où une startup early stage bénéficie de subventions. »
On ne va pas dans la Valley comme à Disneyland (en tout cas, on ne devrait pas)
L’investisseur loue donc l’ambition de la nouvelle génération d’entrepreneurs français qui voient beaucoup plus rapidement que leurs aînés l’importance de décoller à l’international. « Au-delà de la coolitude de l’entrepreneuriat, ils ont une certaine passion à solutionner des problèmes« , se réjouit-il encore. Mais attention, à trop vouloir se rapprocher du soleil, on se brûle. Henri Deshays fustige ainsi cette (mauvaise) habitude des entrepreneurs français « d’aller dans la Silicon Valley pour de mauvaises raisons« .
Car non, la Valley n’est pas the place to be… en tout cas pas pour tous ! « Quand on n’a aucun client sur place et qu’on n’a pas encore démontré qu’on fait partie de l’écosystème américain, il n’y a aucun intérêt à aller chercher des capitaux dans la Silicon Valley« , tranche-t-il. Avis à ceux qui font de la région « une sorte de Disneyland » en jouant les touristes…
Mais la concentration de capitaux dans la Valley ne contribue-t-elle pas à en faire un passage obligé ? Loin de là, réplique Henri Deshays. « Plus les capitaux se concentrent et plus la Silicon Valley devient chère. Et plus elle devient chère, moins cela vaut le coup d’y aller. » Il encourage les entrepreneurs à plutôt profiter des écosystèmes régionaux thématiques aux États-Unis pour faire décoller leur startup.