Malgré une croissance en 2022, les derniers chiffres de l'intérim se dégradent en 2023 : sur les quatre premiers mois de l'année, l'emploi intérimaire est en baisse de 2,7 % (par rapport à la même période de 2022). La tendance générale se confirme en juillet 2023 avec une baisse de 2,3 % par rapport à juillet 2022. Comment expliquer ce ralentissement ? « L’intérim est toujours le premier marché à se rétracter quand l’économie est moins dynamique », alerte Stéphanie Delestre, fondatrice de Qapa, startup spécialisée dans l’intérim digital appartenant au groupe Adecco. Selon elle, cet infléchissement s’explique en grande partie par l’incertitude des entreprises alors que les indicateurs économiques sont dans le rouge… La Banque de France table sur 0,6 % de croissance du PIB pour 2023.

Iziwork, plateforme d'intérim digitale créée en 2018, a récemment été mise en redressement judiciaire alors que sa situation financière se dégrade : le montant de la dette de TVA et d’Urssaf atteint 16 millions, sans compter le remboursement de son prêt PGE et ses dettes bancaires, soit un reliquat de 10 millions d’euros. Autre point légal inquiétant : Iziwork s’est vu rompre la caution accordée par Atradius. Pour rappel, le cadre légal oblige une agence d'intérim à disposer d'une caution apportée par un tiers qui correspond à 8 % de son chiffre d’affaires annuel afin d’assurer le paiement des intérimaires (50.000 dans le cas d’Iziwork pour des clients tels que Carrefour, Fnac-Darty et Casino). « L’entreprise a levé 55 millions d’euros. Mais lorsque les investisseurs ne veulent plus suivre, le cash n’est plus là. Cela devient très problématique quand on repose sur ce modèle », avertit Stéphanie Delestre.

En effet, selon le baromètre EY du capital-risque dévoilé lundi 10 juillet 2023, l’écosystème startup n’a levé que 4,3 milliards d’euros sur le premier semestre, soit une baisse de 49 % en valeur par rapport à la même période en 2022. La French Tech ferait-elle face à un tarissement de la corne d’abondance ?

Intérim digital : les stratégies émergentes pour garder le cap

Ce faisceau d’événements exhorte les startups du secteur à repenser leur stratégie ainsi que leur modèle. Comment ? Pour assurer sa pérennité, Iziwork attend un repreneur solide : Adecco et Proman - qui était avant la procédure judiciaire le principal intéressé - se sont manifestés. En 2021, Adecco avait déjà fait l’acquisition de Qapa : « C’était une belle reconnaissance de notre travail en tant que startup, mais aussi une opportunité unique de nous développer », explique Stéphanie Delestre. Dans la même veine, Randstad s’est offert Side en 2022. Autre stratégie adoptée : la spécialisation dans des secteurs porteurs comme Asap.work, une plateforme qui permet aux entreprises dans la construction de trouver rapidement des travailleurs intérimaires.

« Des études indiquent que le secteur a besoin de 2 millions de nouveaux travailleurs avant 2030. De plus, il a besoin de 1,2 million de travailleurs supplémentaires pour remplacer une partie de sa main-d'œuvre vieillissante », souligne Jeroen Arts, associate partner chez Speedinvest, le fonds qui a investi dans cette startup. Côté modèle, des pistes se profilent pour tester un modèle hybride plus pérenne, mêlant digitalisation et agences. C’est le parti pris de Mistertemp' Group : la startup leader de l’intérim digital s’adosse à une application numérique tout en maintenant une présence physique grâce à un réseau de plus de 120 agences réparties sur le territoire français.