L’un des plus gros exits de l’histoire de la French Tech a-t-il failli se produire cet été ? C’est en tout cas la petite musique qui montait en juillet, lorsque la rumeur d’un éventuel rachat de Mistral AI par Apple commençait à prendre de l’épaisseur. Une telle perspective a mis en émoi l’écosystème tricolore, avec des réactions assez contrastées.

Pour Mistral AI, une telle éventualité est une jolie reconnaissance. Et pour cause, la société a été créée seulement en avril 2023. Alors, quand elle est déjà valorisée à 5,8 milliards d’euros au bout d’un an d’existence au printemps 2024 et qu’elle tape dans l’œil d’un mastodonte de la tech mondiale comme Apple, il est difficile de ne pas être flatté.

Mistral a le vent en poupe

Pourtant, contre toute attente, les dirigeants de Mistral AI auraient gentiment éconduit la firme de Cupertino. Cette dernière avait sans doute été intriguée par cette pépite tricolore qui avait ouvert une antenne à Palo Alto, qui abritait l’ancien siège d’Apple, il y a quelques mois.

Pouvoir dire non à Apple, c’est un luxe que peu d’entreprises peuvent se payer. Mais c’est probablement le signe d’une confiance sans faille qui habite le trio d’entrepreneurs (Guillaume Lample, Arthur Mensch et Timothée Lacroix) qui a fondé Mistral AI. Il faut dire que la startup parisienne sort d’une sacrée séquence en 2025, marquée par le Sommet pour l’Action sur l’IA à Paris durant lequel Arthur Mensch a été la «rockstar» absolue de l’événement et un VivaTech où un partenariat retentissant avec Nvidia a été annoncé.

Un exit bénéfique pour l’écosystème ?

Dans ce contexte, l’attractivité de la société française en est ressortie renforcée. Tout comme l’appétit des investisseurs à son égard… En marge du dernier VivaTech, il se disait ainsi que la licorne tricolore cherchait à lever un milliard de dollars sur la base d’une valorisation de dix milliards de dollars. Des hauteurs vertigineuses jamais vues dans la French Tech !

Ainsi, voir Apple s’intéresser à Mistral AI, c’est un peu la cerise sur le gâteau pour Arthur Mensch et sa bande. Mais une telle acquisition par le géant américain serait-elle une bonne nouvelle ? Cela dépend si on regarde le verre à moitié plein ou à moitié vide.

Si une telle opération se concrétisait, elle ferait clairement date pour l’écosystème français. Et pour cause, il s’agirait d’un exit historique qui aurait un retentissement mondial. Surtout, cela permettrait d’injecter de la liquidité dans l’écosystème tricolore. Avec une transaction qui se chiffrerait à plusieurs milliards de dollars, cela permettrait de faire un beau retour sur investissement pour des fonds tricolores comme Motier Ventures qui avaient misé tôt sur Mistral AI, et donc de réinvestir cet argent pour soutenir de nouvelles licornes bleu blanc rouge.

De manière plus globale, un exit avec Apple permettrait aux fondateurs de Mistral AI de récupérer un joli chèque et donc de devenir des business angels plus actifs dans la tech française. Et si ce cercle vertueux venait à se répliquer de plus en plus, cela permettrait d’aboutir à des fonds plus colossaux et à fortifier les compétences de l’écosystème. Bref, une réaction en chaîne susceptible de faire émerger des champions européens de l’IA.

L’aveu de faiblesse d’Apple

Derrière le visage naïf et féerique d’une telle opération, se cache un aspect beaucoup plus négatif. Car une fois de plus, cela signifierait qu’une pépite tricolore bascule sous pavillon américain. Un scénario que la French Tech n’a que trop vécu depuis son éclosion durant la décennie écoulée. Cependant, l’équipe dirigeante de Mistral AI n’a pas l’air de vouloir suivre cette voie. La preuve que les fondateurs ont confiance en leur produit et croient à leur destin.

Si un tel refus se confirme, le coup serait rude à encaisser pour Apple, qui en est réduit à lorgner sur des pépites internationales de l’IA pour tenter de combler son retard dans l’IA, alors que Google, Meta et Microsoft se tirent la bourre dans le secteur. Une forme d'aveu de faiblesse assez terrible pour la plus grande révolution technologique depuis celle des smartphones, engendrée par... l'arrivée de l'iPhone.

Depuis la disparition de Steve Jobs, Apple, version Tim Cook, s’est davantage illustré par son approche efficace pour faire fructifier ses finances et sa valorisation à Wall Street que par sa capacité à innover, au grand dam des «Apple Addict» qui commencent à se lasser du manque de fonctionnalités novatrices introduites dans les iPhone, MacBook, AirPods et autres produits de la marque à la pomme.

Avec Apple Intelligence, la firme de Cupertino ne fait pas vraiment des étincelles pour l’instant. Or le temps presse face à une révolution de l’IA qui s’accélère semaine après semaine. Mais visiblement, Mistral AI souhaite garder son indépendance pour l’instant. Un signe que l’entreprise française se sent capable de rivaliser avec OpenAI à long terme ?