Multiplication des plateformes, montée en puissance des formats temps réel, attentes croissantes en matière de réactivité : le métier de community manager est sous pression. Cette intensification des tâches pousse les professionnels à explorer de nouvelles solutions, notamment les outils d’IA générative capables d’assister la planification, la modération et l’idéation.
C’est sur cette proposition que s’est développée Be Bouncy, une startup française fondée par Sophie-Alexandra Aiachi et Ayoub Ben Younes. Leur plateforme repose sur un agent IA conçu pour automatiser certaines tâches sans déléguer les missions sensibles. “Notre intelligence artificielle est là pour faire gagner du temps au community et social media manager”, précise Ayoub Ben Younes. L’outil permet de programmer des publications en masse, de générer des rapports ou de répondre à des commentaires récurrents. “Des missions qu’un social media manager faisait en trois jours, aujourd’hui il peut les faire en une heure”, ajoute-t-elle, citant un test réalisé avec une agence partenaire.
“L’IA, c’est un assistant. Il n’est pas titulaire, c’est moi le titulaire”
Une logique d’assistanat que confirme Sébastien Erson, créateur de contenu (800 000 abonnés cumulés) et enseignant à l’EFAP. Il utilise l’IA au quotidien, mais dans un cadre bien défini. “J’utilise l’IA tous les jours, par exemple, comme correcteur. Je lui demande s’il y a des fautes, s’il y a moyen de tourner mes phrases de manière plus percutante. C’est du conseil, de l’optimisation. Mais ça ne me remplace pas. Il n'est pas titulaire, c’est moi le titulaire.”
Contrairement à certains créateurs de contenu qui confient intégralement leur production à l’IA, Sébastien Erson alerte sur les dérives : “Je vois des comptes qui utilisent une fausse voix pour partager des infos en Formule 1. C’est un piège à clic et parfois tout simplement, faux. Les gens y croient, c’est dommage.” L’IA peut aider, mais pas sans contrôle éditorial strict.
L’IA utile pour l’idéation et la planification, mais pas pour la création
C’est dans les phases amont, idéation, organisation, calendrier…, que l’IA trouve sa pleine utilité. “ChatGPT permet de développer une idée, un peu comme quand on parle avec un collègue”, explique Sébastien Erson. Il s’en sert aussi pour générer des plannings de publication ou tester différentes approches de contenu.
Be Bouncy se positionne précisément sur ce segment. En plus des fonctionnalités classiques, programmation, modération, analytics, l’outil propose des suggestions de contenus et d’horaires de diffusion basées sur la data. “Ce n’est pas juste conversationnel : on peut aussi discuter avec l’agent pour avoir des idées de contenus, ce qui aide à surmonter le syndrome de la page blanche”, indique Sophie-Alexandra Aiach. La solution s’appuie sur plusieurs modèles pour s’ajuster au ton, au champ lexical et aux habitudes rédactionnelles de chaque utilisateur.
Mais une ligne rouge est posée : pas de création automatisée. “On a choisi de ne pas faire la production de contenu, car elle doit rester authentique, humaine et réfléchie”, insiste Sophie-Alexandra Aiachi. Une posture assumée pour préserver l’authenticité dans un secteur de plus en plus standardisé.
Une IA bouclier face à la violence en ligne
L’automatisation peut aussi jouer un rôle défensif, en particulier face à la toxicité croissante sur les réseaux sociaux. Be Bouncy intègre un système d’analyse émotionnelle pour détecter et classifier les messages violents, insultes, incitations à la haine, attaques personnelles, et propose leur suppression ou leur masquage automatique. “On ne modère pas pour faire joli, on modère pour protéger”, souligne Ayoub Ben Younes.
Ce filtrage algorithmique n’a pas vocation à remplacer la vigilance humaine, mais à préserver la santé mentale des community managers. “Aujourd’hui, un agent IA comme le nôtre protège les humains qui subissent quotidiennement du cyberharcèlement”, affirme Sophie-Alexandra Aiachi. Un enjeu souvent sous-estimé dans les débats autour de l’IA.
Le métier de community manager se redéfinit, entre stratégie et relationnel
Plutôt qu’une disparition du métier de community manager, l’IA semble amorcer une redéfinition de ses contours. “L’IA permet aux community managers de se recentrer sur des missions à valeur ajoutée, de travailler avec plaisir plutôt qu’avec des tâches redondantes”, explique Ayoub Ben Younes. Be Bouncy vise notamment les petites structures et entrepreneurs, souvent seuls à gérer leur communication. “Pour eux, c’est comme avoir un directeur marketing sous le coude”, affirme encore Sophie-Alexandra Aiachi
Même constat pour Sébastien Erson, qui prépare les futurs professionnels à cette évolution : “L’IA, c’est un facilitateur. On peut faire appel à lui pour des conseils ou des tâches pénibles. Ça facilite le quotidien. Mais ça ne remplace pas l’humain.” En filigrane, une vision claire : l’intelligence artificielle n’a pas vocation à s’imposer, mais à épauler voire même à libérer du temps de création... À condition de rester dans une logique de maîtrise, pas de délégation aveugle.