Marina Ferrari marche dans les pas de Jean-Noël Barrot. Arrivée au nouveau secrétariat d’État dédié au Numérique lors du dernier remaniement, le 8 février 2024, la députée savoyarde a pris le temps d’approfondir les dossiers laissés par son prédécesseur : crise du financement de la tech, les enjeux de formation, la place des femmes dans l’écosystème… Le 28 mars, c’est sur la scène de l’auditorium du Palais Brongniart à la Maddy Keynote 2024 qu’elle a délivré sa première prise de parole en longueur pour présenter sa feuille de route.

«Bruno Le Maire m’a donné trois mots pour guider ma mission : innover, innover et innover», lance Marina Ferrari en introduction de son propos. La nouvelle ministre est volontaire et dynamique. Elle se lance d’ailleurs dans un Tour de France de la French Tech. Elle était à Mâcon le 5 avril, et avant cela à Grenoble, dans la Nièvre, à Strasbourg ou encore Lille. Et le chemin est long avant d’atteindre les objectifs fixés par le président de la République en 2022 : 100 licornes d’ici 2030 et 10 entrées en Bourse en 2025. 

« Notre écosystème est une chance »

Quand on l’interroge sur les forces du secteur de l’innovation et de la tech française, Marina Ferrari souligne son écosystème, fruit de plusieurs années de travail des pouvoirs publics et des entrepreneurs, main dans la main. Impossible de ne pas évoquer la French Tech, dont on a fêté les 10 ans en 2023 : «Notre écosystème est très riche et dynamique et a su tirer profit de notre potentiel d’innovation », souligne la secrétaire d’État. «Il faut continuer à le soutenir et à le structurer, c’est le travail engagé avec la mission French Tech depuis de nombreuses années.»

La French Tech, c’est notamment le programme ‘Je choisis la French Tech’ lancé par Jean-Noël Barrot en juin 2023, pour inciter les grands groupes et les acheteurs publics à se tourner vers les startups. «C’est un enjeu majeur aujourd’hui», mais il y a encore de la pédagogie à faire. Et Marina Ferrari commence par donner l’exemple : «Avec Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, nous avons récemment adressé ce message à tous les directeurs d’administrations centrales de l’État rassemblés à l’INSP.»

La France est également en pointe sur des sujets deeptech comme l’intelligence artificielle ou l’informatique quantique. «Nous sommes leader sur les technologies de rupture en Europe continentale : nous devons accélérer et conforter cette avance, sans jamais la considérer comme acquise», insiste Marina Ferrari. «Au niveau national mais aussi au niveau européen.» Il est vrai que la voix française est de plus en plus écoutée à un niveau supranational. La recherche française est également un atout à préserver et à encourager. «Nous sommes rentrés dans l’ère du transfert technologique, dans l’ère de la Deeptech et de la Greentech.» Les pépites françaises comme Mistral AI, Pasqal et Verkor en sont d’ailleurs la preuve.

Mais il y a encore des fragilités : «Il faut que nos chercheurs deviennent plus facilement des entrepreneurs. De la coopération entre recherche, investisseurs, pouvoirs publics et entrepreneurs dépend l’avenir de nos futurs champions et l’attractivité de la Tech française.» Marina Ferrari souligne aussi l’implication de l’État dans la recherche : «Nous avons des puissances de calcul publiques que nous mettons à disposition des chercheurs et des entrepreneurs. Nous avons vraiment créé un climat favorable à l’innovation depuis 2017 et nous allons poursuivre sur cette voie», explique-t-elle en citant les supercalculateurs Jean Zay et Jules Verne. «Nous avons investi un milliard d’euros dans les calculateurs.»

«Mon rôle, c’est de dire aux investisseurs ‘faites confiance aux startups !’»

Mais la crise de l’investissement en capital-risque pèse encore sur les startups françaises. Selon certains acteurs et experts, la crise ne se dissipera pas avant la fin de l’année en cours ou même en 2025. Aujourd’hui, les difficultés se concentrent sur les financements late-stage, à partir de la série B. «Dès qu’il faut scaler, nous voyons souvent arriver des capitaux étrangers», constate la secrétaire d’État. «Il faut arriver à dérisquer l’investissement tech dans l’esprit de nos investisseurs.» Avec plusieurs pistes de financement et notamment le deuxième volet de l’initiative Tibi. 

Tibi 2 représente, à date, sept milliards d’euros «qui nous permettront de lever jusqu’à 35 milliards d’euros.» Quelques voix dissonantes estiment pourtant que Tibi 2 n’a pas suscité le même engouement, ni bénéficié du même engagement politique que Tibi 1. Des critiques qui n’inquiètent guère la ministre. «Aujourd’hui, on tient les objectifs.» Marina Ferrari voit plus loin : «Je souhaite que l’on puisse déjà réfléchir à une troisième initiative. Il y a encore tout cet enjeu de mobilisation de l’épargne et d’aller convaincre les partenaires institutionnels, bancaires, assureurs de davantage nous accompagner.» Le message est passé.

Sur ce sujet, Marina Ferrari salue les mesures fiscales qui encouragent les particuliers à investir dans les startups comme l’IR-PME qui permet de défiscaliser, sous certaines conditions, ces investissements.

Beaucoup de volonté, des réflexions engagées mais peu d’annonces concrètes pour l’instant. Sur l’objectif de 10 entrées en Bourse l’an prochain, la secrétaire d’État au Numérique reconnaît que «cela me paraît compliqué, en tout cas pour cette année. Mais ce n’est pas parce qu’on décale un objectif qu’on ne le conserve pas.» L’IPO n’est plus l’objectif ultime des scale-ups, conscientes du poids du processus d’entrée. 

«Par mon parcours, j’ai démontré qu’on pouvait concilier entrepreneuriat numérique et engagement politique. J’ai travaillé pendant plus de 12 ans dans des startups tout en poursuivant mon action politique locale. Cette complémentarité, je vais continuer à la mettre au service de la Tech qui a dans ses mains les emplois, la croissance et la souveraineté de notre pays pour les décennies à venir », disait Marina Ferrari à la Maddy Keynote 2024. À 51 ans, Marina Ferrari n’était pas encore connue du milieu de la tech et des entrepreneurs avant de prendre son poste. Installée à Bercy depuis presque deux mois, elle est au travail sur les dossiers et sur le terrain. Un bon point pour l’écosystème qui a plutôt salué ses premières interventions, sans rupture avec les travaux déjà engagés.