Rien ne semble arrêter Pigment. Malgré la crise de financement qui frappe la tech, la startup française n’éprouve aucune difficulté à enchaîner les tours de table. Nouvelle illustration en ce début de mois d’avril avec une levée de fonds en série D de 145 millions de dollars menée par le fonds Iconiq Growth.

A cette occasion, les investisseurs historiques, à savoir IVP, Meritech et Felix Capital, ont remis au pot, tandis que Sandberg Bernthal Venture Partners, le véhicule d’investissement de Sheryl Sandberg, ancien bras droit de Mark Zuckerberg chez Meta, et de son mari, Tom Bernthal, fait son entrée au capital de la société tricolore.

Près de 400 millions de dollars levés

Ce nouveau tour de table permet à Pigment d’intégrer le cercle des licornes, ce que n’a pas manqué de souligner Marina Ferrari, la nouvelle secrétaire d’État en charge du Numérique, sur X (ex-Twitter). Si ces créatures magiques se font beaucoup plus rares depuis près de deux ans dans la French Tech, en raison de financements plus difficiles à décrocher, ce n’était qu’une question de temps pour que Pigment se transforme en licorne, au vu de son attractivité auprès des investisseurs.

La startup avait ainsi levé 25,9 millions de dollars en 2020, 73 millions en 2021, 65 millions en 2022 et 88 millions l’an passé. Au total, l’entreprise a ainsi reçu 393 millions de dollars depuis sa création pour financer son développement et s’imposer comme l’un des poids lourds de la French Tech. «C’est très encourageant de voir un tel intérêt à notre égard, mais ce ne sont pas des choses que nous célébrons», assure Éléonore Crespo, co-fondatrice de Pigment, auprès de Maddyness.

Vers un «co-pilote dans le processus de prise de décision»

Cette ancienne analyste chez Google s’est associée en 2019 à Romain Niccoli, co-fondateur de Criteo, pour lancer la société avec une ambition aussi simple que colossale : remplacer les traditionnels tableurs Excel dans les entreprises avec une solution de planification financière facile à prendre en main. Avec son approche, la startup française a tapé dans l’œil d’entreprises comme Unilever, Webhelp, Snowflake ou encore Keolis pour prendre des décisions stratégiques, comme pour lancer de nouveaux produits, débarquer sur de nouveaux marchés ou encore s’introduire en Bourse par exemple.

Si au départ la plateforme de Pigment s’adressait essentiellement aux directions financières des entreprises, la société a progressivement ajouté de nouvelles briques pour adresser les différents départements de ses clients, notamment les ressources humaines et le service commercial. «Tout ce que nous faisons d'un point de vue produit est conçu pour simplifier la prise de décision et augmenter l'agilité à grande échelle. Cela concerne tous les éléments du développement de produit, d'une expérience utilisateur alimentée par l'IA à l'innovation sur l'infrastructure, pour livrer les solutions évolutives et fiables que les entreprises attendent», explique Romain Niccoli, co-fondateur de Pigment.

Dans ce cadre, l’arrivée de la révolution de l’IA générative constitue une opportunité que la licorne tricolore entend bien saisir. «Dans les entreprises, l’accès à la donnée a toujours été un problème. En effet, ce n’est pas si simple de récupérer de la donnée pertinente. Mais l’IA bouleverse le paysage. Désormais, il est possible de poser n’importe quelle question financière à la plateforme. Cela donne de nouvelles perspectives aux équipes en charge des finances dans les entreprises. D’ici peu, l’IA générative va permettre de détecter les erreurs et d’optimiser les scénarios de croissance, bien au-delà de ce qui se fait à l’heure actuelle», estime Éléonore Crespo. «Jusqu'à présent, nos investissements en IA générative se sont concentrés sur l'aide aux utilisateurs pour obtenir des insights plus rapidement et construire des rapports plus efficacement. Notre vision est de proposer grâce à l'IA un véritable co-pilote dans le processus de prise de décision», complète Romain Niccoli.

50 % d’effectifs en plus d’ici fin 2024

La dirigeante, qui est d’ailleurs la seule du Next 40, a des raisons d’être optimiste alors que sa société sort d’une année 2023 durant laquelle elle assure avoir triplé ses revenus récurrents annuels et doublé sa base de clients à l'échelle mondiale. Une bonne traction portée notamment par la dynamique de croissance de l’entreprise outre-Atlantique. «Les États-Unis sont clairement notre marché n°1», précise ainsi Éléonore Crespo.

Si Pigment a fait ses armes en ciblant au départ les PME et des startups emblématiques de la French Tech, comme BlaBlaCar et ManoMano, la société veut maintenant passer la vitesse supérieure en signant davantage de grands comptes. Les recrutements de pointures comme Jay Peir (ex-Tableau), directeur stratégie monde, et Édouard Beaucourt (ex-Snowflake), responsable de la région EMEA, s’inscrivent d’ailleurs dans cette stratégie de structuration pour séduire des grands groupes.

Pigment va continuer à se renforcer de manière conséquente dans les prochains mois, puisque l’entreprise, qui compte environ 400 salariés aujourd’hui, prévoit d’augmenter ses effectifs de 50 %, notamment en recrutant des ingénieurs, d’ici la fin de l’année. Dans une période où l’heure est plutôt à la résilience dans la tech en attendant la baisse des taux d’intérêt, Pigment ne connaît décidément pas la crise.