En matière d'exit dans la tech, deux options ont largement prédominé ces dernières années. La vente à des acquéreurs stratégiques d'une part (M&A) et l'ouverture d'un processus d'introduction en Bourse (IPO) d'autre part. Et pour preuve : entre 2006 et 2010 ces deux options représentaient respectivement 75 % et 17 % des sorties des entreprises européennes ayant levé plus de 5 millions d'euros.

Mais depuis ces dix dernières années, le nombre de startups financées par le capital-risque qui ont opéré une sortie avec des fonds de private equity a enregistré une croissance significative, d'après le dernier rapport de la banque d'affaires Clipperton. Entre 2021 et 2023, les opérations menées par les fonds de capital-développement (PE) ont représenté 24 % du total des sorties, contre 8 % seulement entre 2006 et 2010. Une tendance d'autant plus marquée chez les pépites du logiciel dont la valorisation dépasse les 30 millions d'euros, où le private equity représente 80% du volume total des sorties réalisées en 2022.

L'imaginaire traditionnel de l'exit entrepreneurial remis en cause

« Le plan-type d'exit consistant à croître vite puis conclure une fusion-acquisition pour finaliser son exit est progressivement en train de disparaître, affirme Antoine Ganancia, associé chez Clipperton. La réalité reste que les startups européennes qui ont réussi dans cette voie sont peu nombreuses et ont pour la plupart déplacé leurs activités aux Etats-Unis, là où leurs plus gros investisseurs sont situés ».

Ainsi, une nouvelle manière de concevoir l'exit émerge et le private equity présente plusieurs avantages pour les entrepreneurs et les capital-risqueurs. Selon Clipperton, cela permet de garantir plus d'indépendance aux entrepreneurs mais également plus de chances de succès de l'opération et une meilleure stabilité dans la structure du capital. C'est enfin un moyen d'accéder à de nouvelles sources de liquidité à la fois du côté des entreprises et de leurs actionnaires.

La rentabilité comme nouveau facteur différenciant

Pour attirer les fonds de private equity, les startups doivent faire valoir leur maturité et leur capacité à délivrer des projections de rentabilité claires. Cela nécessite donc une meilleure stratégie de gestion des dépenses et une croissance solide soutenue notamment par une base de clients fidèles. La qualité de la gestion opérationnelle et du leadership va également jouer un rôle crucial pour convaincre les investisseurs. « La contraction des investissements en cours sur le venture capital bénéficient surtout aux entreprises rentables ou à l'équilibre, commente Antoine Ganancia. Tous les fonds de venture capital et les entrepreneurs de la tech qui ont réalisé des opérations de croissance en 2020 et 2021 ont aujourd'hui besoin de cet exit pour accéder à des liquidités. Et il s'avère que les fusions ou acquisitions restent aléatoires et dépendent grandement de l'intention des grands industriels. »

Ce dernier prévoit que le retour en force des indicateurs de rentabilité va offrir davantage d'opportunités aux fonds de private equity de s'investir sur des exits. Antoine Ganancia prédit que ce type d'opération devrait représenter le tiers, voire la moitié des sorties d'ici 4 à 5 ans. En effet, les pépites montantes qui souhaitent s'attaquer au marché américain pour s'internationaliser auront de plus en plus besoin de passer par l'intermédiaire du private equity avant d'y parvenir. Cela permet par exemple de racheter d'abord ses concurrents européens afin de maximiser ses chances d'attirer l'attention des grands groupes et investisseurs de l'autre côté de l'Atlantique.

Néanmoins, malgré la montée en puissance de la sortie financée par le capital-risque avec un fonds de private equity, Clipperton tient à rappeler que cette opération demeure complexe et doit être accompagnée par l’intermédiaire d'experts comme des banquiers d’affaires, des avocats spécialisés ou encore des membres de conseils d’administration.