Depuis toujours, les commerçants sont touchés par des vols à l’étalage. Et malgré la généralisation des caméras de vidéosurveillance dans les magasins, ce fléau continue de faire de gros dégâts : cela représente un préjudice de 120 milliards d’euros par dans le monde, dont 5 milliards rien qu’en France.
Dans ce contexte, Veesion a vu le jour en 2018 pour s’attaquer au problème à l’aide de la vision par ordinateur. Aujourd’hui, la startup tricolore annonce une série B de 38 millions d’euros auprès de White Star Capital, Red River West et Bpifrance. Le tour de table est complété par une enveloppe de 15 millions d’euros de financements non-dilutifs, ce qui permet donc à la société d’amasser au total 53 millions d’euros. Auparavant, Veesion avait bouclé une série A de 8 millions d’euros en 2022 avec leurs investisseurs historiques, à savoir Founders Future (fonds de Marc Ménasé, actionnaire de Maddyness, ndlr) et Aglaé Ventures.
5 000 commerces équipés, dont 500 aux États-Unis
Fondée en 2018 par Thibault David, Benoît Koening et Damien Ménigaux, la société française développe une solution pour permettre aux supermarchés, centres commerciaux et autres magasins d’analyser leurs flux de vidéosurveillance en temps réel pour repérer les tentatives de vol à l’étalage. L’outil repose sur un algorithme qui analyse les postures des clients pour déceler les gestes suspects. Le client est ensuite alerté dans son fil personnalisé sur son application mobile pour réagir rapidement.
La solution, qui a commencé à être commercialisée durant la pandémie de Covid-19 en 2020, assure détecter 100 000 gestes suspects, 10 fois plus que le ferait un agent de sécurité. Une aubaine que la majorité des flux vidéos des caméras ne sont pas ou peu visionnés par manque de temps, d’argent ou de personnel pour les exploiter. Dans ce contexte, l’approche de Veesion a séduit plus de 5 000 établissements dans 25 pays, dont 500 aux États-Unis où la startup nourrit de fortes ambitions.
«Il y a 500 000 commerces, c’est un marché énorme à équiper. Surtout que les commerçants américains souffrent des vols à l’étalage de manière encore plus forte qu’en Europe. Comme ils n’ont pas le temps de regarder les caméras ou de mettre des étiquettes RFID, ils se retrouvent complètement impuissants. Ils finissent par opter pour une solution archaïque : mettre les produits dans des bacs sous clé. C’est une solution avec un effet de bord terrible qu’est la chute de la consommation», explique Thibault David, co-fondateur et CEO de Veesion.
Pour continuer à monter en puissance au pays de l’Oncle Sam, Benoît Koening, l’un des fondateurs, va s’installer outre-Atlantique dès ce mois de juin pour lancer la filiale américaine. «Nous allons installer notre siège américain en Floride, qui est un hub important d’entreprises de sécurité. C’est un endroit intéressant pour nouer de potentiels partenariats avec des distributeurs de caméras de surveillance. Notre objectif d’être le leader mondial passe par la conquête des États-Unis et nous ciblons quatre régions clés dans ce cadre : New York, la Floride, le Texas et la Californie. Ce sont quatre États parmi les plus denses des États-Unis», souligne Thibault David. Pour l’heure, Veesion engrange un chiffre d’affaires d’un million d’euros sur le marché américain.
100 millions d’euros de revenus pour Veesion d’ici cinq ans
Au total, la startup a enregistré plus de 11 millions d’euros de revenus annuels récurrents (ARR) en 2024, dont 62 % à l’international. Sur les 5 000 commerces équipés dans le monde, 2 000 le sont en France. Mais au-delà de l’Hexagone et des États-Unis, Veesion entend exporter encore plus largement sa solution dans les prochaines années, notamment en Italie au Portugal et en Espagne, ainsi qu’au Brésil. «Tous ces pays représentent 1,5 million de commerces qui souffrent des vols. Notre ambition est de devenir le leader mondial de la computer vision pour le monde physique. Face à la concurrence des acteurs de l’e-commerce, qui se sont dotés de solutions technologiques pour se protéger des fraudes à l’achat, les commerces physiques ont été laissés sur le bord de la route de l’innovation», note le patron de l’entreprise française. Cette dernière espère équiper 50 000 commerces d’ici cinq ans pour atteindre la barre des 100 millions d’euros d’ARR.
Pour se rapprocher de cet objectif, Veesion va s’appuyer sa série B pour s’étendre à l’international, mais aussi renforcer ses effectifs pour développer de nouveaux usages. La société prévoit ainsi de recruter une trentaine de nouveaux collaborateurs dans les prochains mois pour épauler les 150 salariés déjà présents. Au-delà des vols, la technologie de la jeune pousse pourrait être utilisée pour optimiser la gestion du réassort dans les rayons par exemple. La société songe également à explorer d’autres environnements, comme les entrepôts, les hôpitaux, les crèches ou les chantiers. Bientôt à l’équilibre en France, Veesion prévoit d’atteindre la rentabilité de manière globale d’ici 24 mois. Mais la société ne s’interdit pas d’étudier des options de croissance externe si cela s’insère dans sa feuille de route.