Le fonctionnement des obligations convertibles en actions (OCA)

Les obligations convertibles en actions (OCA) sont des outils financiers permettant l'ouverture du capital à des investisseurs extérieurs. Concrètement, l'entreprise émet des obligations que l'investisseur peut acheter pour devenir créancier de la société émettrice. Ce dernier devient porteur d'obligations qu'il peut décider d'échanger contre des parts de l'entreprise en question. Ces OCA sont donc assorties d'une date d'échéance fixée pour le remboursement du prêt et d'un taux d'intérêt.

Ce prêt se rembourse de deux manières : en numéraire ou bien en actions dans l'entreprise. La première est souvent plébiscitée lorsque les titres détenus ont perdu de la valeur et la seconde lorsque la croissance est au rendez-vous. Mais si le nombre de personnes pouvant accéder aux obligations convertibles d'une entreprise est sans limites, ce levier de financement ne reste pas ouvert à tous. En effet, il ne peut être mobilisé uniquement par des sociétés par actions type Société Anonyme, SCA, SAS… De la même manière, les jeunes pousses fondées il y a moins de deux ans doivent recevoir de la part du président du tribunal de commerce la désignation d'un commissaire chargé d'éplucher leurs comptes (actif et passif). 

Autre point à savoir : il n'y a aucune limite au pourcentage de capital que l'entreprise souhaite attribuer, ni de durée minimale légale imposée dans le contrat d'émission. La société peut néanmoins définir une période pendant laquelle la conversion n'est pas possible. D'autres conditions suspensives peuvent être inscrites comme celle de réalisation d'objectifs (réalisables) par l'entreprise.

« On remarque depuis l'année dernière un regain d'intérêt pour ces mécanismes étant donné que les levées de fonds mettent plus de temps à se clôturer », constate Elhame Hmaimid, Partner chez Bold. Au total, une dizaine de demandes d'obligations convertibles lui ont été soumises depuis le début de cette année. « Les entrepreneurs sont plus nombreux à solliciter leurs investisseurs existants à remettre au pot dans le cadre de bridges », ajoute-t-elle. Le bridge étant une étape intermédiaire qui permet de mettre de l'argent à disposition en attendant une nouvelle levée. 

« Les OCA permettent de repousser les discussions autour de la valorisation à un moment où le marché pourrait être en meilleure forme, complète Stéphane Bourbier, fondateur et CEO d'Asterion Ventures. Tout est lié à l'évolution des taux d'intérêt à la Banque centrale européenne (BCE) et tout le monde les suit de près ». Ce dernier explique que les taux dans le cadre d'OCA se cantonnaient généralement autour des 7% « mais sont aujourd'hui plutôt autour des 10 et 15% ». 

Les avantages des obligations convertibles en actions

Kamal Naffi, Associé chez Archers Paris, remarque aussi une recrudescence des obligations convertibles. « C'est un investissement hybride, qui présente le double avantage de permettre à leur titulaire d’accéder à la qualité d’actionnaire et aux résultats de l’entreprise par le biais de la conversion des obligations en actions, tout en préservant sa qualité de créancier externe de la société en amont de cette même conversion », précise-t-il.

Tant que ses obligations ne sont pas converties, l'investisseur n'est pas associé et limite ainsi sa prise de risques. Et dans le cas d’un défaut de paiement, les OCA permettent de solliciter un remboursement en cash plutôt qu’une conversion en actions (notamment par l'intermédiaire d'une prime de non-conversion), réduisant ainsi son exposition au risque de perte de capital. 

L'entreprise émettrice y tire aussi des avantages, notamment en termes de dilution de capital, qui reste forcément reportée. Tant que le processus de conversion des OCA n'est pas enclenché, elle reste libre de ses choix, sans avoir à rendre des comptes à ses prêteurs. Ce n'est néanmoins plus le cas une fois l'échéance passée : l'entreprise perd à ce moment le choix de vendre des actions à leur valeur réelle, sa croissance n'est plus prise en compte et la conversion des obligations est fixée à partir de la valeur initiale prévue au moment de l'attribution du prêt.

« Bpifrance accorde aussi des obligations convertibles avec un horizon de temps maximum, notamment pour les startups industrielles, ajoute Stéphane Bourbier. Ces dispositifs peuvent intervenir sur les tours ultérieurs, notamment à partir de la série B, au même titre que les outils précieux de venture debt de la banque européenne d'investissement ». À ce titre, Bpifrance a lancé en 2019 le fonds French Tech Seed pour financer des jeunes startups par le biais d’obligations convertibles mais aussi French Tech Bridge au début de la crise sanitaire pour venir au secours des startups de moins de 8 ans.

Les inconvénients des obligations convertibles en actions

Si la conclusion d'OCA a le mérite d'être rapide - en moyenne 3 semaines - il faut tout de même prendre en compte les risques de dilution en cas de conversion lors de la prochaine levée de fonds, compte tenu des taux appliqués aux obligations et de la décote dont elles bénéficient sur la valorisation de ladite levée. Il faut également, selon Elhame Hmaimid, s'assurer « si on souhaite maitriser sa dilution, d'être en capacité de rembourser ces obligations car cela peut coûter très cher, surtout si une décote survient au prochain tour ».

L'attribution d'une prime de non-conversion spécifique est possible pour convaincre les investisseurs de ne pas convertir leurs obligations - si la trésorerie le permet. A contrario, le remboursement en numéraire peut avoir pour effet d'appauvrir encore plus les fonds propres de la société et peut signifier que les investisseurs ont perdu confiance dans l'entreprise. Si aucune augmentation de capital n'intervient d'ici là, « des formes de sanctions sont prévues et cela peut abîmer la table de capitalisation de la startup », prévient Stéphane Bourbier. 

« Ces clauses se heurtent bien souvent à la réalité financière des startups, qui n'ont pas la trésorerie nécessaire pour procéder à un remboursement en cash, notamment lorsque le tour de financement initialement prévu ne s’est in fine pas réalisé », prévient Kamal Naffi. « La validité de certaines clauses de remboursement anticipé peut d’ailleurs être contestée en cas d’ouverture de cessation de paiement ou d'une procédure collective à l’encontre de la société émettrice ».

« Les investisseurs prennent un risque supplémentaire car les taux appliqués dans le cadre des obligations sont souvent des taux d'intérêt capitalisés à l'année jusqu’à la conversion de leurs obligations lors d’un tour de financement », complète Elhame Hmaimid. Et donc logiquement, en l’absence de conversion des obligations, les primes de non-conversion prévues sont assez conséquentes, pouvant atteindre les 15%, d'autant plus que le délai de conversion est réduit à 1 ou 2 ans, contre 3 à 5 ans auparavant. 

Du point de vue des startups, le manque de cash ne les place pas dans les meilleures conditions pour négocier une éventuelle levée de fonds, voire un exit. Et au vu du contexte, les investisseurs ont tendance à vouloir renégocier des conditions d'actionnariat plus rigides, notamment sur les liquidités préférentielles ou les termes du pacte d'associés futur. 

« Aujourd'hui, même les startups en bonne santé font face à des délais de levée très longs, décrit Elhame Hmaimid. Il y a un changement de paradigme : on avait tendance à privilégier l'hypercroissance en occultant la rentabilité mais c'est l'inverse qui se généralise ». Ainsi, la rentabilité à court terme est davantage imposée par les investisseurs et le succès n'est dorénavant plus corrélé au montant de la valorisation. Ce qui devrait produire un « assainissement bienvenu du marché qui favorise la création d'entreprises plus robustes ».

 « L'âge d'or de la French Tech durant lequel les valorisations de sociétés étaient trop peu challengées semble révolu pour l’écrasante majorité des secteurs d’activité, conclut Kamal Naffi. Le recours à des obligations convertibles constitue une réelle alternative au financement par voie de BSA AIR, en particulier dans un contexte de marché où le recours à la dette présente des avantages par rapport à un financement en equity ». Un « scénario de marché plus classique » qui pousse les entrepreneurs à patienter avant de lever des fonds, quitte à couper dans leurs dépenses pour retrouver le chemin vers la rentabilité.