Très actif auprès de la French Tech, Paul Midy, député Renaissance de l'Essonne (Paris-Saclay), ne relâche pas ses efforts pour faire grandir encore davantage un écosystème désormais reconnu à l'international. Auteur d'un rapport pour améliorer le financement des startups et des PME innovantes, remis l'an passé au président de la République lors de VivaTech, il s'est logiquement rendu Porte de Versailles cette semaine pour rencontrer les entrepreneurs et les autres acteurs de la French Tech. Maddyness l'a rencontré à VivaTech entre deux poignées de main.

MADDYNESS – Il y a eu une grosse séquence sur l'intelligence artificielle en début de semaine, notamment avec un mini-sommet à l'Élysée et la levée de fonds de H. Quel est votre regard sur l'effervescence qui règne actuellement en France autour de l'IA ?

PAUL MIDY – Je pense qu'il se passe vraiment quelque chose de très fort, il y a une très grosse dynamique, et nous sommes à un moment charnière. A mes yeux, nous sommes en capacité d'être l'un des pays leaders de l'IA dans le monde. Mais ça se passe maintenant ! Il faut que l'on mette les bons ingrédients dès aujourd'hui. On y travaille depuis plusieurs années, d'abord avec le premier plan IA en 2018 que nous avons porté avec la majorité présidentielle, puis le deuxième en 2021, avec Cédric O qui était le secrétaire d'État au Numérique à l'époque,

Le rapport du comité IA en début d'année et les annonces du président de la République cette semaine, c'est la troisième étape. C'est là où il faut qu'on mettre le paquet. Si on réussit maintenant, si on met les bons ingrédients, nous allons réussir à devenir l'un des pays leaders d'intelligence artificielle. Et ça c'est important, parce que l'intelligence artificielle, c'est la révolution économique du prochain siècle. Cela va révolutionner nos économies et notre quotidien. C'est une capacité d'aller chercher un point supplémentaire de croissance chaque année, donc beaucoup de richesses. Cela représente entre 200 et 400 milliards d'euros de PIB en plus chaque année d'ici 10 ans. Il faut donc qu'on aille chercher cette valeur et qu'on embarque tout le monde.

Aujourd'hui, nous avons plus de 600 startups dans l'IA en France. C'est le plus gros écosystème d'Europe continentale. Nous voyons également des Américains qui viennent de la Silicon Valley pour s'installer en France et créer des entreprises d'IA. Ils savent que nous avons un bon écosystème et de super talents, parmi les meilleurs au monde, en France en particulier. C'est une dynamique qui est exceptionnelle. Il faut donc qu'on continue à accélérer pour y arriver. Il y a de très belles perspectives devant nous.

Cette semaine, la nouvelle promotion du Next 40/French Tech 120 a été dévoilée. C'est une édition un peu particulière avec des critères de sélection qui ont été revus, mais c'est un indice qui reste très décrié malgré tout. A vos yeux, s'agit-il tout de même de quelque chose de crucial pour l'écosystème ?

Ce classement est extrêmement important, car c'est une façon de mettre en avant les 40 premières startups françaises avec le Next 40, et les 120 premières jeunes pousses tricolores avec le French Tech 120. C'est un classement qui prend en compte des entreprises tous secteurs confondus, et il faut mettre en avant ces sociétés-là. Ce qui est très particulier cette année, évidemment, c'est la refonte des critères pour qu'ils soient plus intelligents, mais aussi le fait qu'on ait plus de la moitié des entreprises qui font de l'intelligence artificielle ou qui ont des briques d'intelligence artificielle dans leur modèle. Nous avons aussi un quart des entreprises qui font de la greentech. Et ça, c'est très important, car ce sont des entreprises qui vont nous permettre de faire la transition écologique,

Bien sûr, ce classement n'est pas l'alpha et l'oméga tout seul. C'est le classement principal, mais évidemment, il faut aller regarder les entreprises qui créent le plus d'emplois. Le French Tech 120, c'est 40 000 emplois directs. Mais il faut regarder les startups qui créent le plus d'emplois, qui vont limiter le plus les émissions de CO2, qui vont aller embaucher le plus de femmes, qui vont avoir la plus de diversité, etc. Donc un grand bravo à Mistral AI, où son entrée était très attendue au vu de sa croissance et de son dynamisme, mais il y a plein d'autres belles boîtes dans le French Tech 120 et le Next 40.

Lors de VivaTech 2023, vous avez remis au président de la République votre rapport pour doper le financement des startups et des PME innovantes. Où en est-on dans le déploiement des mesures que aviez préconisées ?

La mesure «Jeunes Entreprises», qui avait été annoncée l'année dernière par le président de la République à Vivatech, est en place depuis le 1er janvier 2024. On l'a mise dans la loi et elle fonctionne. Dans cette mesure, il y a plusieurs éléments pour aider encore davantage les startups, et en particulier une incitation fiscale pour pousser les particuliers et les business angels à investir dans les startups. Grâce à ça, on peut aller investir jusqu'à 100 000, voire 150 000 euros et avoir 30 à 50 % de réduction d'impôt sur le revenu, c'est-à-dire jusqu'à 50 000 euros de réduction sur l'impôt sur le revenu hors du plafond des niches fiscales. C'est une mesure qui cartonne et qui est utilisée par énormément de startups depuis le début de l'année car elle constitue une véritable aide pour lever des fonds. Ce sont essentiellement des startups en early-stage qui en bénéficient, notamment les jeunes pousses dans la deeptech que l'on appelle JEIR pour jeunes entreprises innovantes de rupture.

Si beaucoup d'entreprises utilisent ce mécanisme, il y a encore beaucoup d'entrepreneurs et de particuliers qui ne connaissent pas l'existence de cette mesure. Donc il y a un gros boulot pour la faire connaître et s'assurer que davantage de startups et d'entrepreneurs puissent l'utiliser. Dans ce cadre, j'ai lancé il y a quelques mois un Tour de France de l'innovation. On fait le tour des capitales et des communautés French Tech pour expliquer comment ça marche. Car il ne s'agit pas juste de voter une loi, il faut aussi faire le service après-vente pour que tout le monde se l'approprie.

Mais si la France est la championne d'Europe sur l'early-stage, c'est loin d'être le cas sur le growth et le late-stage. D'où l'intérêt du deuxième volet de l'initiative Tibi...

Exactement ! Avec Tibi 2, nous allons mobiliser 7 milliards d'euros supplémentaires, objectif que le président a réaffirmé cette semaine. L'objectif est d'atteindre au total 10 milliards d'euros avec Tibi2, mais il y a seulement 2 milliards et demi qui ont été engagés. Ce n'est pas suffisant, il faut aller beaucoup plus loin.

Au-delà de Tibi 2, on peut également citer l’initiative Champions technologiques européens (ICTE) dans le cadre de Scaleup Europe, qui vise à créer un grand fonds paneuropéen pouvant atteindre jusqu'à 10 milliards d'euros pour aller générer une quinzaine de fonds d'investissement qui iront directement investir dans les startups de plus d'un milliard d'euros. Parce qu'évidemment, si on veut des tickets d'investissement conséquent pour faire croître nos startups les plus prometteuses, il faut qu'il y ait des fonds qui soient de plusieurs milliards d'euros. Ça avance !

Il y a d'autres initiatives qu'on ne peut pas encore totalement mentionner, mais des fonds de plus d'un milliard d'euros sont en gestation. Cela va changer la donne car c'est ce qui nous permettra d'aller vers les étapes supérieures de croissance pour aller faire des tickets de plusieurs centaines de millions d'euros auprès de nos startups avec de l'argent français et européen.