Emmanuel Macron a-t-il ravivé la flamme avec la French Tech ? En tout cas, le président de la République était dans ses petits souliers ce mercredi après-midi du côté de la Porte de Versailles à l’occasion de sa visite à VivaTech. Absent de la grand-messe européenne de l’innovation l’an passé, le chef de l’État a soigné son retour au cœur d’un événement qu’il affectionne particulièrement et qu’il s’attèle à défendre depuis sa création.

Après s’être offert une déambulation dans les allées du salon parisien pour aller à la rencontre des entrepreneurs et des acteurs de l’écosystème français et international, Emmanuel Macron a rejoint avec une heure de retard sur la scène du Dôme de Paris Jensen Huang, le fondateur et CEO de Nvidia, et Arthur Mensch, le patron de Mistral AI. En attendant l’arrivée du président de la République, le dirigeant taïwano-américain et l’entrepreneur français ont pris le temps de revenir sur les débuts de leurs entreprises respectives.

Arthur Mensch encensé par Jensen Huang

Forcément, avec sa grande expérience (Nvidia a été créé en 1993), Jensen Huang faisait quelque peu figure de vieux sage aux côtés du jeune loup qu’est Arthur Mensch. «Nous avions le rêve de créer une nouvelle manière de faire de l’informatique. Nous voulions réveiller l’industrie des ordinateurs», s’est ainsi souvenu avec nostalgie le patron du groupe californien.

Par la suite, la discussion a glissé sur les axes de progression de l’Europe pour être plus forte sur la scène tech mondiale sans dénaturer son ADN. «Il n’y a pas de raison pour que l’Europe n’ait pas de grand champion», a assuré Arthur Mensch. Avant de souligner l’importance du partenariat annoncé aujourd’hui avec Nvidia : «On s’étend pour passer d’une entreprise d’IA à une entreprise de cloud IA.» L’entrepreneur tricolore a d’ailleurs reçu les éloges de Jensen Huang. «Il est jeune et très brillant, et c’est le meilleur espoir de l’Europe», a ainsi estimé Jensen Huang.

Quand le patron de Nvidia «fait le job» de Macron à VivaTech

La star de ce VivaTech 2025 a ensuite livré sa réflexion sur la manière dont l’Europe doit façonner son approche de l’IA. «La raison pour laquelle l’Europe devrait construire sa propre IA, c’est parce qu’elle doit développer sa propre intelligence. Au fil du temps, les collaborateurs de Nvidia ont appris Nvidia, et c’est comme cela qu’ils ont appris à avoir du succès au sein de Nvidia», a-t-il expliqué.

Coïncidence ou non, c’est au moment où Jensen Huang tenait ce discours aux consonances souveraines qu’Emmanuel Macron a débarqué sur scène avec une heure de retard. A l’invitation de Maurice Lévy, modérateur de discussion 5 étoiles, Jensen Huang a réitéré ses propos auprès d’Emmanuel Macron pour expliquer pourquoi chaque pays doit avoir sa propre intelligence et pourquoi cette dernière ne doit surtout pas être externalisée. «C’est rafraîchissant, non ?», a alors lancé Maurice Lévy au chef de l’État. «C’est le premier CEO qui vient ici pour faire mon job», a répondu le principal intéressé avec le sourire.

L’anecdote de Jensen Huang dans le bureau de Macron

Sur la scène du Dôme de Paris, le président de la République n’a pas perdu de temps pour saluer l’alliance du jour entre Nvidia et Mistral AI. «Pour moi, ce partenariat est historique. Ils ont fait un boulot formidable», a-t-il déclaré en remerciant de la tête les deux dirigeants à ses côtés. «Je vous remercie pour votre confiance. L’annonce d’aujourd’hui est un game changer», a ajouté le chef de l’État à destination de Jensen Huang.

Ce dernier en a d’ailleurs profité pour raconter une anecdote sur un échange avec Emmanuel Macron. «J’étais dans le bureau du président et je lui ai dit qu’Arthur et Mistral avaient besoin du soutien de davantage de grandes entreprises françaises. Et le président m’avait dit qu’il allait passer quelques coups de fil. Il a pris son téléphone et beaucoup de grands groupes français se sont engagés. C’est comme cela que la machine s’est mise en marche», a raconté l’ingénieur taïwano-américain sous l’œil amusé du chef de l’État. «J’imagine que dans vos rêves les plus fous, quand vous avez lancé Mistral, vous n’auriez jamais pensé que le président de la République vous aurait permis de récupérer des clients», a conclu Jensen Huang en regardant Arthur Mensch.

«La France aime ses entrepreneuses et ses entrepreneurs»

Après une bonne heure sur scène, le patron de Nvidia et le PDG de Mistral AI ont laissé Emmanuel Macron seul sur scène. L’occasion pour le président de la République, décrié par une bonne partie des entrepreneurs depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, de lancer une déclaration enflammée à l’écosystème tech de l’Hexagone. «La France aime ses entrepreneuses et ses entrepreneurs car vous créez de l’emploi et vous aidez à rendre ce monde meilleur. Je veux que l’on continue à avoir cette audace et à aimer nos entrepreneuses et nos entrepreneurs, car c’est bon pour le monde et notre pays», a-t-il ainsi déclaré.

Puis Maurice Lévy a convié sur scène cinq entrepreneurs : Éléonore Crespo (Pigment), Éléna Poincet (Tehtris), Rachel Delacour (Sweep), Thomas Clozel (Owkin) et Vincent Huguet (Malt). Durant une demi-heure, ces derniers ont pu poser des questions qui leur tiennent à cœur à Emmanuel Macron. L’occasion pour le chef de l’État de parler marché unique européen, décarbonation, commande publique ou encore rétention des talents.

«Nous devons redevenir autonomes et indépendants au service d’une vision humaniste»

Dans ce cadre, Emmanuel Macron en a profité pour rappeler son attachement à la vision humaniste de l’Europe. «Nous devons redevenir autonomes et indépendants au service d’une vision humaniste dont l’Europe est le berceau. Être humaniste, c’est dire que nous devons poursuivre les combats de progrès et avoir le modèle social le plus généreux du monde, mais j’observe que cette partie humaniste a perdu son autonomie ces dernières décennies. Mais je suis convaincu qu’il ne faut pas lâcher ce modèle humaniste. Je ne crois à une Europe qui va suivre les États-Unis dans un modèle parfois post-humaniste», a expliqué le président de la République.

Emmanuel Macron a ensuite conclu sa journée par un dîner à l’Élysée avec des entrepreneurs, investisseurs, institutionnels et grands groupes français. Des figures internationales de la tech étaient également au menu, à l’image de Jensen Huang pour boucler sa journée marathon à Paris. Emmanuel Macron était de retour dans son jardin Porte de Versailles et il ne s’est pas privé pour le faire savoir à toute la planète tech.