Des leaders, non préparés

Il y a urgence à se mobiliser. Amy Webb, futurologue, incite les dirigeants à créer des espaces de conversation pour confronter leurs convictions profondes avec celles du monde de l’hyper-tech, au risque sinon, de se faire surprendre un jour, tel un lapin dans les phares d’une voiture.

Cette absence d’horizon peut être vue comme un potentiel terrain à saisir pour le dirigeant, un “white space” (littéralement : “espace blanc”) à conquérir.

Et, la France, avec un pool de leaders parmi les meilleurs au monde (notamment dans l’industrie de pointe comme l’IA ou la décarbonation) peut encore tracer la perspective en se saisissant de cette zone blanche. Mais pour l’instant, rien ne bouge.

Il serait pourtant malin d'en profiter pour changer d'échelle en portant un discours commun sur ce supercycle. Car le leadership technologique se joue aussi sur le terrain de la guerre des idées. La recette classique, qui se concentre uniquement sur des prises de parole corporate et des success stories est dépassée. Il s’agit désormais d’asseoir sa position d’autorité sur la scène internationale et d’apporter un discours sociétal en résonance avec les préoccupations de l’opinion publique. Géopolitiques, géostratégiques, économiques : les sujets de la tech touchent désormais directement le grand public.

Prendre la main sur l’agenda

Il est vrai, qu’aujourd’hui, en plus d’un environnement opérationnel de plus en plus complexe, une nouvelle réalité se superpose, celle de la violence de la vitesse politique et de l’anxiété macro-économique. Les annonces sur les tarifications douanières, les guerres commerciales concernant les métaux stratégiques et les ressources énergétiques, ou encore les évolutions du discours autour de la période de “détox” budgétaire, viennent brouiller les lignes. Le sentiment de perdre la main sur son agenda s’accélère. De même, la fragmentation de l'audience, la politisation de tout et l'adoption de l'IA bouleversent le théâtre des opérations.

La formule “contrôler ce que nous pouvons contrôler”, ressort ainsi souvent chez les dirigeants. Et pour cause : l'effondrement du contexte que nous connaissons rend le rapport signal/bruit faible et convie davantage à une stratégie de communication plus chirurgicale.

Pour autant, si nous restons pragmatiques, on voit aussi que le narratif autour du réarmement moral des américains est encore hautement incertain. Ainsi, ces derniers jours, plusieurs fragilités sont ressorties, comme le groupe d’actions “Magnificent 7” (Mag 7) qui a été rebaptisé de “Maleficent 7” dans une note de Goldmans Sachs, ou encore le baromètre du stress américain qui - avec les récentes frasques de Tesla - a connu un accès de fièvre, mais aussi les risques du commerce de l'IA qui sont remontés avec les annonces de Deepseek.

Une place est donc à prendre. Dans la France entière, toute la nouvelle génération de la Tech (FT120, Next40, DeepTech…) s’attaque aux problèmes de demain pour trouver des solutions face à un monde en pleine mutation. Elle a une connaissance très précise de ce que nous réserve le monde de l’hyper-tech.

Alors, si jusqu’à présent, nous avons toujours conjugué avec la vision outre-Atlantique, il est peut-être temps de prendre la main sur le narratif-technologique. Les leaders de la tech américaine ont construit, hier, l’idéologie californienne. Une force de frappe imparable car optimiste, et intrinsèquement de gauche (hippies) et de droite (yuppies). La France et, l’Europe ont ainsi oublié que la communication forge aussi l’opinion, et qu’elle est la grande sœur du leadership. Aujourd’hui, confrontés à d’autres visions, celle des Chinois mais aussi celle des Indiens, les dirigeants de la Tech française ont tout intérêt à voir plus loin dans leur communication. Voir “Beyond” (au-delà) , comme le suggère Amy Webb !