Dans l’univers des fusions-acquisitions, l’essentiel ne se joue pas uniquement dans la structuration du deal, mais bien dans l’intégration qui s’ensuit. Et dans ce processus, un facteur se détache nettement : la capacité à retenir les talents clés. C’est ce que souligne le dernier livre blanc d’Eight Advisory, qui met en lumière l’importance des dispositifs d’incitation pour garantir la réussite d’une intégration.

Une étude menée auprès de 92 entreprises ayant réalisé près de 800 acquisitions sur les cinq dernières années démontre que la rétention des talents est déterminante pour maximiser les synergies et protéger la valeur créée. Pourtant, ce défi est souvent sous-estimé ou mal adressé, ce qui conduit à des pertes humaines et financières majeures. « Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter d’une vision purement financière des acquisitions. L’implication des équipes opérationnelles et RH dès la due diligence est essentielle pour éviter des erreurs qui peuvent être préjudiciables lors de l’intégration », partage William Berger, associé chez Eight Advisory et co-auteur de l’étude.

Incitations financières et perspectives d’évolution : un duo gagnant

Pour fidéliser les équipes, les entreprises misent historiquement sur des incitations financières telles que les augmentations de salaire, les primes spécifiques à court et long terme (utilisées par 63 % des entreprises), les actions du groupe (proposées par 40 % des entreprises sous forme de management package), ainsi que les earn-outs, ces paiements différés conditionnés à l’atteinte de certains objectifs (mobilisés par 39 % des entreprises).

Mais l’étude de Eight Advisory met en évidence un autre levier tout aussi stratégique, souvent sous-exploité : l’attribution de nouvelles responsabilités. Selon le rapport, l’attribution de nouvelles responsabilités améliore la réussite des synergies dans 45 % des cas et pourtant, seules 27 % des entreprises misent sur ce levier. « Beaucoup d’entreprises sous-estiment l’impact des incitations non financières. Or, l’élargissement des responsabilités d’une personne clé, voire la connaissance de la possibilité de cet élargissement, peut générer un engagement bien plus durable qu’une prime ponctuelle », commente William Berger.

Les risques d’une mauvaise exécution

Selon le rapport, un earn-out bien structuré est le mécanisme incitatif permettant d’atteindre la plus grande proportion des synergies identifiées (51% contre par exemple 36% pour les actions du groupe ou 39% pour les primes ponctuelles). En revanche, mal structurés, ces mécanismes d’incitation peuvent rapidement se retourner contre l’entreprise. « Un earn-out mal structuré peut devenir un frein à l’intégration : au lieu de créer de la synergie, il pousse souvent les anciens dirigeants à se renfermer sur leur périmètre, retardant ainsi la fusion des équipes », prévient William Berger. « Pour éviter les litiges et aligner les intérêts des différentes parties prenantes, il faut clarifier les critères de performance des earn-outs et bien communiquer, dès le début du processus d’intégration, sur les règles du jeu entre les parties », conseille-t-il.

Sur une note positive, William Berger constate que les entreprises prennent de plus en plus conscience de l'importance des facteurs humains dans leurs stratégies d’intégration. « On assiste à une montée en puissance des équipes opérationnelles et RH depuis la phase de due diligence jusqu’à la fin de l’intégration. Il s’agit d’un signal fort qui montre que ces enjeux sont enfin pris au sérieux », conclut-il.