Le rappeur Youssoupha posait il y a dix ans déjà la même question pour les rappeurs, et je la pose aujourd’hui pour les entrepreneurs. On a beaucoup entendu que l’entrepreneuriat était mené par le profit et la création de valeur ajoutée. C’est vrai, et cela doit toujours rester le cap premier d’un entrepreneur.
Mais pourquoi ceux qui façonnent l’économie ne prendraient-ils pas aussi part à la société ? Entreprendre est devenu un phénomène depuis l’éclosion des startups en 2010, et depuis, la culture internet s’en est emparée entre le bruyant The Family et l’avènement des entrepreneurs-influenceurs vers 2015, pour finalement devenir mainstream depuis la pandémie qui a secoué toute une génération.
La création d’entreprise a plus que doublé en dix ans, bien aidée par les freelances et indépendants, et le poids de cette contre-culture a même pris une autre dimension avec l’arrivée en masse de profils d’entrepreneurs qui prennent la parole. Profils dont les signataires sont de fiers représentants. Une nouvelle vision de l’entrepreneuriat que j’ai toujours souhaitée et défendue avec mes activités. Mais qu’en est-il réellement ?
Au-delà de quelques profils très visibles que je salue comme Kelly Massol, Maud Caillaux, Eric Larchevêque, Mounir Laggoune ou même Xavier Niel, les entrepreneurs restent encore des personnalités cantonnées à leur secteur et à leur écosystème. Beaucoup d’entre nous sont même frileux à l’idée de s’engager et de prendre la parole en public, de peur de perdre un deal ou de passer pour un militant furieux. Peur bien surestimée dans une ère où plus personne ne peut indiquer une position qui ne fait pas débat, et je le vois bien avec mon média Le Crayon.
La situation actuelle nous ramène pourtant à la dure réalité : si les entrepreneurs ne prennent pas la parole, ils perdent la guerre d’influence qui fait rage au cœur d’une société où l’attention est devenue l’étalon-or de la nouvelle génération. Si vous êtes vus, si vous êtes entendus, alors vous êtes puissants. Ce changement de paradigme qu’ont créé les réseaux sociaux et la massification des contenus ne doit pas être combattu, il doit être surfé. Combien de chefs d’entreprise et d’entrepreneurs inspirants sont inconnus au bataillon et empêchent par ce biais toute une population de profiter de leurs savoirs et de réfléchir grâce à leur parti pris ?
Les entrepreneurs, ce n’est pas une vision unie de la société
Et c’est justement ça qui est intéressant. Les entrepreneurs sont tous différents et ont tous des idées différentes. Mais ils ont trois points communs qui les rassemblent : ils sont les moteurs du futur de notre pays, par leurs innovations, leurs conquêtes de marché, leur vision pour leurs clients. Ils sont les personnes qui recrutent et qui, par ce biais-là, ont une influence dingue sur des millions de Français qui dépendent directement ou indirectement de leurs décisions. Ils ont leur destin entre leurs mains, ce qui fait d’eux des personnes subissant une très forte pression et ayant accès à des informations que peu de personnes peuvent voir.
Ces trois points communs font de leur parole une chose importante dans la société. Une parole rare, bien malheureusement, mais une parole qui peut pousser des changements importants car ils seront les premiers à travailler dans le concret sur ces changements.
Et toi, tu fais quoi, toi ?
Ce qu’on fait avec mon groupe, c’est de réunir la société et de permettre à la pluralité française de s’exprimer et d’en faire ressortir des idées et des solutions. Mon combat, c’est celui d’une plus grande implication de la société civile – et donc entrepreneuriale – dans les sujets qui la concernent directement : le pouvoir d’achat, l’écologie, la sécurité, l’égalité homme-femme, l’ascenseur social, la technologie, la souveraineté… Ces sujets sont aujourd’hui dominés dans l’espace public par : les politiques, les journalistes, les militants, les experts, même si on ne sait pas toujours ce qui les définit. Il manque cruellement les entrepreneurs dans cette liste.
Et en signant cette tribune, des centaines d’entrepreneurs dressent un drapeau, celui qui milite pour que les entrepreneurs prennent part à la discussion publique et ne se cachent pas derrière des propos lisses, feutrés, qui signalent aux personnes qui les lisent « circulez, il n’y a rien à voir ». Si on veut construire un pays ambitieux et constructif, mettons les ambitieux et les constructeurs au premier rang des médias et des réseaux sociaux.
Chers entrepreneurs, on rentre dans l’ère où vous ne pourrez plus prétendre entreprendre sans prendre position, quelle qu’elle soit.
Parmi la liste des signataires : Cédric Meston, cofondateur d'Happyvore, Kelly Massol, CEO Les Secrets de Loly, Frédéric Raillard, cofondateur de Fred & Farid, Carlos Diaz, animateur du podcast Silicon Carne, Laetitia Carle, directrice générale de Greenly, Arnaud Touati, avocat, Harold Parisot, fondateur du Chinese Business Club, Jules Simiand, cofondateur d'Extrastudent, Mounir Laggoune, CEO de Finary, Jérémy Blackwell, banquier dans la tech, etc.