écrit le 3 septembre 2024
3 septembre 2024
Temps de lecture : 7 minutes
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Alexandre Berriche : « L'écosystème français a grandi particulièrement vite ces dernières années et a devant lui de belles promesses »

Alexandre Berriche, business angel, CEO et cofondateur de Fleet, entreprise proposant de simplifier l'équipement informatique des startups et PME, partage pour Maddyness sa vision sur l'écosystème français. Exits, retraites, souveraineté et IA, le dirigeant expose son opinion et un certain optimisme pour la France.
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Multi-investisseur, entrepreneur, Alexandre Berriche a fondé Fleet en 2019. La startup propose une solution de gestion du matériel informatique à destination des startups et des PME particulièrement. Déjà implantée à Paris, Barcelone et Berlin, Fleet annonce l’ouverture d’un bureau londonien et l’extension de sa gamme de produits. Avec cette expansion, Fleet, qui n’a jamais levé de fonds, compte plus de 1500 entreprises clientes et 100 000 utilisateurs. 50% de son chiffre d’affaires vient de l’international.

Alexandre Berriche est également business angel dans près d’une centaine de startups. Il fait partie du programme de scouting pour le fonds d’investissement américain Séquoia depuis l’été 2021 aux côté de Roxanne Varza notamment. Observateur aguerri de l’écosystème, Alexandre Berriche livre sa vision à Maddyness.

Maddyness : Que pensez-vous de l'écosystème en France ? A-t-on l'âge de la maturité selon vous ?

Alexandre Berriche : L'écosystème tech en France n'a pas encore atteint sa vraie maturité. Ces 15 dernières années, la Tech et le Venture ont connu une croissance mondiale impressionnante, avant de connaître un ralentissement depuis 18-24 mois. L’Europe a réduit l’écart par rapport aux US et a donc grandi encore plus vite par comparaison. Maintenant si l’on zoome encore plus, au sein de l’Europe, la France a été l’un des écosystèmes à grandir le plus vite devenant le numéro 2 devant l’Allemagne.

En se comparant au reste du monde, on peut donc dire, que l'écosystème français a grandi particulièrement vite ces dernières années et a devant lui de belles promesses notamment via l’AI qui semble être la prochaine technologie de rupture sur laquelle la France est particulièrement bien positionnée. À ce jour, 2,3 milliards de dollars ont été investis dans l'écosystème GenAI en France, soit presque deux fois plus qu'au Royaume-Uni (1,2 milliard de dollars) et bien plus que dans d'autres pays comme l'Allemagne (636 millions de dollars).
Pourtant, pour vraiment atteindre l'âge de maturité, il manque encore deux choses à mes yeux à notre écosystème pour devenir vraiment mature comme peuvent l’être l’écosystème de référence américain ou celui d’Israël :

- Trop peu de grosses exit pour l’instant (que cela soit en M&A mais aussi en IPO), pour que notre écosystème soit sain, mature, et vertueux il ne s’agit pas seulement d’injecter de l’argent au début de l’entonnoir mais qu’il y ait des sorties de l’autre côté. Sujet sur lequel notre écosystème sous-performe historiquement (dans une industrie qui connaît aujourd'hui des difficultés sur ce sujet mondialement)

- Les difficultés que rencontrent nos startups à s’internationaliser et créer de véritables leaders mondiaux dans leur catégorie. Je suis cependant moins inquiet sur ce point où les choses devraient s’améliorer petit à petit. La place de leader régional que la France est en train de prendre sur l’AI en est d’ailleurs un symbole.

M : Comment pensez-vous que nous puissions y arriver ? On mentionne souvent le besoin d'avoir davantage de business angels pour y parvenir, est-ce la solution ?

A.B : Je ne suis pas sûr qu’avoir davantage de business angels soit la solution aux challenges que nous rencontrons. Pour moi, notre écosystème a plus, aujourd’hui, un enjeu de liquidité et donc d’exit et d’IPO, que de financement. Et si l’on devait évoquer des challenges côté financement, je ne pense pas que le vrai enjeu aujourd’hui se trouve à créer plus de vocations de Business Angels qui interviennent en général très tôt en pré-seed / seed. A l’inverse, il y a encore en France et en Europe un manque de financement au niveau Growth qui est cependant comblé aujourd’hui par des fonds étrangers (souvent américains).

Il y a également un manque de LP qui sont les acteurs qui investissent dans les fonds d’investissement en France. Ce qui est principalement dû à notre système de retraite qui est par répartition alors qu’aux Etats-Unis par exemple, les retraites sont par capitalisation. Pour faire simple, aux Etats Unis on cotise pour sa retraite en plaçant dans des fonds de pension qui vont eux-mêmes investir dans plusieurs classes d’actifs dont le Venture Capital. Cela permet aux futurs retraités de voir leur argent fructifier placé sur des décennies et de façon diversifiée en investissant au sein d’une classe d’actifs à laquelle ils n’auraient pas accès sinon. Cela permet dans le même temps aux fonds de venture américains d’avoir accès à des capitaux récurrents avec des horizons de temps très longs qui correspondent parfaitement au besoin du Venture et dont nous manquons en France.

M : Mous parlons beaucoup du manque d'exit. Comment faire pour que la situation s'inverse et proposer des sorties aux entrepreneurs de plus en plus nombreux en France ? Quels mécanismes pourrions-nous mettre en place ?

A.B : C’est un sujet difficile.

Il y a plusieurs familles d’exit : les IPO qui restent difficiles en Europe notamment à cause du manque de comparables, les sorties par les fonds de Private Equity, les sorties par les Big Tech américaines (notamment les GAFAM) mais qui sont souvent challengées par l’antitrust notamment européen (e.g. Figma/Adobe), et enfin les sorties par les grosses entreprises locales (e.g. CAC40).

Pour moi, là où notre écosystème peut mieux faire c’est clairement sur les sorties vers les grosses entreprises françaises qui ne jouent pas assez le jeu en rachetant trop peu de startups françaises. Ce qui est dommage, car cela pourrait être bénéfique à tous les parties prenantes (fournir des liquidités aux fondateurs, employés, fonds, et LPs, mais aussi accéder à des talents / technologies et innovation pour les acquéreurs qui en tireraient plus de bénéfices qu’en créant des incubateurs / accélérateurs / projets intrapreneuriaux dont il ne sort en général pas grand-chose). Le principal verrou vient d’une frilosité / aversion au risque des équipes de ces grands groupes.

Peut-être que l’État devrait mettre en place un système de crédit d'impôt tel que le CIR (quitte à ce que l’Etat réduise les aides à l'amorçage qui fonctionnent aujourd’hui très bien) pour motiver ces groupes à faire des acquisitions dont l’écosystème a grandement besoin. Cela serait très vertueux pour l’ensemble de la chaîne de valeur car au-delà des liquidités, cela permettrait à des fondateurs et employés après avoir passé quelques années dans les grands groupes de se relancer sur de nouveaux projets plus ambitieux forts de l’expérience qu’ils ont gagnée lors de la première aventure.

M : Quelles sont les grandes tendances que vous voyez pour notre écosystème dans les prochaines années ?

A.B : Cela semble être une évidence au vu des chiffres évoqués plus haut. Mais je pense et j’espère que notre écosystème va renforcer sa position de leader européen sur l’AI. Aujourd’hui 4 des 5 startups les mieux capitalisées d’Europe en AI sont françaises : Mistral, H, Hugging Face et Owkin.

Au-delà de l’AI j’espère que la France saura se positionner davantage sur des sujets de souveraineté tels que la Défense (cf. Helsing en Allemagne qui vient de lever 450 millions d’euros), la Santé (où nous avons déjà construit des acteurs dont nous pouvons être fiers comme Doctolib) ou encore Industriel (tel que Exotec, Verkor) qui sont actuellement très porteurs en Europe et sur lesquels notre écosystème a une vrai carte.

Pour conclure, si les politiques publiques encouragent les exits et qu’un jour un système de retraite même partiellement par capitalisation est envisagé, nous pourrions avoir, j’en suis sûr, l’un des meilleurs écosystèmes mondiaux.

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