Créé pour accompagner les technologies de rupture, Bpifrance Deeptech Venture s’est construit au fil du temps comme une équipe d’investisseurs dans les sociétés technologiques. Initialement baptisée « équipe transverse », sa mission première consistait à piloter le fonds généralistes PSIM et Definvest, conçus pour aider les innovations de rupture issues de la recherche à franchir les dernières marches avant le marché. Avec une logique d’intervention précoce et un fort niveau d’engagement dans la durée, ces fonds ont posé les fondations d’une approche devenue structurante au sein de Bpifrance.

« L’équipe s’est structurée autour de cette expertise spécifique : des startups qui émergent de la recherche, avec des besoins massifs en R&D, qu’on accompagne dès le seed et jusqu’à la série B ou C », retrace Eva Clerc, directrice d’investissement senior au sein du pôle. Parmi les cas emblématiques, Wandercraft, qui développe un exosquelette pour faire remarcher les personnes paralysées, incarne cette volonté de financer des innovations à impact dès les premiers balbutiements. L’équipe a depuis évolué pour structurer un véritable pôle deeptech, comptant aujourd’hui 16 investisseurs, capables d’intervenir sur un éventail de technologies plus large et de maturités plus diverses.

Trois fonds généralistes...

Pour répondre aux besoins spécifiques de l’innovation de rupture, Bpifrance Deeptech Venture s’appuie sur une architecture composée de six fonds complémentaires, représentant au total un milliard d’euros sous gestion. Cette organisation permet d’intervenir à chaque étape du développement d’une startup, de l’amorçage jusqu’à la série C, en s’adaptant aux cycles longs et exigeants propres à la deeptech.

Le premier niveau d’intervention se fait via French Tech Seed, un fonds de 100 millions d’euros lancé en 2018, qui finance les tout premiers tours avec des tickets d’environ un million d’euros. Il cible les jeunes pousses issues de la recherche publique ou bénéficiant du label Deeptech, souvent à un stade où le risque technologique est encore élevé. Vient ensuite le fonds PSIM – Programme de Soutien à l’Innovation Majeure – qui, avec ses 225 millions d’euros, accompagne les projets plus matures de la série A à la série C. Ce fonds historique du dispositif, centré sur des innovations à forte intensité technologique, propose des tickets pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros. Deeptech 2030, le plus récent des fonds (lancé en 2023), prend le relais en série A et B avec des tickets compris entre 1,5 et 10 millions d’euros. Il se concentre sur les verticales stratégiques portées par France 2030, telles que les semi-conducteurs, les matériaux, la robotique, le spatial ou encore le quantique.

…et trois fonds spécialisés

À ces trois fonds généralistes s’ajoutent des véhicules plus spécialisés, tournés vers les enjeux de souveraineté et de défense. Definvest, créé fin 2017 en partenariat avec le ministère des Armées, finance des startups de la base industrielle et technologique de défense (BITD) avec des tickets compris entre 1 et 10 millions d’euros. Le Fonds Innovation Défense, actif depuis 2020 et doté de 220 millions d’euros, cible quant à lui des scale-ups duales, dont les technologies s’appliquent au marché civil et peuvent avoir des débouchés dans la défense. Plusieurs startups quantiques, notamment Pasqal, Quandela, ou encore Alice & Bob, sont aujourd’hui accompagnées via ces deux fonds.

Cette structuration permet une logique de continuum d’investissement fluide, à mesure que les startups gagnent en maturité. « On a cette capacité à entrer très en amont, avec des tickets modestes, puis à accompagner les startups dans la durée via d’autres véhicules. C’est une vraie force, dans un univers où les cycles sont longs, l’incertitude élevée, et où il faut du capital patient », explique Eva Clerc. 

Premiers exits et signaux positifs

L’équipe commence à enregistrer ses premières sorties significatives, preuve de la pertinence de sa stratégie. En 2024, Sonio, qui développe une solution de suivi et de diagnostic prénatal assistée par IA, a été cédée à Samsung Medison après un accompagnement initié dès l’amorçage via French Tech Seed. Autre opération marquante : Preligens, spécialiste de l’analyse automatisée d’images satellites, a été rachetée en 2024 par Safran. Deux cas d’école qui confirment la capacité du fonds à faire émerger des champions deeptech capables d’attirer les grands groupes.

Encore jeune, l’équipe assume son positionnement sur des cycles longs. « Notre portefeuille est encore en construction. Beaucoup de sociétés sont en phase de développement actif, avec un fort besoin en capital et une visibilité encore partielle sur la sortie », reconnaît Eva Clerc. Mais les signaux sont là : la deeptech française mûrit, les projets s’internationalisent, et les premiers succès commencent à irriguer l’écosystème.

Malgré un contexte de marché plus attentiste, Deeptech Venture observe un dealflow soutenu, notamment sur les sujets, IA appliquée, cybersécurité, newspace et quantique. Des domaines dans lesquels la France dispose de véritables atouts scientifiques, à condition de structurer les filières et d’attirer les bons talents. Un défi que Bpifrance entend bien relever, un ticket après l’autre.