12 février 2022
12 février 2022
Temps de lecture : 4 minutes
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Mila, le jeu musical qui améliore le parcours de soins des enfants « dys »

Avec son application, la startup propose un outil ludique de rééducation pour les enfants mêlant musique, neurosciences et numérique.
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© Mila

Article initialement publié le 27 octobre 2021

En France, 6 à 8% de la population est touchée par des troubles " dys ", selon les chiffres de la Fédération française des Dys. Dans une classe, on estime que 4 à 5% des élèves sont dyslexiques, 3% dyspraxiques - troubles du développement moteur et des fonctions visuo-spatiales - et 2% dysphasiques - troubles du langage oral. " Un tas de professionnels de santé font un travail exceptionnel pour aider ces patients, mais on est aujourd’hui dans un goulot d’étranglement sur leur prise en charge à cause de la pénurie d’orthophonistes " , estime François Vonthron, créateur de la solution thérapeutique Mila.

C’est donc en complément de ces soins que l’entrepreneur a créé Mila, une application ludique issue de Polytechnique, qui propose des outils de rééducation des enfants ayant des troubles spécifiques d’apprentissage et du langage (TSAL) par la musique. " Notre outil peut servir entre deux sessions de rééducation chez l’orthophoniste, mais permet aussi d’initier une rééducation précoce en attendant une prise en charge professionnelle, qui peut être parfois très longue à venir, poursuit François Vonthron. L’idée est d’ajouter un maillon dans le parcours de soin, pour densifier la rééducation par le jeu, à la maison, pour l’enfant ". 

La musique et le rythme comme thérapie

Pourquoi utiliser la musique comme thérapie ? " Elle chevauche certaines zones du langage dans le cerveau, en particulier chez les enfants porteurs de troubles dys. La musique permet d’agir sur la séquence des syllabes, des mots, mais aussi leur compréhension et leur sens, répond l’entrepreneur. Que le trouble soit lié à la phonologie ou auditif, faire travailler par le rythme et la musique a un réel impact sur les compétences de lecture de l’enfant, et des dizaines d’études à travers le monde ont déjà montré l’intérêt d’entraînements et jeux rythmiques sur ces troubles ". 

Le vrai challenge de Mila consiste à savoir dans quelle mesure un outil numérique - sur tablette ou smartphone - peut être efficace. " Nos premiers résultats sont encourageants, mais on essaie d’aller vraiment dans le détail pour savoir si une application permet de reconstruire les mêmes résultats que dans les interactions humaines ", explique l’entrepreneur. Et comme le but n’est pas de laisser les enfants pendant de trop longues périodes sur les écrans, l’application se bloque automatiquement au bout de 25 minutes de jeu.

Un autre enjeu repose sur l’engagement des enfants. " Les patients en général se désengent très rapidement, on le voit déjà chez les adultes qui ne prennent pas leurs médicaments par exemple, et c’est encore plus complexe quand on s’adresse à des enfants, explique François Vonthron. C’est aussi pour ça qu’on a travaillé sur l’aspect de la pédagogie par le jeu et qu’on a mené plusieurs études afin de voir comment les enfants s’appropriaient les outils. Nos résultats sont excellentes parce que les jeunes participants revenaient 3 à 4 fois par semaine sur l’application spontanément et sans pénibilité ". 

Pour faire la démonstration de son efficacité sur les capacités de lecture, la startup est en phase d’essai clinique de phase 3, en partenariat avec La Pitié Salpêtrière (AP-HP) et Lillab (Living and Learning Lab Neurodéveloppement). " Le but est de créer un outil non stigmatisant pour l’enfant, validé cliniquement, prescriptible par les professionnels de santé et remboursé par la sécurité sociale ", résume François Vonthron. Si ce n’est pas encore le cas, Mila a déjà noué un partenariat avec la MAE (Mutuelle assurance de l’éducation) dans le cadre d’un programme de recherche sur la prise en charge des troubles Dys.

Soutien de l’Etat

Et certains signaux laissent à penser que la startup est en bonne voie pour atteindre ses objectifs. Après une levée de fonds de 4 millions d’euros début 2021 auprès de Kurma Partners, BNP Paribas Développement et Bpifrance, la startup est lauréate de l’appel à manifestation d’intérêt " santé numérique " du gouvernement. " Avec le plan de relance, la France accélère sur la santé numérique et investit massivement sur le développement de technologies dans la santé, se réjouit l’entrepreneur. Nous sommes retenus parmi les trois projets considérés comme prioritaires, ce qui va nous permettre de bénéficier de financements de l’Etat, de gagner du temps sur notre développement et d’être identifiés par des acteurs clés pour accélérer la validation de notre outil comme dispositif médical ". 

En plus de l’étape majeure de la certification de son produit, Mila espère pouvoir rapidement exporter son dispositif à l’international. " Nous avons un pied aux Etats-Unis depuis longtemps, puisque nous avons commencé à faire murir le projet quand j’étudiais encore à Berkeley, conclut François Vonthron. Si notre R&D restera en France, nous voulons déployer notre outil à l’international pour garder la longueur d’avance qu’a notre dispositif médical aujourd’hui ".