À 5 ans de l’échéance du Plan Deeptech, lancé en 2019, l’écosystème se structure. La French Tech se déporte progressivement vers les innovations de rupture mais les objectifs ne sont pas encore atteints. D’ici à 2030, l’ambition est d’avoir 10 licornes françaises, de voir 500 startups deeptech se créer par an, et 100 sites industriels ouverts annuellement. En 2024, ce sont 385 startups deeptech qui ont vu le jour. Un chiffre encourageant : entre 2018 et 2024, il a été multiplié par 2,2, d’après le rapport de Bpifrance à l’occasion des 6 ans du plan deeptech.
En tout, Bpifrance dénombre 2 589 startups deeptech en France. 42% d’entre elles sont des biotechs, medtechs ou dans le secteur de la e-santé. 25% sont des startups d’IA ou de quantique. Ce sont elles qui ont capté la majorité des levées de fonds l’an passé. Les tours de tables des deeptechs ont diminué de 31% entre 2023, une année record pour le secteur, et 2024. Les montants des tours de table dans l’IA, eux, n’ont diminué que de 9%, confirmant l’attrait accru des investisseurs pour l’intelligence artificielle.
Un écosystème qui pèse de plus en plus dans la French Tech
Ces 2 589 startups deeptechs françaises génèrent 3,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuellement et 50 000 emplois directs. Parmi l’ensemble de ces startups, un peu plus de 1 000 sont également des jeunes pousses industrielles. Un indicateur à suivre. 150 sites industriels sont reliés à des deeptechs, 16 ont été ouverts en 2024. «Petit à petit, ce chiffre prend de l’ampleur», souligne Paul-François Fournier, directeur exécutif innovation de Bpifrance. «C’est très important, cela montre qu’elles s’intègrent dans l’économie réelle.»
Autre point positif souligné par le rapport de Bpifrance : la montée en puissance des exits. Les sorties deeptech sont en constante augmentation, en particulier les rachats corporate, traduisant la pertinence de l’innovation des jeunes pousses du secteur. D’après le rapport, on décompte environ 25 exits par an et les montants de ces opérations ont triplé en 10 ans. D’un montant moyen de 38 millions d’euros entre 2015 et 2019, les exits se chiffrent en moyenne à 118 millions d’euros depuis 2020. Parmi les opérations de l’année 2024, on peut citer le rachat de Preligens par Safran, en juin, pour 220 millions d’euros. L’exit le plus important est celui de la biotech Amolyt Pharma, acquise par Astra Zeneca, pour 800 millions d’euros. Pour la première fois, la majorité des acquéreurs des deeptech sont français (58%). Là encore, c’est un signal important de consolidation de l’écosystème dans sa globalité.
Bpifrance, des financements en baisse
Bpifrance poursuit son action au service des deeptechs, notamment en déployant les investissements du plan France 2030. Mais les financements, qu’ils soient dilutifs ou non-dilutifs, sont en baisse. Côté dette et subventions, Bpi a accordé 1,3 milliard d’euros aux startups, une enveloppe en baisse de 20% par rapport à 2023. Côté levées de fonds, elle a investi 390 millions d’euros pour soutenir 72 jeunes pousses en primo investissement ou en suivi. «Nous faisons à peu près deux tiers de nos investissements dans la deeptech en direct. Nous sommes très présents», insiste Paul-François Fournier.
Bpifrance a également injecté 474 millions d’euros en fonds de fonds, une ligne en hausse de 19% sur un an. «Notre stratégie est de financer pour créer le dealflow, mais c'est de créer une industrie du capital risque qui va prendre le relais pour accompagner les entreprises. Ces investissements sont en croissance de 20% dans un contexte tout de même compliqué, cela reflète notre volontarisme nécessaire pour, encore une fois, que les relais de croissance se mettent en place», développe Paul-François Fournier. La banque publique d’investissement continue de mener son Deeptech tour (15 étapes en 2024) et les événements «Tandem / Tango», pour favoriser les rencontres entre talents et entreprises.
«Quand on regarde la dynamique des prochaines années, on sait que nous aurons besoin d’environ 35 milliards d'euros de moyens pour financer la deeptech», conclut Paul-François Fournier. Le plan deeptech a été renforcé de 500 millions d’euros l’an dernier et, en 2022, le plan startups et PME industrielles a rajouté 2,4 milliards d’euros sur la table, bien que toute la deeptech ne soit pas concernée. L’enjeu reste bien de trouver de nouvelles sources de financement privé pour continuer à soutenir l’émergence des jeunes pousses. Mais l’écosystème français se renforce, notamment, grâce aux liens entre laboratoires et entrepreneuriat. «Il y a eu une génération importante de chercheurs-entrepreneurs et il y a un temps de régénération plus long pour retrouver des nouveaux chercheurs entrepreneurs», remarque le directeur éxécutif de l’innovation de Bpifrance. En attendant l’avènement de cette nouvelle génération, la vague des entrepreneurs IA prend le relais pour porter la deeptech française.