Tribunes par Julien Lesaicherre
9 août 2021
9 août 2021
Temps de lecture : 5 minutes
5 min
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Isolement au travail : quel rôle pour les dirigeants ?

Aujourd'hui, l'heure est à l'hyperconnexion et aux interactions multiples. Alors que nos façons de travailler sont bousculées par une nette transformation numérique à laquelle aucun secteur n'échappe, leur évolution drastique n'empêche pas l'isolement professionnel de gagner du terrain.
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Republication d'un article initialement publié le 7 septembre 2020

Pendant le confinement, 95% des organisations ont eu recours au télétravail pour les collaboratrices et collaborateurs éligibles, et à la sortie du confinement, une majorité des salarié·e·s ont affirmé vouloir continuer à travailler à distance. Pourtant, 30% des télétravailleuses et télétravailleurs confinés estiment que leur santé psychologique a été dégradée. Cela peut s'expliquer notamment par le risque d’isolement que le travail à distance provoque ; s'il était déjà présent pour le télétravail régulier, il peut être renforcé dans la situation exceptionnelle actuelle. Mais si l'on a plutôt tendance à associer la solitude au télétravail, les salarié·e·s entourés de collègues et qui se rendent au bureau tous les jours peuvent eux aussi être touchés par ce sentiment d'isolement. L'absence d'interactions directes a un impact négatif sur la sensation de bien-être au sein de l'entreprise et par extension sur la performance au travail.

Le résultat d'une mauvaise communication ou d'un management inadapté

L'année dernière, le baromètre Paris Workplace révélait qu'environ 60% des salarié·e·s franciliens se sentaient parfois isolés au travail et 25% se sentaient coupés des autres. Ce mal-être, qui constitue une préoccupation majeure dans le domaine de la santé mentale au travail, est souvent le résultat d'une communication interne insuffisante ou inappropriée, et dont l'importance réside pourtant dans l'amélioration de la collaboration et la favorisation les échanges. Stratégique, il n'est pourtant plus à prouver que cette compétence est le socle d'un climat social sain, fédérateur et motivant. Lorsqu'elle n’est pas au rendez-vous et que ce manque de communication est accompagné d'un management inadapté, les salarié·e·s peuvent faire face à des situations où des pathologies peuvent se créer et s'intensifier : sommeil agité, tension, dépression ou encore perte d’intérêt dans le travail en sont les risques logiques.

Le turn over, qui nuit en externe à l’image de l’entreprise, peut aussi entraîner en son sein l’apparition de ce sentiment d'isolement. Un·e salarié·e peut en effet avoir l'impression de perdre toutes ses ressources d'échanges et d’entraide mais également ses repères lorsqu'il voit plusieurs de ses collaboratrices et collaborateurs quitter l'entreprise en peu de temps. Le sentiment de bore out, le retrait des principales missions, la disparition des pauses avec les collègues ou des espaces de discussion constituent eux aussi des facteurs néfastes dans la descente vers une situation d’impasse menant parfois à une situation d'isolement.

L'importance de retisser le collectif

Si le télétravail multiplie par deux le sentiment d'isolement, cela s’explique par l'impression qu'ont les salarié·e·s concernés d'être coupés de la société. Il est donc tout d'abord primordial pour les dirigeants, en plus de soutenir quotidiennement leurs équipes face à leurs difficultés, de privilégier les échanges par vidéo pour ré-harmoniser et ré-humaniser la relation. En effet, les salarié·e·s qui échangent en face à face avec plus de trois collègues par jour sont presque deux fois moins nombreux à souffrir de solitude. Ainsi, que cela soit pour diffuser des annonces internes, faire des formations ou intégrer de nouveaux arrivants, la vidéo en direct donne la possibilité aux équipes de se connecter de visu, et ce peu importe leur situation géographique.

Promouvoir le travail collaboratif passe également par une attention portée à la fréquence du travail en équipe. Il est indéniable que les avantages de ce mode de travail sont nombreux, mais ses résultats ne peuvent être aussi concluants qu'à condition d'utiliser des solutions adaptées. À la différence des outils de communication descendants, les outils collaboratifs permettent notamment aux employé·e·s de comprendre leur rôle dans l'organisation et de collaborer avec les autres de manière rapide et efficace. Tous les collaborateurs, quels que soient leur situation géographique, leur poste ou leur niveau hiérarchique, peuvent y accéder partout et en tout temps, et les travailleurs nomades de l'entreprise peuvent ainsi facilement se mettre au diapason avec le reste de l’équipe.

La nécessité de repenser les espaces de travail

Afin d'encourager une atmosphère conviviale sur le lieu de travail, l'espace de travail physique doit lui aussi favoriser l'interaction. Repenser ce dernier peut aider à insuffler une dynamique collaborative, et l'aménagement des bureaux est clé dans la qualité de vie au travail. Les salariés qui échangent le plus et qui entretiennent de bonnes relations avec leurs collègues disposent en effet plus souvent d'espaces de détente et de convivialité dans leurs bureaux, mais aussi d'espaces destinés à travailler en mode collaboratif. Ces derniers seront d’autant plus importants dans un contexte où les salariés devront s'éloigner socialement et qu'un bon nombre d'entreprises organise le retour au travail par roulement.

Par ailleurs, d'après une étude OpinionWay et CD&B, 53% des salarié·e·s seraient hésitants ou refuseraient franchement d'abandonner leur open space pour un bureau individuel. Mais si les salariés français sont 74% à considérer que des espaces de travail partagés permettent de renforcer l'esprit d’équipe, ils ne sont que 42% à considérer que leur espace de travail actuel favorise le travail collaboratif. Cela montre que le plus important est de donner aux employés le choix dans la conception de leur espace, en leur présentant toutes les alternatives disponibles, afin d'aligner valeurs de l'entreprise et attentes des salariés.

Finalement, l'enjeu pour les entreprises est de créer de la relation en tissant une dynamique de coopération et d'œuvre commune, surtout dans cette période où elles réenvisagent leur organisation de travail sur le long terme et où elles encouragent davantage le télétravail. Ce travail organisationnel de longue haleine ne doit pas toujours prendre en charge les salariés individuellement mais doit les encourager à faire des choix et agir en pensant collectif. Au delà de l’obligation légale qu’elle représente, la prévention des risques psychosociaux est l'affaire de tous et doit être imbriquée dans notre quotidien de travail, dans une philosophie de la vigilance et de l'ouverture à l’autre.

Julien Lesaicherre est directeur commercial de Pigment et ex-directeur Monde de la plateforme Workplace de Facebook