Le 22 juillet dernier, en visite sur le site industriel de la startup Exotrail, les ministres en charge de la Recherche et du Numérique ont réaffirmé l’importance du soutien à la deeptech, « de la recherche, jusqu’à l’industrialisation ». Un soutien crucial pour le spatial où les mutations sont rapides et profondes : la densification des objets en orbite transforme l’espace en infrastructure qu’il faut désormais concevoir comme telle, gérer et protéger, afin qu’elle puisse être durable. S’appuyant sur une technologie issue du CNRS, Exotrail développe depuis 2017 des moteurs pour petits satellites, mais aussi des services en orbite via son satellite manœuvrant d’une demi-tonne, le spacevan. En pariant très tôt sur la miniaturisation et la multiplication des satellites, l’entreprise a su s’imposer comme un acteur structurant du nouveau paysage spatial.

Vers une infrastructure spatiale dense et industrielle La France et l’Europe réaffirment leurs ambitions spatiales. Avec 717 millions d’euros investis par l’Etat dans la recapitalisation d’Eutelsat (constellation OneWeb) ou encore avec le programme IRIS de la Commission européenne chiffré à 10,6 milliards d’euros, l’espace redevient une infrastructure stratégique pour l’Europe. Ces constellations de connectivité se multiplient, tandis que le nombre de satellites issus de méga-constellations privées américaines, comme Starlink ou Kuiper, ou chinoises, continuent de croître.

L’espace n’est plus une succession de missions isolées, mais un environnement interconnecté au service des besoins terrestres. Produire, opérer et entretenir des flottes satellitaires entières impose de nouveaux modèles industriels et stratégiques. L’Europe doit se doter d’outils adaptés pour maîtriser l’action dans, vers et depuis l’espace.

La mobilité orbitale, clé d’optimisation et de sécurité

Pour que cette infrastructure fonctionne, il faut pouvoir la déployer, l’optimiser et gérer sa fin de vie. La mobilité orbitale devient alors un enjeu central. Exotrail propose déjà son service de livraison au dernier kilomètre et d’emport de charges utiles à des fins d’expérimentaiton, et travaille à des services futurs d’inspection et de désorbitation. Ces technologies embarquées (propulsion, approche autonome et contact) sur des satellites multi-rôles sont aussi celles qui assureront la protection active des satellites patrimoniaux.

Ainsi, la mission YODA, pilotée par le ministère des Armées, illustre cette convergence : elle teste des capacités de patrouille en orbite géostationnaire, avec
des moteurs Exotrail embarqués. Dans un contexte de menaces hybrides croissantes dans l’espace, la capacité à surveiller et intervenir avec modularité et
réactivité est un impératif de garantie de la souveraineté spatiale.

Le spacevan, vers un drone de l’espace au service dual

Les véhicules développés par Exotrail vont au-delà de capacités de transport et incarnent une logistique spatiale résiliente et reconfigurable. Il faut désormais penser les futures architectures, notamment de télécommunication, à l’aune de ce que permettront demain les satellites de service. Le spatial a besoin d’actifs moins coûteux, modulaires et manœuvrants. Pour obtenir la masse nécessaire pour faire face à l’attrition attendue d’un conflit de haute intensité, les armées européennes pourraient bénéficier d’architectures distribuées et de « satellites plus rustiques », en complément des actifs patrimoniaux.

D’ici 2030, le spacevan pourra livrer des satellites en orbite, embarquer des démonstrations technologiques, mener des missions d’inspection, de maintenance ou de désorbitation. C’est une capacité spatiale multi-rôle, souveraine, au service de l’Europe et de ses partenaires. L’espace ne peut plus être abordé comme un simple terrain d’exploration. Il est devenu une infrastructure critique, au cœur de notre souveraineté technologique, économique et sécuritaire. L’Europe doit s’en saisir pleinement en structurant une filière industrielle capable d'agir, protéger et innover en orbite.