Proposer une alternative à l’enfouissement et à l’incinération des déchets non recyclables en les transformant en granulats pour les travaux publics et le BTP. C’est le procédé breveté par Neolithe. La startup qui a mis au point des fossilisateurs – des petites usines capables de broyer les ordures pour en faire « une farine de déchets », ensuite transformée en cailloux – a prouvé la pertinence de son concept grâce à une première ligne dans le Maine-et-Loire, à proximité de son siège. « Fossiliser une tonne d’ordures permet d’économiser une demi-tonne de CO2 », assure Nicolas Cruaud. A 28 ans, il a été élu meilleur jeune dirigeant de la tech en 2023 par le prix Ivy, pour avoir cofondé Neolithe. Une idée de son père, avec qui il s’est associé. Ancien tailleur de pierres, William Cruaud s’est inspiré de la fossilisation de la pierre de tuffeau pour imaginer des « fossilisateurs ».

Et le concept séduit, car la promesse est alléchante. « Notre procédé coûte le même prix que les autres solutions de traitements des ordures ménagères », promet Nicolas Cruaud, qui travaille avec les collectivités et les plateformes de tri pour la valorisation des déchets, et avec des industriels du BTP notamment, pour la commercialisation des granulats. La petite société qui n’employait encore que 10 salariés en décembre 2020 compte aujourd’hui 200 personnes et voit désormais les choses en grand. Après avoir bouclé trois levés de fonds pour un montant de 23 millions d’euros, dont 20 millions en juin 2022, la startup a réalisé un nouveau tour de table de 60 millions d’euros en décembre dernier auprès d’Otium Capital, le fonds de l'entrepreneur Pierre-Edouard Stérin (Smartbox), son investisseur historique, et de Crédit Mutuel Impact.

De 10 000 à 10 000 tonnes de déchets transformés par an

Des fonds qui marquent « l’accélération de nos ambitions industrielles », indique Nicolas Cruaud. « Notre première ligne est capable de traiter 10 000 tonnes de déchets par an. Désormais, notre ambition est de passer à l’étape supérieur en fossilisant dix fois plus de déchets, soit 100 000 tonnes. » Le premier gros fossilisateur de la startup devrait voir le jour mi-2025 dans les Pays de la Loire. « L’idée est de réaliser des économies d’échelle et de simplifier les procédés », souligne le dirigeant, qui ambitionne, par la suite, de mailler finement le territoire. « Il faudrait environ 300 fossilisateurs dans l’Hexagone pour couvrir la totalité du marché. L’objectif est que tous nos clients trouvent une usine dans un rayon de 25, 30 kilomètres d’ici 2028, pour minimiser le transport », poursuit Nicolas Cruaud qui envisage de recruter à nouveau 50 salariés cette année afin d’accompagner son déploiement industriel.

Si le marché est colossal, c’est notamment parce qu’il est porté par les contraintes réglementaire sur les déchets et notamment sur la réduction de l’enfouissement. « La loi en vigueur jusqu’en 2025 impose une réduction de 50 % des tonnages enfouis entre 2010 et 2025 », précise le dirigeant. Aujourd’hui, 17 millions de tonnes de déchets sont enfouis chaque année. « Nous ne sommes pas dans les clous pour atteindre les objectifs et il y aura une surtaxation des tonnages dès l’année prochaine. L’intérêt pour notre technologie est donc importante », estime Nicolas Cruaud, qui projette la mise en service de la première génération de ses nouveaux fossilisateurs à horizon 2025 – 2026.

Un déploiement en Europe à partir de 2027

« Après 2027, nous pourrons être beaucoup plus ambitieux et envisager un déploiement en Europe. Les contraintes de marchés sont les mêmes », poursuit le dirigeant qui pense déjà à une cinquième levée de fonds en 2024 pour financer ses futures usines.

Grâce à son procédé, Neolithe optimise également le recyclage des déchets. « Avant de broyer les ordures, on tri les matières valorisables, les métaux et les plastiques. Et on peut encore le faire pendant le processus de broyage », indique Nicolas Cruaud. Des clous intégrés dans une planche de bois irrécupérables par les centres de tri peuvent l’être grâce au broyage par exemple. « L’idée que la fossilisation soit la toute dernière étape, pour les déchets dont on ne peut rien faire », insiste le dirigeant.

Les granulats issus du procédé de fossilisation, servent ensuite à produire du béton « non structurel », pour faire des bordures de route par exemple. « C’est l’usage le plus facile car l’obtention des certifications est rapide », souligne Nicolas Cruaud, qui précise travailler également « sur des bétons structurels. » « Nous faisons actuellement des essais pour cibler les techniques routières et la structure des chaussées notamment. Mais dans ce domaine, les processus sont plus longs et contraignants à faire certifier. » Pour Neolithe, les débouchés sont dans tous les cas nombreux. Chaque année, « des centaines de millions de tonnes de granulats sont consommés par le BTP et les travaux publics. »