Si l’on s’accorde à dire qu’il est désormais impossible d'ignorer l’IA en entreprise, passer de l’intention à l’action reste un défi majeur. Lors d’une table-ronde dans le cadre de la MKIA, le 29 avril, Julien Nicolas, directeur numérique de la SNCF, IA Groupe et e.SNCf solutions, Vincent Luciani, cofondateur et executive chairman d’Artefact, et Firmin Zocchetto, cofondateur et CEO de Payfit, ont partagé leur expérience. Premier enseignement : pour implémenter de l’intelligence artificielle dans son entreprise, il faut en premier lieu acculturer ses équipes, les former, et leur offrir un espace sécurisé pour expérimenter.

Pour Vincent Luciani, il est ainsi primordial de mettre sur pied un outil interne avec “des données stockées dans un environnement propriétaire, non accessible depuis l’extérieur”. C’est le choix qui a été fait par la SNCF. “On a créé un SNCFGPT pour permettre aux 100 000 collaborateurs de mettre des documents, travailler dessus, et commencer à se familiariser avec la technologie”, explique Julien Nicolas. Chez Payfit, les salariés peuvent profiter chaque mois d’un IA Day pour se former et réfléchir à des utilisations impactantes pour les clients de l’entreprise. “On veut donner une responsabilité à chaque salarié de faire progresser la boîte, et pas avoir un modèle simplement top-down, où on imposerait une utilisation de certains outils”, insiste Firmin Zocchetto.

L’IA pour accélérer les processus en entreprise

Une fois l’IA prise en main par les équipes, il reste encore à trouver des cas d’usage pour créer de la performance d’un point de vue collectif, au niveau de l’entreprise. Et il ne s’agit plus de s’intéresser uniquement aux métiers, mais aux processus. Par exemple, réduire le délai d’octroi d’un crédit dans une banque. “Dans les processus comme ça, ce sont plein de tâches qui sont mises bout à bout sur lesquelles il peut y avoir du temps perdu parce que la personne n'a pas les accès, qu’elle est en vacances, que le document n'est pas lisible…”, explique Vincent Luciani. “Pour la BNP, en moyenne, on va mettre 20 jours entre le moment où un client fait une demande de crédit et l’octroi de ce crédit. L'ambition, avec l’IA, c'est de diviser par quatre ce délai dans les cas les plus faciles et par deux dans la moyenne des cas”.

A la SNCF, un comité réunissant des représentants de chaque grand domaine (SNCF Réseau, SNCF Voyageurs, Keolis…) se réunit pour faire “remonter les besoins, trouver les use cases les plus transformants et partager les meilleures pratiques”. Un grain de productivité important a notamment été identifié avec la maintenance prédictive. “Si on agit avant la panne, on a plus d'offres disponibles. Plus d'offres disponibles, c'est plus de voyageurs transportés, c'est plus de régularité”, affirme Julien Nicolas.

Du côté de Payfit, l’IA n’est pas utilisée seulement pour améliorer comme levier de productivité mais aussi pour développer un nouveau service. “On a développé Payfit Copilot pour permettre aux entreprises d'être plus autonomes, plus rapides dans la génération de leur paye. Ça leur permet d'avoir un assistant de conversation qui les débloque et qui leur permet de faire moins d'erreurs”, assure Firmin Zocchetto. “C'est vraiment un usage de l'IA qui change la proposition de valeur de la boîte, qui est comme un nouveau produit”.

La productivité n’est pas toujours le bon KPI

Le bénéfice de l’implémentation de l’IA est parfois très visible. Payfit assure par exemple avoir réduit de 20% les appels au service client grâce à Payfit Copilot et d’avoir augmenté de manière significative son NPS (net promoter score). Mais les gains les plus intéressants sont souvent qualitatifs, selon les trois intervenants. 

“Je pense que la question qu'il faut vraiment se poser c'est comment je peux rendre mes clients encore plus heureux d'utiliser mon produit et mon service grâce à l'IA. Et au début, tout ne va pas être mesurable. Il va falloir prendre des paris”, estime le CEO de Payfit. La SNCF travaille ainsi avec l’école Polytechnique pour mieux prévoir les retards de train et donner ainsi une meilleure information aux voyageurs.

“Avant de regarder les gains de temps, de performance, de productivité, il faut juste regarder l'usage”, ajoute Vincent Luciani. “La façon d'identifier si des projets ressortent du lot, c'est simplement de regarder le nombre d'utilisateurs internes”. Julien Nicolas estime lui aussi que l’important n’est peut-être pas de faire “gagner 15, 20 ou 30 minutes par personne”. “C'est plutôt l'efficacité perçue par le collaborateur, la satisfaction au travail, la capacité à réaliser les tâches pour satisfaire le client final”, affirme-t-il. Finalement, l’IA n’est pas simplement un levier de productivité : elle redéfinit les standards de satisfaction, pour les collaborateurs comme pour les clients.