Station F fête déjà ses 8 ans d’existence. Comme il est de coutume désormais depuis l’inauguration du campus de startups en juin 2017, l’équipe de cette vitrine de la French Tech dévoile des chiffres sur les entrepreneurs hébergés. C’est l’occasion de savoir également comment ils se sentent à l’heure actuelle et quelles sont leurs préoccupations dans un contexte géopolitique et économique particulièrement agité.

En huit ans, ce sont plus de 8 000 startups qui sont passées par les murs de l’ancienne halle Freyssinet qui s’étend sur 34 000 mètres carrés à deux pas de la BNF, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Aujourd’hui, l’âge moyen d’un entrepreneur à Station F est de 33 ans. 53 % sont des «repeat founders», ce qui signifie qu’ils ont replongé dans le bain de l’entrepreneuriat une ou plusieurs fois après avoir lancé leur première startup.

Dans le détail, 52 % des fondateurs de Station F ont travaillé dans des startups et des scaleups, 41 % dans des grands groupes et 25 % ont effectué un cursus dans la recherche. 40 % des jeunes pousses hébergées par l’incubateur parisien comptent au moins une femme dans l’équipe fondatrice. Et pour mettre en lumière des entrepreneuses de Station F, le campus XXL de startups a d’ailleurs lancé le programme Female Founders Fellowship. La dernière promotion a été dévoilée en mars dernier.

Le climat géopolitique et l’élection présidentielle préoccupent les entrepreneurs

S’ils bénéficient d’un cadre destiné à faciliter le développement de leur entreprise à Station F, les entrepreneurs demeurent néanmoins préoccupés par plusieurs sujets. Actuellement, c’est la situation géopolitique dans le monde, marquée notamment par les fortes tensions au Moyen-Orient, la guerre en Ukraine et les décisions imprévisibles de Donald Trump, qui inquiètent le plus les entrepreneurs du campus, tout comme la prochaine élection présidentielle en France alors que l’instabilité politique a gagné le pays suite à la dissolution de l’Assemblée nationale il y a un an. «Ce n’est pas plus mal que ça soit déjà sur la table. Nous avons deux ans pour se mobiliser, cela laisse du temps pour préparer les choses», observe Roxanne Varza, la directrice de Station F.

Ces deux sujets préoccupent bien les plus les entrepreneurs que les problématiques habituelles liées à leur activité, comme les levées de fonds, la régulation, les exits et les talents. Dans le contexte actuel, ils ont du mal à se projeter : 47 % des fondateurs assurent qu’ils n’ont aucune idée de la manière dont ils feront leur exit. Et à peine 16 % estiment qu’une IPO est une option viable. «C’est un chiffre qui m’a étonné, mais il est vrai que la situation sur les exits n’est pas reluisante», souligne Roxanne Varza.

70 % de startups IA

Avec un millier de startups présentes, Station F constitue un écosystème important au sein de la French Tech. Sur les trois dernières années, les jeunes pousses de l’incubateur ont ainsi levé 1 milliard d’euros au cours des trois dernières années. Mais la barre du milliard devrait être très largement dépassée en 2025, puisque ce sont déjà 800 millions d’euros qui ont été levés par les startups de Station F durant le premier semestre. Sur les six premiers mois de l’année, une vingtaine d’entreprises ont même bouclé des tours de table supérieurs à 10 millions d’euros, à l’image de Multiverse Computing (189 millions), Veesion (38 millions), Sekoia.io (26 millions) et Tomorro (25 millions).

Sans surprise, l’intelligence artificielle a largement pris le pouvoir à Station F. 70 % des startups du campus sont désormais centrées sur l’IA et l’équipe de l’incubateur assure même que 40 % des jeunes pousses françaises de l’IA sont passées par Station F ! Autrement dit, le campus joue un rôle majeur dans la structuration de l’écosystème IA dans l’Hexagone. Parmi les modèles d’IA qui ont le plus de succès auprès des entrepreneurs de Station F, ceux d’OpenAI arrivent en tête, très loin devant ceux de Mistral AI et Anthropic.

En matière d’IA, Station F est d’ailleurs devenu un lieu encore plus important en début d’année à l’occasion du «Business Day» organisé en marge du Sommet pour l’Action sur l’IA. Une journée mémorable puisque Sam Altman, le patron d’OpenAI, était de la partie, tout comme Emmanuel Macron, Arthur Mensch (Mistral AI), Yann LeCun (Meta), Lisa Su (AMD) ou encore Clara Chappaz. A noter que Station F accueille également chaque année la conférence ai-PULSE de Scaleway. C’est à cette occasion que le laboratoire Kyutai avait été lancé fin 2023. Et puis des soirées festives XXL, comme la Viva Party organisée pendant VivaTech, commencent à se multiplier. «Depuis la soirée pendant l’AI Action Summit, des gens nous contactent pour faire des soirées !», lance avec le sourire Roxanne Varza.

Un hôtel à proximité du campus ouvrira en 2028

Station F, c’est aussi une dimension internationale avec 70 nationalités représentées sur le campus. Les pays les plus représentés sont les États-Unis, le Royaume-Uni, le Maroc, l’Inde, le Japon et la Corée du Sud. Au cours de l’année écoulée, des entrepreneurs issus de 8 nouveaux pays, comme le Mali, le Pakistan, la Hongrie et le Pérou, ont également rejoint Station F. «Nous sommes très sollicités par de nombreux pays, surtout par rapport à l’IA. Nous sommes ravis de travailler avec l’Inde et je regarde beaucoup ce qui se passe aux Émirats, ainsi que dans les pays du Golfe et en Asie, notamment au Japon, en Corée du Sud, en Chine et à Singapour. C’est déjà super mais je pense qu’on peut aller plus loin. Par exemple, même s’il y a beaucoup d’acteurs américains sur le campus, j’ai la conviction que l’on peut créer des ponts plus ciblés avec les deux écosystèmes phares que sont San Francisco et New York», estime la directrice de Station F. Cette dernière se réjouit aussi de voir des programmes inattendus débarquer dans l’incubateur, comme celui lancé plus tôt cette année par le PSG, premier club sportif à prendre ses quartiers à Station F.

Outre une internationalisation qui devrait se poursuivre sur le campus, d’autres projets sont dans les cartons pour offrir un cadre toujours plus stimulant aux entrepreneurs hébergés. Après l’ouverture d’un studio de podcast et d’un nouveau restaurant, un hôtel devrait voir le jour en 2028 juste à côté de Station F. «Ce sera à moitié un hôtel 5 étoiles et à moitié accessible. Cela servira notamment pour les gens qui sont de passage à Station F alors qu’il y a une offre hôtelière peu développée dans le quartier», indique Roxanne Varza. Il viendra compléter la résidence de coliving Flatmates à Ivry-sur-Seine, qui offre un lieu d’hébergement aux entrepreneurs du campus. Histoire d’être en mode Station F du matin au soir. Lors de l’ouverture de l’incubateur il y a 8 ans, Roxanne Varza imaginait-elle une telle trajectoire ? «C’est puissance 1 000 par rapport à mon imagination. Après une première année assez excitante, je pensais que ça serait plus calme, mais pas du tout ! Maintenant, tout le monde regarde ce qu’il se passe à Paris», se réjouit-elle.