11 février 2022
11 février 2022
Temps de lecture : 5 minutes
5 min
16720

L’entrepreneur derrière les robots Pepper et Nao se relance avec Enchanted Tools

Jérôme Monceaux a co-créé les robots humanoïdes Pepper et Nao, depuis tombés dans l’escarcelle du géant Softbank. Ces derniers ont accru l’intérêt pour les machines, jusqu’à dessiner la façon dont elles peuvent être exploitées. En 2021, l’entrepreneur a choisi de repartir à zéro en fondant Enchanted Tools afin de concevoir un robot plus abouti.
ÉCOUTER L’ARTICLE
Temps de lecture : 5 minutes

C’est l’un des créateurs des fameux robots Pepper et Nao. Jérôme Monceaux, qui a participé à la fondation en 2005 de la pépite française de la robotique Aldebaran, depuis rachetée par le conglomérat japonais Softbank, entend capitaliser sur "les dix ans de savoir-faire" qu’il a au compteur. L’entrepreneur a discrètement créé une nouvelle société, en 2021. Enchanted Tools, c’est son nom, est née de sa volonté de "se concentrer sur les aspects techniques qui faisaient défaut dans les projets portés chez Aldebaran". "Les notions d’interactivité, de navigation et de saisie des objets sont au cœur de ce nouveau concept" , explique-t-il à Maddyness, confiant avoir estimé qu’il aurait "davantage de chances de réussir en repartant à zéro". Car c’est bien un tout nouveau robot humanoïde, "plus performant sur des tâches mieux définies" , que cherche à mettre sur pied la jeune pousse qui a bouclé début février 2022 une levée de 15 millions d’euros en amorçage auprès d'une poignée de business angels.

Un processus créatif en plusieurs étapes

Jérôme Monceaux assure avoir "délibérément choisi" de restreindre les capacités de son futur robot : "Je suis fier de ce que nous avons réussi à faire avec Pepper et Nao. Il fallait passer par là pour déterminer les limites de l’exploitabilité de ces machines. Des fois, on a pu aller trop loin dans le développement de certaines fonctionnalités, d’autres pas assez. Mais, au bout du compte, cela a permis de trouver un équilibre." L’entrepreneur aime ainsi à dire que son nouveau concept sera "moins ambitieux, mais plus efficace" que ses aînés. Le robot d’Enchanted Tools, qui s'appellera Miroka, évoluera dans un environnement social avec des utilisateurs non entraînés et peu habitués à l’interaction avec la machine. "Il n’est plus question de jouer aux échecs avec eux, l’expérience serait déceptive, note le dirigeant. Nous faisons le choix d’une technologie de pointe, avec un robot pertinent dans les besoins réels et doté d’excellentes capacités de préhension pour déplacer des objets."

Pour concevoir l’appareil, Enchanted Tools traversera plusieurs étapes indissociables de la robotique humanoïde. La conception du personnage (character design) vise, en premier lieu, à déterminer la façon dont la machine se définit. "Celle de Boston Dynamics tend à faire peur aux gens" , relève Jérôme Monceaux, qui précise travailler avec divers artistes dans le but de "trouver un style qui correspond à l’univers narratif" que tente d’insuffler sa société dans le projet. Le nom de cette dernière vient d’ailleurs de la volonté du fondateur de "rendre son côté merveilleux au travail du quotidien". Comprendre par là que les futurs robots collaboreront avec divers professionnels dans les hôpitaux, restaurants, hôtels ou grandes entreprises, afin de les délester de leurs tâches les plus simples et chronophages. "Il y a un intérêt social à ce que les infirmières passent davantage de temps auprès des patients qu’à multiplier les allers-retours pour récupérer des médicaments" , pointe l’entrepreneur.

Anticiper l’industrialisation et la production

Une fois le personnage défini, le travail commence sur le logiciel. Il s’agit alors d’arrêter le comportement à faire adopter au robot en lui-même, mais également de perfectionner les systèmes de sécurité et de communication. "Les utilisateurs s'attendent à pouvoir interagir avec lui par le biais de la voix comme des mouvements" , relève Jérôme Monceaux, qui met notamment en avant la nécessité d’optimiser le recours au cloud. Ce n’est qu’à partir de ce stade que les travaux sur le hardware, à savoir l’électronique et la mécanique, ne se déroulent. "Certains des composants dont nous aurons besoin existent déjà" , précise le dirigeant, qui n’exclut pas de recourir aux produits de startups tierces dans les prochains mois. Ce qui permettra alors d’engager les phases d’industrialisation, puis de production.

"On estime que 150 millions d’euros seront nécessaires pour réaliser l’intégralité du projet, indique le dirigeant, qui entend procéder par étapes pour ce qui est du financement. Nous venons de lever 10 % de cette somme pour faire passer notre équipe d’experts de 35 à 80 personnes d’ici à la fin 2022." À cette date, le chantier de conception s’achèvera avec la présentation d’un premier prototype de la machine – des visuels seront rendus publics en amont. Au terme de l’industrialisation, espérée courant 2023 et pour laquelle une série A de plusieurs dizaines de millions d’euros est envisagée, Enchanted Tools enclenchera la production. Cette dernière sera, pour sa part, adossée à une série B qui devra notamment permettre de fabriquer le robot en France ou en Europe. "Les machines étaient produites en Chine, il y a quelques années. L’écosystème européen est aujourd’hui suffisamment dynamique" , estime Jérôme Monceaux, également à la tête de la startup Spoon qui crée des personnages d’animation interactifs et dont le travail sur l'intelligence artificielle lui a servi de rampe de lancement pour Enchanted Tools.

L’entrepreneur, qui dit songer à la possibilité de "se fédérer avec d’autres acteurs" dans le but de "mutualiser des moyens de production" pour contrer les lacunes persistantes de la France en la matière, vise "par nature un marché mondial". S’il se refuse à communiquer un objectif chiffré d’unités produites à horizon 2030, Jérôme Monceaux revendique être extrêmement ambitieux. "Nous sommes, quelque part, en territoire inconnu. Un amorçage si important et si rapide après une création d’entreprise, c’est assez rare. Nous ne sommes pas dans les canons des startups, du fait de la démesure de notre attaque" , veut croire le dirigeant, assurant vouloir par là se donner les moyens de "s’inscrire dans l’héritage si particulier de la robotique française".

Partager
Ne passez pas à côté de l'économie de demain, recevez tous les jours à 7H30 la newsletter de Maddyness.
Légende photo :
Thomas Raffoux